28 mars 1930

Brüning précipite l'Allemagne dans la déflation

Le 28 mars 1930, à Berlin, le Maréchal-Président Hindenburg appelle Heinrich Brüning (44 ans) à la chancellerie (la direction du gouvernement). Pendant plus de deux ans, le nouvel homme fort de la République de Weimar va tenter de remédier à la crise économique venue tout droit des États-Unis. 

Dans les faits, par sa politique vigoureusement «déflationniste»il va non seulement détériorer l'économie allemande et doubler le nombre de chômeurs mais aussi ruiner la confiance des citoyens en la démocratie. Sans le vouloir, en toute bonne conscience, il va ainsi ouvrir un boulevard à Hitler.

Fatale rigueur

L'Allemagne a été très rapidement affectée par le krach de Wall Street, en octobre 1929. Dès 1930, suite à une diminution de moitié de la valeur de ses exportations, elle compte trois millions de chômeurs sur 65 millions d'habitants.

Henrich Brüning (26 novembre 1885, Münster, Allemagne - 30 mars 1970, Norwich, États-Unis)

Patriote et célibataire austère, ancien syndicaliste chrétien, membre du Zentrum, le grand parti catholique, le nouveau chancelier forme un gouvernement de circonstance avec des gens aussi compétents que lui. 

Selon les règles de base de l'économie,  le gouvernement aurait dû en premier lieu dévaluer la monnaie nationale, le reichsmark, pour rétablir l'équilibre de la balance commerciale, quitte à ce qu'augmentent les prix des produits importés. 

Mais comme tous les Allemands de sa génération, Brüning voit dans l'inflation le mal absolu car il garde un souvenir horrifié de l'hyperinflation de 1923, l'«année inhumaine», quand les prix exprimés en marks grimpaient de minute en minute et atteignaient des montants absurdes, de l'ordre de milliers de milliards.

Il préfère donc tenter d'assainir l'économie par une politique de «déflation», en réduisant les coûts salariaux et les prix ainsi que les dépenses publiques avec l'espoir que, dans un deuxième temps, les profits des entreprises remonteront et encourageront les investissements et les exportations.

Les députés du Reichstag s'y opposent, ce qui vaut à l'assemblée d'être dissoute dès juillet 1930.

Aux élections de septembre 1930, le désenchantement favorise les partis extrémistes. Le parti nazi, qui n'avait recueilli que 2,6% des voix en 1928 avec 12 députés seulement, recueille cette fois 18,3% des voix, avec 102 députés. Le parti communiste progresse aussi, mais seulement de 10,6% à 13,1%. L'un et l'autre sont désormais fortement représentés au Reichstag et en mesure de paralyser le travail parlementaire.

Brüning contourne l'obstacle en gouvernant par décrets-lois signés par le Maréchal-Président Hindenburg, avec le soutien résigné du Zentrum et des sociaux-démocrates.

Ainsi affaiblit-il la démocratie sans pour autant redresser l'économie : réduction de 10% des rémunérations des fonctionnaires, baisse générale des salaires des ouvriers et des fonctionnaires, diminution de l'aide aux chômeurs, diminution des allocations familiales, augmentation des impôts... Parallèlement, de grandes entreprises et des banques en difficulté bénéficient de réductions d'impôts et de subventions publiques.

Par ailleurs, le ministre des Affaires étrangères Julius Curtius tente d'établir en mars 1931 une union douanière avec l'Autriche mais la France s'y oppose résolument pour des raisons politiques. Cet échec provoque un séisme monétaire à Vienne...

Poussée des extrêmes

Les mesures de rigueur du chancelier Brüning améliorent quelque peu la balance commerciale mais elles se révèlent surtout extrêmement impopulaires car elles réduisent la consommation et surtout portent de trois à six millions le nombre de chômeurs.

Dans la rue, les paramilitaires communistes et hitlériens s'affrontent à qui mieux mieux. La République de Weimar apparaît dès lors aux yeux des déshérités comme responsable de tous les maux du pays : le «Diktat» de Versailles, les réparations de guerre, le chômage etc.

Comme le mandat du président de la République arrive à son terme, Hitler, qui vient d'obtenir la nationalité allemande, se dispose à se porter candidat. Les démocrates convainquent le vieux Paul von Hindenburg (84 ans) de se représenter. Lui seul paraît en mesure de faire échouer Hitler. Monarchiste et conservateur, «soldat échoué en politique» selon ses propres termes, il n'est réélu que grâce au soutien des socialistes.

À l'élection présidentielle du 12 avril 1932, Hindenburg obtient 18,7 millions de voix contre 11,3 millions de voix (30% du total) pour Hitler.

Maintenu à son poste, le chancelier Brüning se dispose à ponctionner les grands propriétaires fonciers de l'Allemagne orientale, les Junker qui ont l'oreille du président Hindenburg.  Sous leur pression, le Reichspresident congédie Brüning le 1er juin 1932. 

Victimes de la politique de «déflation» ou de «rigueur», humiliées par le mépris du gouvernement Brüning à leur égard et ses dénis de la démocratie, les classes moyennes se tournent en masse vers les partis antiparlementaires : le parti nazi et le parti communiste.

Pour se maintenir au pouvoir et éviter la guerre civile, les partis conventionnels n'ont plus d'autre ressource que de s'allier à l'un ou à l'autre de ces partis. Ils savent tout ce dont est capable le communisme stalinien et se disent qu'il y a peut-être moyen de s'arranger avec Hitler

Publié ou mis à jour le : 2023-02-08 01:15:54

Voir les 4 commentaires sur cet article

Jacques Do (05-09-2013 13:03:38)

A Louis. Vous avez certainement raison de souligner que le pouvoir d'achat des ouvriers allemands était supérieur en 1938 à celui des ouvriers français à la même date. Encore faudrait-il ajoute... Lire la suite

Louis (25-08-2013 08:26:54)

Dès leur arrivée au pouvoir,après la neutralisation puis l'élimination de leurs adversaires, les nazis prendront les mesures qui s'imposaient pour sortir l'Allemagne du marasme économique : le po... Lire la suite

Anonyme (08-08-2013 20:02:50)

Le gouvernement espagnole à pris, ces trois dernière années, de nombreuses mesures d'économie,type "Brüning", Il sera intéressant de voir ce que ça va donner.

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