Le 1er juin 1941, sous une chaleur torride, un corps expéditionnaire britannique entre à Bagdad, capitale de l'Irak, et en chasse le gouvernement de Rachid Ali, un putschiste en cheville avec les Allemands.
Coup d'État à Bagdad
Les Turcs ottomans avaient occupé la Mésopotamie (l'Irak actuel) sous le règne du sultan Soliman le Magnifique, au XVIe siècle. Mais ils en avaient été chassés à la faveur de la Grande Guerre de 1914-1918.
Le 11 mars 1917, un corps expéditionnaire britannique était entré à Bagdad une première fois, non sans de grandes difficultés. Le 25 avril 1920, après la dissolution de l'empire ottoman, la Grande-Bretagne se voit confier un mandat de la Société des Nations (ancêtre de l'ONU) pour administrer la Mésopotamie où l'émir Fayçal ibn Hussein prit le titre de roi.
Ce prince hachémite appartient à la dynastie régnante de la Mecque. Il est le frère du roi Abdallah de Transjordanie, intronisé à la même époque. A vrai dire, il ne témoigne pas d'un attachement inébranlable pour son pays d'adoption, constitué par accident : « Le peupIe irakien n'existe pas, car la population consiste en masses invraisemblables dénuées de sens patriotique, imbues de traditions religieuses et d'idées absurdes, sans aucun lien commun, prêtes à tous les mauvais coups, portées à l'anarchie et à toutes les rébellions », dit-il. Ce qui donne du prix à ce territoire est l'étendue de ses réserves d'hydrocarbures entre les mains de l'Iraq Petroleum Co. Les revenus pétroliers assurent une relative stabilité à la monarchie.
Le roi Fayçal 1er obtient une totale indépendance en 1932, non sans avoir offert des garanties au Royaume-Uni. A sa mort en 1933, son fils Ghazi lui succède. Comme Lawrence d'Arabie, celui-ci rêve d'unifier les Arabes dans un seul royaume ! Il prend en 1936 la tête du mouvement panarabe mais meurt accidentellement en 1939. Son fils de trois ans, Fayçal II, monte sur le trône, assisté par un régent, l'émir Abd al Ilah.
Au printemps 1941, tandis qu'en Europe, seule l'Angleterre résiste encore à Hitler, un corps expéditionnaire allemand débarque à Tripoli et s'avance bientôt vers l'Égypte.
Instruite par l'expérience de la guerre précédente, la Turquie a eu la sagesse de rester neutre, faisant ainsi pièce aux velléités allemandes au Moyen-Orient.
Le gouvernement de Vichy, qui possède un mandat sur la Syrie et le Liban, se trouve dès lors en première ligne pour faciliter l'accès de la Luftwaffe jusqu'à Bagdad. La Perse témoigne aussi sa sympathie envers l'Allemagne victorieuse. Le Croissant Fertile et ses richesses pétrolières allaient-ils tomber aux mains de l'Axe ?
A Bagdad, le gouvernement est dirigé par un nationaliste arabe, Rachid Ali el Gaylani. Celui-ci fomente un coup d'État le 3 avril 1941 et écarte le régent pour installer un régime républicain. Le représentant allemand, Grobba, promet aussitôt tout l'appui nécessaire.
Le gouvernement de Londres se voit trahi sur trois fronts et il lui faut toute l'énergie de Winston Churchill pour ne pas se laisser dépasser par les événements. Le Premier ministre anglais, contre l'avis du général en chef au Moyen-Orient, Sir Wavell, qu'il juge trop timoré, insiste pour une intervention immédiate susceptible de prévenir l'arrivée des renforts allemands qui ne peuvent tarder.
Une troupe hétéroclite, la Habforce, est rassemblée en Palestine et dirigée vers la Mésopotamie dans des conditions physiques extrêmement dures. Une opération combinée est lancée sur Bassora, le grand port pétrolier de l'Irak, le 18 avril, tandis que près de Bagdad, la base aérienne de Habbaniya, restée aux mains des Britanniques, résiste avec succès au siège des forces irakiennes.
Les conditions physiques sont inimaginables, la température atteint couramment 50 ° C. Selon les souvenirs d'un participant, « Les tentes étaient balayées à travers le désert, les toits de tôle arrachés des murs et jetés à 100 mètres de là... La sueur ruisselait sur les visages, le long du dos, de la poitrine et des jambes. Le sable projeté sur ces surfaces humides se transformait instantanément en boue ». Le coup de force britannique oblige l'armée irakienne à intervenir sans attendre les renforts attendus d'Allemagne.
Il est vrai que les contraintes logistiques sont très lourdes pour l'état-major de Hitler qui a par ailleurs d'autres soucis. A Téhéran, le gouvernement de Bandar chah hésite à fournir du ravitaillement aux Irakiens par crainte de représailles britanniques. Le roi Fayçal d'Arabie témoigne lui aussi ses réserves au nouvel homme fort de Bagdad.
Ainsi la résistance qu'oppose Rachid Ali n'est-elle pas à la hauteur et les Britanniques entrent-ils à Bagdad sans coup férir le 1er juin 1941 pour réinstaller le régent.
L'Irak offre dès lors une voie d'accès précieuse vers le Caucase qui va bientôt se trouver sur la ligne de front. Soviétiques et Britanniques font taire leurs dissentiments et lancent le 25 août 1941 une attaque contre la Perse pour s'assurer de ses réserves pétrolières.
Le roi Fayçal II assume officiellement le pouvoir à sa majorité en 1953, mais le mouvement panarabe a suscité des émules et le général Kassem fomente un coup d'État en 1958, instaurant la République.
Le 9 février 1963, Kassem est exécuté suite à un nouveau coup d'État. Mais le pays est déchiré par les rébellions autonomistes des Kurdes, au nord, et des chiites ( *), ou Arabes des marais, au sud. Il est aussi l'objet de toutes les convoitises occidentales du fait de ses ressources pétrolières. Il va ainsi de coup d'État en coup d'État jusqu'à la prise de pouvoir du général Ahmed Hassan al-Bakr, le 31 juillet 1968.
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Ratfucker (05-06-2023 08:19:10)
Un rappel du rôle néfaste du Mufti Husseini, admirateur d'Hitler, dans le coup d'état de Rachid Ali el Ghailani, et dans le pogrom du 1er juin 1941 (600 morts) ne serait pas superflu https://www.cairn.info/revue-d-histoire-de-la-shoah-2016-2-page-511.htm