Le 12 mars 1921, Lénine surprend les communistes de son parti en annonçant une Nouvelle Politique Économique (en russe : NEP).
Après son coup de force d'Octobre 1917, Lénine a dû lutter tout à la fois contre les partisans du tsar déchu, les nationalistes, les démocrates et les socialistes. Il a pour cela instauré dès 1918 un communisme de guerre.
Supprimant la monnaie et le commerce intérieur, il a imposé des réquisitions en nature aux paysans. Il s'en est suivi une famine de plusieurs millions de morts et une chute sans précédent de l'activité économique. La révolte gronde chez les soldats fidèles aux bolcheviques.
Le 28 février 1921, les marins de la citadelle de Cronstadt se révoltent au nom de la démocratie et du socialisme. Ils sont massacrés par l'Armée rouge de Trotski.
Dans son rapport de mars 1921 au Xe Congrès du PC, Lénine avoue : « Les faits sont là. La Russie est menacée de famine. Tout le système du communisme de guerre est entré en collision avec les intérêts de la paysannerie. (...) Nous nous sommes trop avancés dans la nationalisation du commerce et de l'industrie, dans le blocage des échanges locaux. Est-il possible de rétablir dans une certaine mesure la liberté du commerce ? Oui, c'est possible. C'est une question de mesure. Nous pouvons revenir quelque peu sur nos pas sans détruire pour cela la dictature du prolétariat. »
En dépit de l'opposition de Trotski, son principal adjoint, le dictateur sacrifie le dogme marxiste en donnant un peu de liberté aux paysans, aux commerçants et aux petits entrepreneurs.
Mais il s'en tient à une libéralisation des rouages économiques et maintient intacts les rouages de la dictature. Il n'était que temps...
Le 16 mars 1921, le Xe Congrès du Parti communiste russe adopte le rapport de Lénine.
L'État reste propriétaire de la terre et des moyens de production, il garde le contrôle des banques, des transports et du commerce extérieur ; il regroupe les grandes industries nationalisées au sein de trusts d'État systématiquement favorisés par les investissements publics.
A côté de ce secteur étatique, la NEP autorise l'ouverture d'un secteur privé en rétablissant la liberté du commerce intérieur. Les paysans sont les premiers bénéficiaires de la réforme. La fin des réquisitions et le remplacement des impôts forcés par un impôt unique en nature, fixé chaque année, les encouragent à écouler leurs surplus.
En outre, un code agraire édicté l'année suivante, en 1922, permet aux communes rurales de redistribuer les terres et d'en déterminer le mode d'exploitation (location, fermage, métayage) en vue d'un rendement optimal.
Toujours dans le dessein d'améliorer les conditions de vie de la population, l'industrie lourde cède le pas à l'industrie légère. Le 7 juillet 1921, les entreprises de moins de vingt ouvriers sont dénationalisées.
Les révolutionnaires font même appel aux capitalistes honnis en instaurant le 13 mars 1922 des sociétés mixtes au capital fourni pour moitié par l'État et pour moitié par des groupes occidentaux (beaucoup d'Américains y répondent favorablement).
Un peu plus tard, le secteur public lui-même renonce à l'égalité des salaires dans les grandes usines et restaure une hiérarchie fondée sur la compétence.
En restaurant partiellement l'économie de marché, la NEP va sauver le pouvoir léniniste. Sa réussite sera spectaculaire. Paysans, commerçants et petits entrepreneurs reprennent goût au travail et aux échanges. Le chômage est résorbé. Qui plus est, les communistes russes gagnent la confiance des capitalistes américains. Capitaux et techniciens occidentaux s'investissent dans la « patrie du communisme réel » pour reconstruire les infrastructures.
Dès 1926, la production industrielle dépasse de 8% le niveau d'avant guerre. La production agricole rattrappe à son tour ce niveau en 1928 !
Beaucoup de bolchéviques, dont Trotski, en viennent cependant à craindre que la NEP, par son succès même, ne favorise dans les villes et les campagnes l'avènement d'une nouvelle bourgeoisie qui, avide de liberté, pourrait un jour renverser le régime communisme !
Il est vrai que les « koulaks » (surnom donné aux paysans aisés) représentent bientôt le quart de la population agricole. En ville, les « nepmen », surnom donné aux entrepreneurs qui ont su tirer parti de la NEP, sapent par leur existence même les fondements de la « dictature du prolétariat ».
Staline, devenu le maître tout-puissant de l'URSS, se rallie aux partisans du retour aux grands principes. Il lance le 1er octobre 1928 un premier plan quinquennal (1928-1933) en vue d'abattre définitivement le capitalisme.
Le plan prévoit la mainmise de l'État sur toutes les activités économiques, y compris l'agriculture. C'est ainsi que doivent être collectivisées les terres sous la forme de coopératives géantes : les kolkhozes, et de grandes fermes modèles : les sovkhozes. Le 6 janvier 1930, un décret officialise la fin de la NEP (Nouvelle Politique Économique).
La collectivisation brutale des terres va entraîner une nouvelle baisse de la production et, plus gravement, d'épouvantables famines.
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
KINOO (12-03-2024 09:51:29)
Dommage de quitter l'Histoire pour reprendre les thèmes quelques peu éculés de l'anticommunisme occidental. Non pas que les leaders du bolchevisme aient été des anges loin de là , mais cela ressemble d'avantage à un procès à charge sans avocat... Donc une analyse entachée d'un manichéisme classique, le bien c'est l'occident, le mal c'est le communisme. Cordialement
Erik (13-03-2018 15:52:22)
Je connais très mal le sujet mais la NEP me fait penser à l'approche libérale de la politique post-maoïste. Avec des réserves bien-sûr.