28 février 1921

Les marins de Cronstadt contre Lénine

Le 28 février 1921 débute la révolte des marins de Cronstadt. C'est l'acte de désespoir des plus passionnés des révolutionnaires bolchéviques, déboussolés par l'évolution du régime de Lénine vers une dictature brutale.

On peut dire que ce soulèvement et son échec marquent la fin de la période révolutionnaire ouverte en Russie en 1917 par la Révolution démocratique de Février et la Révolution bolchevique d'Octobre.

André Larané

Les marins de Cronstadt en 1917

Des révolutionnaires déboussolés

En cet hiver 1920-1921, la situation est tendue à Cronstadt. Les marins de la célèbre base navale russe, en face de Petrograd (Saint-Pétersbourg), ont témoigné plusieurs fois dans les dernières années de leur engagement en faveur de la révolution et du socialisme.

Soutenus par un solide esprit de corps, ces quelques milliers de marins ont été plusieurs fois requis par Lénine et le chef de l'Armée Rouge, Trotski, pour combattre les contre-révolutionnaires. Ainsi ont-ils été envoyés en première ligne à Kazan, au coeur de la Russie, pour reprendre la ville à la légion tchèque en 1918.

Mais la guerre civile s'achève le 16 novembre 1920, avec la reddition à Sébastopol de l'« Armée blanche » de Wrangel. La dictature de Lénine et du parti bolchevique perd sa principale justification et les marins de Cronstadt, trois ans après la Révolution d'Octobre, ne la supportent plus.

« Mort à tous ceux qui s'opposent à la liberté des travailleurs ! », le drapeau de la Makhnovchtchina.Les bolcheviques manipulent à leur guise les conseils d'ouvriers, de paysans et de soldats (en russe, conseil se dit soviet). Pour se maintenir envers et contre tout au pouvoir, ils multiplient les exécutions sommaires, réquisitionnent les récoltes et réduisent les paysans et les prolétaires des villes à la famine. Les menaces de grève enflent. A Petrograd, les ouvriers, prétendument héros de la Révolution, sont contraints de travailler sous la menace des fusils !

Aux trois millions de combattants tués au cours de la précédente guerre civile (plus deux millions morts des suites de maladies ou de blessures), il faut ajouter environ cinq millions de paysans et d'ouvriers victimes de la famine et des exécutions sommaires.

À Cronstadt, les marins sont d'autant plus révoltés que le commandant de la base, Fedor Raskolnikov, affiche le train de vie ostentatoire d'un nouveau riche et illustre l'ascension d'une nouvelle classe de privilégiés.

Une insurrection spontanée

L'équipage du cuirassé Petropavlosk exige la réélection des Soviets à main levée et non plus à bulletin secret comme l'imposent les bolchéviques. Il réclame aussi la liberté pour les Socialistes-Révolutionnaires (SR, socialistes de gauche opposés aux bolchéviques) et le droit pour les paysans et les artisans de travailler librement, à la seule condition de ne pas employer de salariés.

L'auteur de la résolution, un certain Petritchenko, appelle de ses voeux une troisième révolution après celles de Février et d'Octobre 1917. Il est rejoint par l'équipage du cuirassé Sébastopol, lui-même guidé par un mécanicien du nom de Perepelkine.

Le lendemain, la résolution du Petropavlosk est adoptée à Cronstadt au cours d'un meeting qui réunit 12 000 personnes. Les représentants des bolchéviques sont emprisonnés et un comité révolutionnaire provisoire présidé par Petritchenko prend le commandement de la ville. Cette « Commune » va durer seize jours.

À Moscou, Trotski, commissaire à la guerre, demande au futur maréchal Toukhatchevski de réduire la rébellion. Début mars, une première attaque par des soldats à pied se déplaçant sur la surface gelée du golfe de Courlande est repoussée avec succès par les marins. 80% des assaillants périssent sur la glace.

Une deuxième offensive a lieu quelques jours plus tard avec pas moins de 45 000 soldats soigneusement équipés de tenues d'hiver. L'offensive débute en pleine nuit et se poursuit le jour suivant. Les soldats de l'Armée rouge entrent dans la citadelle et progressent rue après rue. Après la reddition des marins, ils se vengeront de leurs frayeurs dans un bain de sang. Petritchenko et quelques 8 000 marins réussissent toutefois à s'enfuir jusqu'en Finlande, en parcourant une dizaine de kilomètres sur la glace.

Changement de cap

Lénine comprend que le massacre des marins ne suffira pas à rétablir l'autorité des bolcheviques. Il tire très vite les enseignements de la révolte. Le 12 mars 1921, tandis que sont massacrés les vaincus de Cronstadt, il annonce devant le Congrès de son parti la mise en oeuvre d'une Nouvelle politique économique (NEP) destinée à relancer l'initiative paysanne.

Dans le même temps, il liquide les derniers partis politiques à l'exception du sien et interdit toute forme de discussion au sein du parti communiste.

Publié ou mis à jour le : 2024-02-27 14:43:12
Ty bihan (28-02-2024 12:20:08)

Michel Ragon, un grand révolutionnaire , comme chacun sait.

LEMETTAIS (03-03-2017 11:20:38)

Il est bon d'apprendre la VERITE, même si c'est presque un siècle après les événements. Le bolchevisme, le stalinisme, le nazisme, le maoïsme, le ''polpotisme'', et les autres... le CASTRISME pour qui, en 1995, la France avait déroulé le tapis rouge!!! Tôt ou tard la vérité apparaît!

Erik (28-02-2017 11:55:55)

Et il est toujours honorable de se réclamer du marxisme léninisme à notre époque.

bruno (22-02-2011 23:28:14)

Pour entrer dans cette période de l'histoire, je ne peux que recommander le roman historique de Michel Ragon: "la mémoire des vaincus". Albin Michel

Christophe (22-02-2011 10:50:52)

Un bel article... qui s'inscrit dans notre devoir de mémoire...

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