Un mois après son arrivée au pouvoir, le Front Populaire généralise les congés payés en France. La loi est votée à l'unanimité par les députés le 11 juin 1936 et promulguée le 20 juin 1936. Elle prescrit un minimum de deux semaines de congés par an pour tous les salariés français liés à leur employeur par un contrat de travail.
Les premiers congés payés ont été institués en France dès le 9 novembre 1853 par un décret de l'empereur Napoléon III, mais seulement au bénéfice des fonctionnaires.
L'idée a été reprise dans de nombreux autres pays, qui l'ont généralisé à tous leurs salariés. Ainsi en Allemagne dès 1905, puis en Autriche-Hongrie et dans les pays scandinaves depuis 1910, en Tchécoslovaquie, en Pologne et au Luxembourg, au début des années 20, et même en Grèce, en Roumanie, en Espagne, au Portugal ainsi qu'au Chili, au Mexique et au Brésil.
Il ne suffit pas d'avoir du temps libre. Encore faut-il savoir comment l'utiliser et en avoir les moyens. Au début du XXe siècle apparaissent en Rhénanie les premières auberges de jeunesse. Après la Première Guerre mondiale, dans l'Italie fasciste et l'Allemagne nazie, l'État met en place d'importantes organisations pour permettre aux citoyens de partir en vacances...
Les syndicats ouvriers européens se désintéressent quant à eux de la question et privilégient les revendications sur la semaine de huit heures.
Rattrapage social
En France, quelques administrations et patrons à la fibre sociale ont dès le début du XXe siècle l'audace d'instaurer les congés payés au bénéfice de leurs salariés (métro parisien, entreprises électriques et gazières, ouvriers du livre...).
Les patrons des houillères les instaurent au profit des mineurs en 1925.
Mais peu nombreux sont toutefois les salariés qui en profitent pour des vacances prolongées, beaucoup leur préférant une brève partie de campagne.
Les républicains, au pouvoir dès 1870, ne se soucient pas de généraliser les congés payés. Le parti communiste ne s'en soucie pas davantage car il n'a aucune envie d'améliorer le système capitaliste qu'il combat.
Les congés payés ne figurent d'ailleurs pas au programme du Front populaire. La loi qui va les généraliser est promue par le parti radical-socialiste, l'un des partenaires du gouvernement.
Ce parti de centre gauche représente les classes moyennes. Ayant goûté aux charmes des congés payés, les radicaux vont souhaiter en étendre le bénéfice aux classes populaires par la loi du 20 juin 1936.
Cette loi ne conduit pas pour autant à une explosion du tourisme, malgré les billets de train à tarifs spéciaux et le développement des auberges de jeunesse, beaucoup de salariés n'ayant ni le réflexe ni la possibilité financière de partir.
En 1936, 600 000 salariés français seulement en profitent pour jouir de vacances au bord de la mer ou à la campagne ; ils seront 1,7 millions l'année suivante...
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Cyrille (20-11-2006 11:19:44)
Raymon Aron, qui n'était à l'époque qu'un jeune homme sans notoriété finissant ses études, écrira beaucoup plus tard que le Front Populaire était voué à l'échec pour cause de programme inepte. Il regrettera qu'on n'en retienne que la semaine de 40 heures et les congés payés et qu'on n'en tire pas plus de leçons. Il ajoutera qu'il ne faut pas sous-estimer le poids de l'incompétence dans les décisions politiques.
Par ailleurs, il est très intéressant de comparer les scénarios de la "réduction du temps de travail" de 1936 et celle de 1997 : ce sont exactement les mêmes. Seul l'avenir nous dira si la conclusion sera la même : l'abrogation.