Le 17 mai 1940, une semaine après l'invasion de la Belgique et de la France par la Wehrmacht, la 4e division cuirassée du colonel Charles de Gaulle attaque près de Montcornet, dans l’Aisne, le flanc gauche des troupes blindées allemandes qui foncent vers la Manche.
Ce succès modeste va valoir à de Gaulle une promotion au grade de général de brigade à titre temporaire et une entrée au gouvernement en qualité de sous-Secrétaire d'État à la Guerre. Grâce à quoi il pourra être reçu par Churchill et obtenir de lancer un appel à la radio de Londres. Ainsi entrera-t-il dans l'Histoire...
Une attaque indécise
Dès 1934, dans son livre Vers l'Armée de métier, de Gaulle, officier d'état-major, avait préconisé la constitution d'unités blindées appuyées par l'aviation en reprenant les thèses développées par le général Estienne dans les années 1920. D'autres officiers, comme le Français Flavigny et l'Allemand Guderian, partageaient également ces thèses en insistant davantage que de Gaulle sur le changement de nature de la guerre.
Dès le lendemain de l'offensive allemande, le colonel de Gaulle obtient donc le commandement de la 4e division cuirassée (4e DCr) de la 5e Armée en cours de formation, avec un bataillon de 34 chars lourds Renault de 32 tonnes et une centaine de chars moyens et légers.
Le 15 mai 1940, de Gaulle reçoit pour mission de bloquer l'offensive blindée du général Guderian près de Laon. Guderian a traversé les Ardennes en deux jours et percé le front français à Sedan le 13 mai avec trois divisions blindées. Confiant à la 10ème Panzerdivision le soin de protéger son flanc sud, le général allemand a lancé les deux autres divisions, la 1ère et la 2ème, vers l'ouest pour prendre à revers la 1ère Armée française et le Corps expéditionnaire britannique engagés en Belgique.
C'est ainsi que les premiers chars allemands traversent le village de Montcornet le 15 mai au soir mais sans s'y arrêter. Quand, le 17 mai, de Gaulle lance son attaque sur Montcornet, l'essentiel des deux premières divisions allemandes a déjà traversé le village tandis que la 10ème s'apprête à en faire autant.
Le colonel a l'ambition non seulement de prendre Montcornet mais aussi de progresser au-delà vers l'ouest à la poursuite des Allemands. C'est ce qu'il écrit dans le message adressé au général Alphonse Georges, commandant en chef du front du Nord-Est : « Suivant la situation, je tiendrai Montcornet ou je pousserai sur Rozoy ou sur Marle. »
Il lance son attaque le 17 mai au petit matin, ses chars lourds avançant en deux groupes de part et d'autre de la route Laon-Montcornet. Plus rapides, les chars légers progressent plus au sud. Mais vers midi, ils sont pris à partie par les antichars allemands de la 10e Panzerdivision. Deux d'entre eux sont détruits et les autres doivent se replier. Même déconvenue pour les premiers chars lourds entrés à Montcornet : les deux chars de tête sont détruits et les autres se replient.
En milieu d'après-midi, le colonel de Gaulle tente une nouvelle attaque sur le village. Ses tanks le bombardent mais se replient sans attendre. L'affaire est bouclée à 18h30 avec la perte de 24 chars du côté français et aucune perte matérielle du côté de la 10ème Panzerdivision qui poursuit sa marche sans encombre. De Gaulle a perdu l'espoir d'une offensive prolongée et se satisfait de ce coup d'épingle dans la cuirasse de la Wehrmacht.
Grandes conséquences
Si dérisoire qu'elle soit, la bataille de Montcornet est immédiatement montée en épingle (!) par l'état-major car elle fait figure de seul succès français face à la Wehrmacht. À la suite de ce demi-succès, le 25 mai 1940, le colonel de Gaulle est promu par le président du Conseil Paul Reynaud au grade de général de brigade à titre temporaire, ce qui fait de lui le plus jeune général de France. Deux jours plus tard, le 27 mai, il engage à nouveau sa division dans la bataille d'Abbeville, le 27 mai, sous les ordres du général Maxime Weygand.
Dans la foulée, Charles de Gaulle va engranger des succès plus décisifs mais cette fois dans le domaine politique et non plus militaire. Lui-même n'insistera jamais trop sur ses exploits de Montcornet. Tout au plus écrit-il dans ses Mémoires de guerre :
« Culbutant sur la route les éléments ennemis qui, déjà, envahissent le terrain, [les bataillons de chars] atteignent Montcornet. Jusqu'au soir, ils combattent aux abords et à l'intérieur de la localité, réduisant maints nids de résistance et attaquant aux canons les convois allemands qui tâchent de passer. »
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Erik (18-05-2023 21:21:13)
Bravo pour votre description de la bataille de Montcornet; quelques précisions supplémentaires: avant de Gaulle, son camarade de promotion (Fez) A. Béthouart a été nommé Général de Brigade le 15 avril 1940 et il a été pendant quelques semaines, sauf erreur, le plus jeune général français. L'attaque des chars français n'a pas impressionné le chef des Panzer, le Maréchal von Kleist; il est vrai que sur le plan logistique, le camp français souffrait de sévères limitations: certains chars n'avaient pas été essayés, les équipages des chars légers n'avaient pas été entrainés et ils n'avaient pas de cartes, les radios étaient très limitées; enfin les chars lourds se sont trouvés à court de combustible en arrivant vers Montcornet. Cependant cette bataille était importante pour le moral.
Quelques jours après, le même Général Béthouart, à la tête du corp expéditionnaire français pour la Norvège, enlevait la ville de Narvik aux allemands (28 mai 1940), ce qui a permis aux alliés de rembarquer sans pertes le 7 juin 1940. (Voir « Churchill contre Hitler, Norvège 1940, la victoire fatale » F. Kersaudy).
Gérard-Gabriel (18-05-2023 08:45:19)
L'État-major français est resté aveugle, entre les deux guerres, à l'évolution de "la nature de la guerre", ce qui a permis à l'Allemagne de battre facilement l'armée française. D'autre part, la Belgique, jusqu'au 10 mai 1940, avait refusé le renfort de troupes alliées sur son territoire pour préserver sa neutralité. Ensuite, le flux tardif de troupes françaises en Belgique et leur recul aussi rapide à occasionné de graves désordres dans les leurs mouvements au Nord-Est (voir l'exemple de Valenciennes submergée par les unité montantes et descendantes ), ce qui a favorisé l'invasion allemande. La défaite de 1940 est avant-tout de la responsabilité du Haut-commandement qui s'est empressé de monter en épingle l'a.