Le 16 février 1940 au soir, un destroyer britannique pénètre dans un fjord de Norvège et arraisonne l'Altmark, un navire allemand qui s'y était réfugié avec à son bord 299 prisonniers anglais.
Les prisonniers sont délivrés à la grande satisfaction du Premier Lord de l'Amirauté, le ministre de la marine de guerre, qui n'est autre que Winston Churchill (66 ans). Il s'agit du premier coup d'éclat des Britanniques depuis leur entrée en guerre officielle contre l'Allemagne de Hitler, le 3 septembre 1939.
Après avoir dénoncé en vain pendant sept ans la menace hitlérienne, Churchill a été récompensé de son opiniâtreté par le portefeuille de la Royal Navy, celui-là même qu'il détenait au début de la... Première Guerre mondiale.
Agir ou ne pas agir ?
Le Premier ministre du gouvernement a nom Neville Chamberlain. Il a cédé devant Hitler à la conférence de Munich et continue, même après la déclaration de guerre, de préconiser l'« apaisement ». Ce n'est pas le cas de Churchill qui, à défaut de pouvoir agir sur le Continent, a l'idée de priver l'Allemagne de ses approvisionnements en minerai de fer suédois, essentiels au bon fonctionnement de son industrie.
Le minerai du gisement de Kiruna, en Laponie, est transporté par chemin de fer jusqu'au port norvégien de Narvik. Churchill suggère de miner la côte de la Norvège pour empêcher les navires allemands de charger le minerai. Sa proposition est d'abord rejetée par ses collègues. Le ministre des Affaires étrangères, Lord Halifax, partisan de l'« apaisement », objecte non sans raison que la Norvège est neutre.
Mais le 30 novembre 1939, l'URSS, liée à l'Allemagne par un pacte de non-agression, attaque la Finlande.
Soucieux de soutenir ce petit pays ainsi que de protéger la Suède, les Français et les Anglais se rangent à l'idée d'une intervention en Norvège. Ils vont même plus loin que Churchill en préconisant une attaque terrestre contre les ports norvégiens et même une occupation des mines suédoises... mais sous réserve de l'assentiment des gouvernements concernés !
Des semaines perdues à jamais
Plusieurs semaines s'écoulent en vaines discussions. Il est vrai que le roi de Norvège Haakon VII n'est pas bien disposé à sortir de la neutralité et accueillir des soldats anglais.
Alors, pour mettre fin aux atermoiements du Cabinet de guerre britannique, Churchill ordonne à sa marine d'arraisonner l'Altmark dans les eaux norvégiennes. Mais le coup de force pique au vif Hitler, qui décide d'attaquer la Norvège. L'opération est préparée dans le plus grand secret.
Le 8 avril, des destroyers britanniques commencent de miner la côte norvégienne, près du cercle polaire, en vue de bloquer enfin le transport du minerai vers l'Allemagne.
Prenant de vitesse le corps expéditionnaire franco-britannique, une flotte allemande avec de l’infanterie a quitté la veille le port allemand de Wilhelmshaven pour le nord de la Norvège, avec les croiseurs Scharnhorst et Gneisenau. Les Anglais n’arrivent pas à l’intercepter et dès le 9 avril, les parachutistes allemands se jettent sur les principaux ports norvégiens, Trondheim et Narvik. En un mois, cent mille soldats allemands vont pouvoir débarquer en Norvège.
La flotte allemande attaque aussi le fjord d'Oslo, la capitale. Elle renonce toutefois à débarquer sur place, l'un de ses navires, le Blücher, ayant été détruit par les canons norvégiens.
Riposte trop tardive
Les Alliés ripostent enfin avec détermination. Mais il n'est plus question de miner la côte ni de secourir la Finlande. Celle-ci a dû rendre les armes le 11 mars face aux Soviétiques, provoquant à Paris, dix jours plus tard, la chute du gouvernement d'Édouard Daladier et son remplacement par Paul Reynaud.
La Royal Navy affronte avec succès à deux reprises la flotte allemande, la Kriegsmarine, au large des côtes norvégiennes, les 10 et 13 avril.
Puis, entre le 15 et le 18 avril, 13 000 soldats britanniques débarquent du côté de Trondheim. Dans le même temps, un corps expéditionnaire anglo-franco-polonais de 20 000 hommes débarque à 60 kilomètres de Narvik. L'offensive sur Trondheim échouant, les Alliés concentrent leurs efforts sur Narvik.
L'échec des Alliés est bientôt patent et la responsabilité principale en incombe au Premier Lord de l'Amirauté !
Au début mai, la Chambre des Communes désavoue le gouvernement et contraint Chamberlain à la démission, mais elle évite soigneusement d'accuser Churchill de quoi que ce soit. Chacun sent que la situation exige un chef de guerre résolu et Churchill est de toute évidence celui-là.
Il est nommé Premier ministre le 10 mai, le jour de l'offensive allemande contre la Belgique. Il pourra désormais faire la guerre sans compromis ni atermoiements.
Succès sans lendemain
Le 24 mai, tandis qu'en France, leurs armées sont en pleine déroute, les commandements français et anglais rappellent leurs troupes de Norvège.
Ne restent sur place que les troupes polonaises et norvégiennes. Le 28 mai 1940, celles-ci repoussent les Allemands jusqu'à la frontière suédoise. Narvik est par ailleurs dégagé. C'est la seule victoire à l'actif des forces alliées pendant la « drôle de guerre », une victoire qui montre a posteriori que les troupes et la flotte allemandes n'étaient en rien invincibles !
Les opérations de Norvège auront coûté 1 300 tués et blessés aux Allemands et 5 000 aux Alliés. Sans résultat.
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Aucune réaction disponible