La République, instaurée à Lisbonne par la révolution des 4 et 5 octobre 1910, a fait brutalement sombrer le Portugal dans un régime ultra-laïc et violemment anticlérical, qui plus est instable et impuissant à moderniser le pays...
Le 28 mai 1926, le général Gomes da Costa commet un énième coup d'État, mettant fin au régime parlementaire et instaurant une dictature militaire. Celle-ci se consolide avec l'arrivée en 1928 d'Antonio de Oliveira Salazar, un professeur d'économie politique de 39 ans, au poste de ministre des Finances.
En exigeant que son ministère puisse seul autoriser les dépenses, Salazar redresse rapidement la balance des paiements en déficit depuis plus d'un siècle. Cette performance lui vaut d'être nommé président du Conseil en 1932, charge qu'il occupera jusqu'à sa maladie, en 1968 (il mourra deux ans plus tard).
On appelle cette période de l'Histoire portugaise « Estado Novo » (Nouvel État). Ses principes, apparentés au fascisme mussolinien, résident dans le rejet de la souveraineté populaire, une forte autorité de l'État au service de la nation, le corporatisme (collaboration des salariés et des patrons sous l'égide de l'État), le refus de la lutte de classes, du socialisme et du parlementarisme.
On vote malgré tout mais de curieuse manière... Les partis d'opposition sont illicites et seuls les candidats officiels bénéficient de facilités pour leur campagne électorale.
Le droit de vote est accessible à tous les hommes de plus de 21 ans sous réserve qu'ils sachent lire et écrire (sauf à payer une taxe de 100 escudos !), et aux seules femmes ayant une licence ou une maîtrise. Les fonctionnaires sont seuls obligés de voter, par devoir civique. Ces conditions excluent des urnes une bonne partie de la population et en particulier la plupart des habitants des colonies ou « provinces d'outre-mer ».
La PIDE (Police d'Intervention et de Défense de l'État) emprisonne, torture et tue nombre d'opposants. D'autres, comme Mario Soares ou Álvaro Cunhal, sont contraints à l'exil...
Le Portugal en panne
À la fin des années 1950, le Portugal figure à la traîne de l'Europe occidentale pour le développement économique en raison d'une gestion excessivement prudente des dépenses publiques par le docteur Salazar. Le pays se voit contester sa souveraineté sur les derniers vestiges de son empire colonial, en Afrique et en Asie.
Aux Indes, ses possessions de Goa, Damão et Diu sont annexées de force par l'Union indienne. En Angola, vaste colonie d'Afrique australe, les indigènes entament dès 1961 un combat pour l'indépendance. De plus en plus de soldats portugais sont envoyés outre-mer, en Angola, en Guinée et au Mozambique.
Pour le Portugal, à peine peuplé de 9 millions d'habitants, le « maintien de l'ordre » en Afrique devient une charge de plus en plus pesante. Jusqu'à 35% du budget national. 800.000 hommes y participent dans les années 1960 et 8 000 y trouvent la mort. Beaucoup de jeunes hommes émigrent clandestinement en vue d'échapper aux quatre années de service militaire et d'obtenir à l'étranger, en France surtout, de meilleures conditions de vie.
Marcelo Caetano succède à Salazar à la présidence du Conseil le 28 septembre 1968. Il ébauche une ouverture politique. Mais l'opposition parlementaire manque de consistance. C'est finalement de l'armée que viendra la révolte contre le statu quo et la guerre outre-mer. Celle-ci, en 13 ans, a vidé les coffres de l'État et l'on n'en voit pas l'issue jusqu'à la « révolution des Oeillets ».
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Jacques Groleau (26-05-2024 16:02:18)
Certes, le Dr Salazar n'a pas fait que de belles choses. Mais, 1) il a stabilisé un pays à la dérive dans les années 1930. 2) il a surtout évité au Portugal d'entrer dans la 2ème guerre mondia... Lire la suite