28 juin 1919

Paix bâclée à Versailles

Le 28 juin 1919, un traité entre l'Allemagne et les Alliés règle le conflit qui débuta à Sarajevo 5 ans plus tôt, jour pour jour, et se termina par l'armistice de Rethondes.

Neuf à dix millions de morts (dont 1 400 000 pour la France) témoignent de l'horreur exceptionnelle de cette guerre sans précédent dans un continent qui avait réuni au XIXe siècle tous les atouts de la prospérité, de la grandeur et de l'harmonie.

Un bouleversement sans précédent

Des traités de paix avec chacun des pays vaincus concluent la Grande Guerre de 1914-1918. La carte du continent européen en sort complètement transformée avec la disparition de quatre empires, l'allemand, l'austro-hongrois, le russe et l'ottoman, au profit de petits États nationalistes, souvent hétérogènes, revendicatifs... et impuissants.

L'Europe après la Première Guerre mondiale (1923)

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Cette carte montre l'Europe après la Première Guerre mondiale et les traités qui ont fait éclater les 4 empires de 1914. Noter la multiplication de petits pays inaptes à se défendre et le couloir de Dantzig qui partage en deux le territoire allemand.

Des négociateurs divisés

Le premier des traités de paix et le plus important est signé avec l'Allemagne dans la galerie des Glaces au château de Versailles, sur les lieux mêmes où fut fondé l'empire allemand le 18 janvier 1871.

Les représentants de 27 pays alliés font face aux Allemands. Mais le traité de Versailles a été pour l'essentiel arbitré par quatre négociateurs qui sont le Français Georges Clemenceau, le Britannique David Lloyd George, l'Américain Thomas Woodrow Wilson sans oublier l'Italien Vittorio Orlando.

Ce sont des hommes du centre gauche, méfiants à l'égard de l'Église et des catholiques autrichiens, hostiles d'autre part aux communistes qui tiennent la Russie sous leur botte et sèment la Révolution en Europe centrale.

Les négociateurs alliés à Versailles
Lloyd George, Orlando, Clemenceau et Wilson

Les quatre principaux négociateurs alliés du traité de paix posent devant le château de Versailles :
David Lloyd George (Royaume-Uni), Vittorio Orlando (Italie), Georges Clemenceau (France) et Thomas W. Wilson (Etats-Unis).

Le président Wilson est un idéaliste qui veut imposer le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes conformément à ses 14 Points de janvier 1918, au risque de créer en Europe centrale des États-croupions non viables.

Malgré la contribution tardive de ses troupes, il se présente en véritable leader du monde civilisé. À la différence des pays européens, les États-Unis ont en effet accru leur puissance économique du fait même de la guerre et des ventes d'armement aux Alliés franco-anglais.

Le Premier ministre britannique Lloyd George lorgne sur les colonies allemandes et le marché intérieur des vaincus.

Signature du traité dans la Galerie des Glaces de Versailles (28 juin 1919)Pour Clemenceau et les Français, la récupération de l'Alsace-Lorraine, annexée en 1871 par l'Allemagne, est un minimum. Clemenceau veut par ailleurs punir comme il se doit l'Allemagne, pour sa déclaration de guerre et pour ses destructions sur le territoire national.

Le quatrième négociateur est le Premier ministre italien Vittorio Orlando. Plein de faconde, il ne souhaite rien d'autre que des annexions autour de la mer Adriatique, au détriment de l'Autriche-Hongrie (il quitte provisoirement la table des négociations en mai 1919 pour appuyer ses revendications).

Un traité excessivement dur

Les plénipotentiaires allemands ont été tenus à l'écart des débats sur la préparation du traité. Selon les termes de celui-ci, leur nation est en premier lieu amputée du huitième de son territoire et du dixième de sa population. Elle est par ailleurs soumise à des limitations de souveraineté humiliantes.

–  L'Allemagne perd l'Alsace et la Lorraine du nord (Metz), annexées en 1871. Le territoire est restitué à la France sans référendum mais conserve ses particularités de l'époque impériale. À la différence du reste de la République française, les trois départements demeurent ainsi soumis au Concordat de 1801 qui régit les rapports entre l'État et l'Église catholique.

–  L'Allemagne perd aussi les villes d'Eupen et Malmédy au profit de la Belgique et surtout une grande partie de ses provinces de l'Est à l'exception de la Prusse orientale (Koenigsberg) au profit d'une Pologne ressuscitée.

–  L'Allemagne est dépouillée de ses colonies africaines au profit de la France, de la Belgique, de la Grande-Bretagne et de l'Union sud-africaine ; elle cède aussi la province chinoise du Chan-tong au Japon, ce qui provoque les protestations de la Chine, qui quitte la conférence en mai 1919.

–  Aux marges orientales de la nouvelle Allemagne, le traité ressuscite une Pologne hétérogène (avec une forte minorité germanophone) dont le seul accès à la mer passe par les territoires allemands. C'est le corridor de Dantzig qu'elle se montrera inapte à défendre.

– Les royaumes et les principautés qui composaient l'Empire allemand et pouvaient servir de contrepoids à l'autoritarisme prussien sont dissous. Il est vrai que leurs souverains avaient abdiqué avant même l'armistice du 11 novembre 1918. À la place de l'Allemagne impériale s'installe un État démocratique et républicain, ce dont se réjouissent les Français. Mais cette « République de Weimar », du nom de la ville où se réunit l'assemblée constituante, aura bien des difficultés à résister aux pressions de la rue.

– L'armée allemande est réduite à 100 000 soldats de métier et la marine de guerre à 16 000 hommes. Les forces armées sont interdites d'artillerie lourde, de cuirassés et d'avions. Il ne leur est pas permis de faire appel à des conscrits.

– Les Alliés prévoient d'occuper militairement pendant 15 ans la rive gauche du Rhin ainsi que trois têtes de pont sur le Rhin (Mayence, Cologne, Coblence). Il est prévu également une zone démilitarisée de 50 km de large sur la rive droite du Rhin.

– Le gouvernement allemand doit reconnaître sa responsabilité dans le déclenchement de la guerre. On lui demande qui plus est de livrer l'ex-empereur Guillaume II (alors en exil) pour le juger comme criminel de guerre ainsi que quelques autres hauts responsables.

– Enfin, l'Allemagne est astreinte à de lourdes réparations matérielles et financières. Le montant final en sera fixé après la signature du traité de Versailles, en 1921, à 269 milliards de mark-or. C'est un peu plus qu'une année du revenu national.

« L'Allemagne paiera ! » répondra plus tard Clemenceau à qui l'interpellera sur les difficultés de la reconstruction de la France. Dans les faits, la mauvaise volonté de l'Allemagne à payer les réparations sera à l'origine de graves crises financières et politiques dans l'ensemble de l'Europe.

– Le traité de Versailles prévoit par ailleurs la création d'une Société des Nations pour le règlement des conflits à venir, selon les généreux principes du président américain.

Très dur à bien des égards, le traité de Versailles ne sera qu'en partie appliqué et suscitera un très vif ressentiment chez les Allemands. Il va surtout pâtir de son rejet par le Sénat américain...

Publié ou mis à jour le : 2020-11-18 10:55:17
Christian (01-07-2022 05:45:54)

Les Allemands furent indiscutablement humiliés et culpabilisés par le traité de Versailles en 1919 et par l'occupation de la Ruhr en 1923, mais cela ne saurait justifier les agressions nazies de 19... Lire la suite

Jacques Groleau (29-06-2022 14:04:54)

Hélas, ces traités humiliants, trop "laïques", ont fait le lit de la 2ème guerre mondiale - j'espère, pas de la prochaine, encore que...

Jean_philippe (28-06-2020 11:29:29)

Merci d'éclaircir les raisons de cette Europe éprise de petits nationalismes dans laquelle je suis né, me confortant aussi dans l'idée que les dirigeants qui ne prennent pas de décisions sur la b... Lire la suite

Michel (15-07-2019 18:53:38)

Le défilé du 14 juillet 1919 a été suivi par plusieurs millions de personnes selon plusieurs historiens dont j'ai noté les références. La revue " L'illustration" en a tiré un superbe numéro ... Lire la suite

anne (28-06-2019 12:16:14)

Merci de ces articles toujours passionnants, mais vus en historiens. Mais que dire de tous ces politiques responsables d'avant 14/18 et 40/45.....et après ? Chacun tire la couverture et refuse de v... Lire la suite

Benoit de BIEN (20-11-2016 15:15:11)

Je n'ai pas encore lu l'article, mais je tiens déjà à féliciter Hérodote pour avoir édité le texte du traité de Versailles et ainsi permettre à tout un chacun intéressé de consulter ce docu... Lire la suite

Epicure (26-10-2016 12:35:18)

Tout me monde est coupable d'expansionisme d'impérialisme et de sauvagerie mais j'aurais aimé avoir plus d'nformations "précises" sur les causes et motifs du refus US de signer Versailles et partic... Lire la suite

MARTIN (24-08-2016 13:10:03)

Aucun des arguments étayés présentés dans les commentaires ne sont repris. Je note par ailleurs une quasi inexactitude sur la date de démission de Keynes de la conférence. Il ne faudrait pas s'a... Lire la suite

Alain (18-06-2016 09:42:54)

Cet article est partial et donc décevant. Il reprend avec une grosse inexactitude sur le montant arrêté et sans l'étayer la thèse d'une réparation insupportable pour les allemands. Cette répara... Lire la suite

LOUIS (13-10-2012 18:02:42)

Bonjour et merci pour la qualité de vos articles que je lis depuis les débuts d'Hérodote; Votre article insiste très justement sur les conditions impitoyables de ce Traité de Versailles envers... Lire la suite

André (27-09-2012 19:34:54)

Commentaire très tendancieux et pouvant conduire à une fausse interprétation des conclusions du traité de Versailles. En particulier, la clause des réparations laisse penser que les alliés sont ... Lire la suite

Isa (13-08-2012 16:21:35)

Merci pour cet article très éclairant pour moi.

Etienne Raiga-Clemenceau (18-05-2012 23:24:07)

Pourquoi être si dur, et si catégorique quant au Traité de Versailles? "Une paix baclée"? Jamais n'avait été réunie une telle conférence pour garantir que de cette guerre horrible ne naîtrait pas un nouveau conflit européen. Si les Etats-Unis ne s'étaient pas défaussés, permettant au Royaume-Uni de n'être plus engagés par l'accord qui assurait la France d'être protégé en cas de nouveau conflit, la 2e Guerre n'aurait pas eu lieu! Qu'est-ce qui est "humiliant"? la défaite, ou les termes de la paix? la critique du traité de Versailles, à mon sens, s'allie avec le mythe du dolstoB, avec les théories des nationalistes allemands qui liquidèrent les démocrates qui justement remettaient moins en cause le traité qu'eux;
certains Allemands aussi se sentaient humiliés de croiser les troupes coloniales noires françaises dans la Rhénanie occupée, ce ressenti est-il aussi une cause de la Seconde Guerre? vous devriez juger le traité sur ses effets, et non sur son ressenti.
L'historien allemand Fritz Fischer justifie la responsabilité allemande de la grande guerre dans "Les buts de guerre de l'Allemagne Impériale", théorie que vous qualifiez de "tendancieuse". Pourquoi être plus royaliste que le roi?
Pourquoi donner le monopole de la vérité à Keynes en matière des conséquences économiques du traité? Sa théorie fut réfutée par l'économiste Étienne Mantoux de la LSE en 1940. L'Allemagne est donc si en crise à cause des réparations qu'elle parvient de 1930 à 1936 à investir 600 millions de DM par an dans son projet militaire?
Ce sont les critiques de Versailles qui font le jeu du négationisme de la responsabilité allemande dans les conflits de 1870 à 1945.
En attente de réponses,
Cordialement,
Étienne Raiga-Clemenceau

nathan (12-11-2011 19:31:39)

Je trouve votre titre "un traité excessivement dur" franchement exagéré . Il faut en effet se souvenir de plusieurs points : - La Prusse , devenue empire allemand , après la guerre de 1870 avait ... Lire la suite

jean-luc (30-01-2011 14:48:07)

Il est indiqué des réparations à hauteur de 269 Mds de mark or. Cependant, Bernstein et Milza (histoire du XXe siècle) donnent le chiffre de 132 Mds.

GARRIER Claude (05-10-2006 08:26:11)

Non seulement le Traité de Versailles a été rédigé dans des conditions qui en faisaient un Diktat pour l'Allemagne, mais l'application qui en a été faite a aggravé ce sentiment. Lorsque les co... Lire la suite

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