Le mardi 28 avril 1925, le chancelier de l'Échiquier Winston Churchill annonce le retour à la convertibilité or de la livre sterling. Celle-ci avait été suspendue en 1919, le pays, meurtri par la Grande Guerre, n'ayant plus les moyens de tenir son rang.
On s'apercevra très vite des implications désastreuses de cette mesure, pour la Grande-Bretagne et le reste du monde...
Affaire d'honneur national
Churchill s'est acquis un certain prestige pendant la Grande Guerre en qualité de Lord de l'Amirauté, mais a connu ensuite une longue « traversée du désert ».
Il est revenu au gouvernement après avoir délaissé les libéraux (whigs) et renoué avec les conservateurs de sa jeunesse (tories).
Mais à la fois méfiant et habile, le Premier ministre conservateur Stanley Baldwin a voulu le neutraliser en lui confiant la fonction de chancelier de l'Échiquier (ministre des Finances), une fonction pas vraiment dans sa nature...
C'est ainsi que, se laissant manoeuvrer par les financiers de la City et les experts, Churchill annonce le retour à la convertibilité or de la livre sterling. Profitant d'un moment d'euphorie boursière qui a vu le cours de la livre remonter de 4,43 à 4,81 dollars, il décrète que son cours sera désormais celui d'avant-guerre, soit 4,86 dollars. Il en fait une question de fierté nationale !
L'illustre économiste John M. Keynes dénonce cette mesure dans un opuscule : Les conséquences économiques de M. Churchill (1925) en faisant valoir son inanité au vu des pouvoirs d'achat et des prix de détail comparés en Grande-Bretagne et aux États-Unis.
La monnaie britannique se retrouve d'un coup fortement surévaluée. Les financiers, qui s'inquiétaient de la fuite des capitaux, en sont ravis.
Mais les produits industriels fabriqués en Grande-Bretagne voient leur prix sensiblement augmenter et le déficit commercial du pays explose.
Il s'ensuit une crise économique et une douloureuse grève générale après que l'on eut décidé de diminuer les salaires des mineurs pour restaurer la compétitivité du charbon national. Les capitaux se réfugient à qui mieux mieux aux États-Unis, à Wall Street, où ils nourrissent la spéculation et contribuent au krach de 1929.
Notons pour l'anecdote que la grève de mai 1926 a pour effet de priver Winston Churchill de son chauffeur et de sa voiture de fonction, ce qui oblige le ministre à prendre le métro, pour la première et la dernière fois de sa vie ! Son biographe François Kersaudy raconte que le malheureux aurait alors trouvé moyen de se perdre dans le dédale des couloirs.
Lointaines conséquences
En 1931, le gouvernement travailliste de Ramsay Mac Donald impose une sévére politique de rigueur qui provoque, ô scandale ! la « révolte de la Navy », dont les marins n'en peuvent plus de sacrifices salariaux. En désespoir de cause, le gouvernement se résout le 21 septembre 1931 à suspendre une nouvelle fois la convertibilité de la livre. Cette dévaluation de fait va entraîner l'économie mondiale dans une rechute.
Churchill reconnaîtra après la Seconde Guerre mondiale, en privé, que sa décision de 1925 fut « la plus grosse bévue de [sa] vie ». En public, il en rejette la faute sur les « experts » et en particulier Norman Montagu, gouverneur de la Banque d'Angleterre.
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