6 février 1934

Manifestation sanglante à Paris

Le 6 février 1934, le radical Édouard Daladier présente à la Chambre des députés son nouveau gouvernement.

C'est le prétexte à une violente manifestation antiparlementaire qui va faire trembler la République et susciter en définitive l'union des socialistes et des communistes, jusque-là refusée par ces derniers.

André Larané

Fracture politique

Édouard Daladier a été pressenti le 30 janvier par le président de la République Albert Lebrun pour présider le Conseil des ministres. Ce changement de gouvernement fait suite à la découverte, trois semaines plus tôt, du cadavre d'un escroc, Alexandre Stavisky.

L'opinion publique soupçonne des ministres et des députés d'avoir trempé dans ses combines. Quatre députés radicaux et francs-maçons sont, il est vrai, compromis dans le scandale. La méfiance de l'opinion est qui plus est exacerbée par l'annonce de la mutation par Édouard Daladier du préfet de police Jean Chiappe, suspect de mansuétude à l'égard des « ligues ».

Ces ligues - mouvements politiques de masse - rassemblent les mécontents de tout poil. Elles se sont multipliées à droite comme à gauche, en marge des partis parlementaires, à la faveur de la crise économique

Elles bénéficient du soutien de trois hebdomadaires influents de droite ou d'extrême-droite : Gringoire (600 000 lecteurs), Candide (Pierre Gaxotte, 300 000 lecteurs), Je suis partout (Robert Brasillach, 100 000 lecteurs).

Elles bénéficient aussi du soutien d'un nouveau-venu, Philippe Henriot (45 ans), élu député de Bordeaux quelques mois plus tôt. Militant catholique très marqué à droite, antirépublicain, antimaçonnique et antisémite, excellent orateur au demeurant, il appelle trois fois en janvier 1934, à la tribune de la Chambre des députés, à « balayer la République » (sous l'Occupation, il mettra sa voix au service de Radio-Vichy).

Manifestation hétéroclite

François de La Rocque (6 octobre 1885, Lorient - 28 avril 1946, Paris)En signe de protestation, les ligues appellent à manifester le jour même de l'investiture de Daladier, à Paris, place de la Concorde, en face de la Chambre des députés (le Palais-Bourbon).

Parmi les organisateurs de la manifestation figure l'association d'anciens combattants Les Croix-de-Feu présidée par le lieutenant-colonel comte François de La Roque (49 ans). Leur nom vient de l'appellation donnée aux combattants décorés pour une action d'éclat en première ligne pendant la Grande Guerre.

Inspiré par le christianisme social, hostile à toute forme de racisme et d'antisémitisme, La Rocque prône un régime de type présidentiel. Combattant émérite, homme de conviction et orateur remarquable, il est adulé par les 300 000 adhérents de son association, anciens combattants et fils ou parents d'anciens combattants.

Les Croix-de-Feu constituent le groupe le plus nombreux de la manifestation.

Sont aussi présents la ligue monarchiste Action française, la ligue des Jeunesses patriotes fondée en 1924 par Pierre Taittinger, conseiller municipal de Paris ainsi que le groupe Solidarité française du parfumeur François Coty, émule de Mussolini, et même une Fédération des contribuables !

À côté de ces groupes orientés à droite ou à l'extrême-droite, on relève la présence d'un mouvement communiste, l'Association républicaine des anciens combattants (ARAC).

Au total guère plus de 30 000 manifestants dont une forte majorité d'anciens combattants. Tous se mobilisent sur le thème : « À bas les voleurs ! » et réclament davantage de civisme, d'honnêteté...

Tragique manifestation

À l'appel du lieutenant-colonel de La Roque, les Croix-de-Feu se dispersent rapidement dès que se produisent les premières échauffourées avec la garde mobile. Bien qu'arrivés en fin d'après-midi aux portes du Palais-Bourbon, La Rocque et ses anciens combattants se refusent à occuper celui-ci. Leur dispersion rend vaine toute possibilité de renverser le régime par la force.

Mais de l'autre côté de la Seine, autour de la place de la Concorde, la manifestation dégénère. Des milliers de militants tentent de marcher sur le Palais-Bourbon. La Garde mobile tire. Les affrontements se prolongent tard dans la nuit. Seize manifestants et un policier sont tués. On compte un millier de blessés...

Publié ou mis à jour le : 2021-02-07 23:44:01
jutré (05-02-2014 23:36:34)

Cette journée du 6 février 34 a vraiment marqué les esprits. Quelques remarques : Sauf erreur de ma part, c'est peu après cette journée que le premier FRONT NATIONAL a été créé. Les organi... Lire la suite

PdlB (05-02-2014 21:41:51)

La journée du 6 février 1934 a eu un réel effet sur la gauche. La violente manifestation antiparlementaire va peut-être faire trembler le personnel politique mais elle a surtout permis de servir d... Lire la suite

h2b (05-02-2014 17:12:08)

A la manifestation "jour de colère" il n'y avait personne d'extrême gauche; merci de rectifier votre article, ou alors pour un site d'histoire, ça ne fait pas sérieux !

Marc Lanners (26-09-2006 17:39:10)

Très bon résumé de cette époque trouble et passionnante. L'excellent "Pétain" de Marc Ferro montre que Pétain avait, dès les prémisses, prudemment décliné la proposition du CSAR. Il n'a ja... Lire la suite

Martine (11-09-2006 13:57:17)

J'ai 61 ans, je viens seulement de lire l'acte d'accusationdu 23 avril 1945, dressé par M. le ProcureurGénéral MORNET dans l'affaire suivie contre Pétain( le procès PETAIN , GEO LONDON, ROGER BON... Lire la suite

Elodie (18-06-2006 15:38:29)

Il s'agit d'un très bon article qui a réussis à me faire comprendre un peu plus clairement les choses et qui m'a aidé à mieux apprendre mes cours pour mon bac d'Histoire

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