Le 27 mai 1926, le chef berbère Abdelkrim (ou Abd el-Krim) se rend aux troupes françaises. Sa reddition met un terme à cinq ans de lutte anticoloniale dans le Rif.
Éternels rebelles
Le Rif est une chaîne montagneuse qui borde le littoral méditerranéen du Maroc. Les tribus berbères qui l'habitent ont régulièrement résisté aux tentatives d'invasion des royaumes chrétiens du nord, l'Espagne et le Portugal.
Dès 1415, toutefois, le Portugal a pu s'emparer du port de Ceuta, sur la côte méditerranéenne, en face de Gibraltar. En 1496, après avoir détruit le dernier royaume maure de la péninsule ibérique, l'Espagne s'est emparée à son tour du port voisin de Melilla. Un peu plus tard, elle a mis pied aussi à Alhucemas (Al Hoceïma), Penon de Vélez de la Gomera ainsi que Ceuta, enlevée aux Portugais.
Ces quatre modestes comptoirs ou « présides » ne permettent toutefois pas à Madrid de pousser plus loin son avantage jusqu'au début du XXe siècle.
En 1906, la conférence d'Algésiras accorde des droits spéciaux à la France sur le Maroc. C'est l'amorce du protectorat français sur le royaume chérifien. Quant au Rif, qui résiste encore et toujours à l'occupation étrangère, son administration est concédée à l'Espagne. Elle en devient en quelque sorte le « sous-locataire ». Mais, pauvre, instable et déja dépouillée de la plupart de ses colonies, elle a le plus grand mal à soumettre sa population.
Son armée, qui occupe le territoire, essuie un douloureux revers en 1909 avec la mort de 150 soldats dans une embuscade. Du 26 juillet au 2 août 1909, des émeutes éclatent en Catalogne, pour dénoncer l'envoi de conscrits dans le Rif. Elles se soldent par une sauvage répression. C'est la « Semaine tragique de Barcelone ». Comme la France, l'Espagne recourt alors essentiellement à des troupes indigènes pour tenir le territoire, non sans mal.
L'insurrection fatale
Là-dessus, en 1920, le général Manuel Fernandez Silvestre, que le roi Alphonse XIII a fait nommer commandant général de Melilla, entreprend de soumettre pour de bon le Rif. Il recueille quelques premiers succès qui lui valent d'être fêté comme « héros national ».
Mais la tribu des Beni Ouriaghel, installée dans la région d'Alhoceima, entre en rébellion ouverte sous la conduite de Mohamed Ben Abdelkrim El-Khattabi (30 ans). Ce jeune chef charismatique et intelligent a étudié à Fès et fait son droit à Salamanque (Espagne) avant de devenir journaliste et fonctionnaire de l'administration espagnole. Il lève une petite armée et inflige quelques échecs aux Espagnols.
Pour en finir avec les Beni Ouriaghel, le général Silvestre lève une nombreuse armée mais elle est essentiellement composée d'indigènes mal formés et surtout mal armée, avec des fusils remontant à la guerre de Cuba (1898).
Il essuie une dramatique défaite à Anoual, le 20 juillet 1921. S'étant fait piéger dans ce lieu aride, dans les montagnes à 70 km à l'ouest de Melilla, il panique à l'annonce de l'arrivée d'une colonne ennemie et donne l'ordre d'évacuer la place sans attendre les secours.
Dans les affrontements qui s'ensuivent, 14 000 soldats espagnols, soit la presque totalité des troupes, sont tués, blessés ou portés disparus, parfois réduits en esclavage par les tribus rifaines. Le général Silvestre lui-même se suicide et son remplaçant le général Navarro sera capturé.
3000 survivants qui ont tenté de négocier une reddition dans la place de Monte Arruit (Al Aaarouil) sont massacrés sur ordre d'Abdelkrim le 9 août.
Fort de la renommée que lui vaut sa victoire, et surtout riche de la grande quantité d'armes légères et lourdes saisies sur le champ de bataille (environ 4 000 fusils et dix canons), Abdelkrim étend son autorité à l'ensemble du Rif. Le 1er février 1922, il proclame même la République confédérée des tribus du Rif et s'en désigne président.
À Madrid, les échecs du gouvernement espagnol face à Abdelkrim sont à l'origine d'un coup d'État le 13 septembre 1923 par le général Miguel Primo de Rivera (53 ans). Celui-ci suspend la Constitution et instaure la dictature, comme Mussolini en Italie un an plus tôt.
Non content de ses victoires face aux Espagnols, Abdelkrim envoie des émissaires aux tribus de la zone du protectorat français pour les inviter à le rejoindre dans la rébellion.
Les Français entraînés dans la guerre
Hubert Lyautey, résident général de la France auprès du souverain alaouite, pressent le danger que constitue la rébellion pour le protectorat français. Il renforce les postes d'avant-garde afin de protéger les villes de Meknès, Taza et Fès. Mais le « maréchal monarchiste » est mal vu du gouvernement républicain et n'obtient pas les renforts réclamés.
Quand Abdelkrim lance en avril 1925 son offensive vers le sud, il repousse sans trop de mal les troupes françaises vers Fès et Taza.
Lyautey mesure le danger pour la monarchie alaouite et le protectorat français. Il entame la guerre contre Abdelkrim par les moyens traditionnels, en cherchant à retourner contre lui les tribus locales.
Le gouvernement français s'impatiente et lui retire le commandement des opérations. Il confie celles-ci au maréchal Philippe Pétain, auréolé de sa victoire à Verdun et bien en cour dans les milieux républicains, mais ignorant des réalités coloniales.
Lyautey démissionne de ses fonctions de résident général et rentre en France cependant que Pétain obtient de Paris tous les renforts qui lui avaient été refusés.
Amère victoire des troupes coloniales
Le maréchal organise une contre-offensive massive en s'appuyant sur l'aviation, sans craindre de bombarder les populations civiles. Il bénéficie du concours des Espagnols qui, sous la direction du général Primo de Rivera lui-même, avec une armée refaite à neuf, réussissent un audacieux débarquement à Alhucemas le 8 septembre 1925.
Un jeune général espagnol d'une trentaine d'années va s'illustrer dans cette guerre à la tête de la légion espagnole, la Bandera. Dénommé Francisco Bahamonde Franco, il acquiert en Espagne même une immense popularité qui le conduira à la dictature.
Les troupes d'Abdelkrim se débandent et leur chef demande à négocier. Comme les pourparlers engagés à Oujda échouent, le rebelle ne voit plus d'autre issue que de se rendre aux Français pour protéger les siens. Il est exilé dans l'île de la Réunion mais réussit à s'échapper à la faveur d'un transfert en France et se réfugie au Caire où il meurt en 1963.
La guerre du Rif demeure comme l'une des plus grandes épopées nationales du Maroc. Aux yeux des nationalistes arabes, elle reste un grand symbole de la lutte anticoloniale.
Vos réactions à cet article
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Taoufik Monastiri (01-06-2023 06:21:34)
Le titre de l’article est incomplet, il induit en erreur le lecteur. Vous auriez du écrire comme titre : 27 mai 1926
Abdelkrim se rend aux Français (mais ceux-ci le perdent sur la route de l’exil) !!!! C’est plus juste…
Emiliano (21-07-2013 18:20:30)
Quant au napalm, il n'a été inventé qu'en 1942.
Emiliano (21-07-2013 18:18:18)
Le débarquement de El Hoceima du 8 septembre 1925 a concerné 13 000 soldats, surtout espaglos appuyés par un contingent français et non pas 500 000 ...
marjp (21-07-2013 11:47:39)
A Khaled il est bon de s'appuyer sur des faits réels et précis et citer des faits improbables. Il est certain que pour la guerre du Rif le napalm n'a pas été utilisé pour la simple raison que sa première utilisation date de 1942 (invention américaine). Reste a prouver sur la base de documents et non de oui dire que 500 000 soldats sur le sol marocain à cette époque.
azard (19-05-2006 23:35:20)
Comme les pourparlers engagés à Oujda échouent, le rebelle ne voit plus d'autre issue que de se rendre pour protéger les siens...
Je n ai pas compris cette phrase, car je crois que l'armee franco-espagnole a bombardé massivement la tribu ayt wariaghel (Beni Ouriaghel en arabe), la tribu de abdelkrim, et il y avait bcp de victimes et c'était la cause qui a poussé abdelkrim à se rendre.