Le 10 juillet, l'Assemblée nationale, qui réunit le Sénat et la Chambre des députés (ce que l'on appelle aujourd'hui le Parlement), tient une séance exceptionnelle dans le casino de la ville d'eaux de Vichy et vote les pleins pouvoirs au Président du Conseil, le maréchal Philippe Pétain. C'est, à l'heure de la défaite et de l'occupation étrangère, l'acte de décès de la IIIe République et le début de ce qu'on appelle le « régime de Vichy ».
Amère défaite
L'armée française, réputée la première du monde depuis la victoire de 1918, a été écrasée en six semaines par la Wehrmacht malgré une résistance courageuse. Dans la panique, le président de la République Albert Lebrun a confié les rênes du gouvernement au prestigieux vainqueur de Verdun, Pétain, qui ne cache pas son désir de mettre fin aux hostilités. De fait, l'armistice franco-allemand est conclu quelques jours plus tard, le 22 juin 1940.
Le gouvernement et les instances gouvernementales ayant été obligées de fuir Paris se sont réfugiées à Tours, puis Bordeaux, enfin Clermont. Le 30 juin, décision est prise de s'installer à Vichy, ville d'eaux auvergnate, tranquille, riche en hôtels confortables, reliée par le fer à Paris, disposant d'un bon réseau téléphonique. En quelques jours, la ville va voir sa population passer de 20 000 habitants à cent mille. Dans les hôtels, les réfugiés venus du nord sont remplacés par les fonctionnaires, les parlementaires et leurs familles.
C'est ainsi que le 10 juillet 1940, les parlementaires sont réunis dans le casino de la ville. Pierre Laval, vice-président du Conseil, leur lit une lettre par laquelle le président du Conseil leur demande les pleins pouvoirs en vue de préparer une nouvelle Constitution. Pétain lui-même a veillé à ne pas se présenter devant « ces gens-là » qu'il méprise.
Les parlementaires ne songent plus guère à résister d'autant que l'attaque anglaise de Mers-el-Kébir, une semaine plus tôt, a brisé tout espoir de racommodement entre le IIIe Reich et le Royaume-Uni. Ils adoptent le texte suivant : « Article unique. L’Assemblée nationale donne tout pouvoir au gouvernement de la République, sous l’autorité et la signature du maréchal Pétain, à l’effet de promulguer par un ou plusieurs actes une nouvelle constitution de l’État français. Cette constitution devra garantir les droits du Travail, de la Famille et de la Patrie. Elle sera ratifiée par la Nation et appliquée par les Assemblées qu’elle aura créées. La présente loi constitutionnelle, délibérée et adoptée par l’Assemblée nationale, sera exécutée comme loi de l’État » — Fait à Vichy, le 10 juillet 1940, Par le président de la République, Albert Lebrun Le maréchal de France, président du conseil, Philippe Pétain.
Le texte est approuvé par 569 parlementaires sur les 649 présents. Parmi eux 283 de droite et 286 de gauche. 80 parlementaires s'y opposent, dont 73 de gauche conduits par l'ancien président du Conseil Léon Blum.
Notons que les députés sont ceux qui ont été élus le 3 mai 1936 sous les couleurs du Front Populaire (à l'exclusion des communistes, exclus à la suite du pacte germano-soviétique). Sitôt le vote acquis, la Chambre a été dissoute et le nouveau chef de l'État, outrepassant la mission qui lui a été confiée, s'est arrogé les pleins pouvoirs. Il entame à 84 ans une carrière de dictateur. Le Maréchal fait très vite l'objet d'un véritable culte de la personnalité et beaucoup de sommités de droite comme de gauche se retrouvent aux côtés du vainqueur de Verdun avec l'espoir de régénérer le pays grâce à une « Révolution nationale ».
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Roulleaux (13-10-2021 12:08:45)
Il est bien de reconnaître cette vérité juridique et politique : les chambres n'ont pas votés les pleins pouvoirs "tout court" mais les pleins pouvoirs constituants. Elles n'ont pas abdiquées ca... Lire la suite
Fred F A (01-11-2006 16:40:01)
Petain, un double jeu ? Au mieux, peut-on lui acorder le bénéfice du gâtisme, mais si Pétain avait joué un quelconque double jeu, les débarquements de Dieppe (finalement avorté) et de Casablan... Lire la suite
jean ribac (25-07-2006 15:55:08)
1vous cite laval parmi les leaders socialistes et pacifistes. socialiste il ne l,etait plus depuis longtemps. 2. alain etait oppose a la guerre et il a certainement approuve l,armistice mais on n... Lire la suite