23 mars 1919

Mussolini crée les « fasci »

Le 23 mars 1919, à Milan, sur la place San Sepolcro, Benito Mussolini crée les premiers Faisceaux italiens de combat (Fasci italiani di combattimento). Ces groupes paramilitaires vont former l'embryon du futur Parti national fasciste, lequel sera fondé le 9 novembre 1921. Moins d'un an plus tard, son chef sera appelé à la tête du gouvernement.

L'adjectif « fasciste » (dico), promis à une diffusion planétaire, va désigner à partir de 1936 et de la guerre d'Espagne tous les mouvements totalitaires d'extrême-droite, antidémocratiques et nationalistes. Mais à ses débuts, sitôt après la Grande Guerre, le fascisme de Mussolini se veut pleinement révolutionnaire, ancré dans la modernité, en rupture radicale avec la bourgeoisie, avec l'objectif de créer un Homme nouveau au service de l'État...

Fabienne Manière

Un mouvement d'inspiration léniniste

Avant la Grande Guerre, quand il était militant socialiste et révolutionnaire, le futur Duce avait fréquenté en Suisse les exilés bolcheviques. Il avait eu connaissance de la théorie de Lénine selon laquelle l'accession au pouvoir devait s'appuyer sur une organisation paramilitaire constituée de révolutionnaires professionnels.

Publication fasciste typique des années 1920 Il bâtit son mouvement en prenant exemple sur le leader russe. Il use de ses talents d'orateur... et de son regard fascinant pour attirer en son sein des arditi, anciens combattants des troupes d'élite ou des corps-francs, qui ont de la difficulté à se reconvertir à la vie civile.

À ces jeunes gens se joignent des syndicalistes ouvriers victimes des désordres économiques et d'autres laissés-pour compte.

À tous, Mussolini propose un programme politique fédérateur, vaguement socialiste et nationaliste, mais en tous points révolutionnaire. Lui-même s'inscrit dans la continuité du Risorgimento, le mouvement d'unification de l'Italie au XIXe siècle.

C'est ainsi qu'il revendique au nom de l'Italie les territoires promis par le traité de Londres, déclare la guerre aux socialistes et au bolchevisme, dénonce par ailleurs le capitalisme, exige l'abolition du Sénat et l'élection d'une Assemblée constituante, demande l'abolition du service militaire obligatoire, se prononce enfin pour une République laïque.

Plus que tout, il ambitionne de remodeler la nature humaine et régénérer l'Homme italien pour le mettre au service d'un État divinisé. Cela implique, comme dans la Russie bolchévique, un régime totalitaire, ne laissant aucune place aux libertés individuelles.

Ce programme révolutionnaire va, il est vrai, beaucoup évoluer au gré des circonstances.

Une ascension rapide

À la fin de 1919, le mouvement fasciste est encore très marginal. Il ne compte que 17 000 membres et n'obtient aucun élu aux élections législatives de novembre. Mussolini lui-même n'obtient à Milan que 4 800 voix contre 170 000 pour le candidat socialiste.

Dans la mouvance nationaliste, Mussolini est éclipsé par le prestige du poète nationaliste Gabriele d'Annunzio, héros de l'équipée de Fiume. Sa déception est telle qu'il songe un moment à émigrer aux États-Unis.

Tout change l'année suivante.

L'ancien leader socialiste continue d'utiliser une phraséologie révolutionnaire, anticapitaliste et antibourgeoise mais, pendant l'été 1920, tandis que se multiplient les troubles sociaux et les grèves dans les grandes villes industrielles du nord et les campagnes du sud, il prend le parti de la contre-révolution.

Il crée une milice au sein de son Parti. Ce sont les squadre (escouades) dont les membres, les squadristi, se signalent par le port d'une « Chemise noire », d'où leur surnom.

Mussolini emprunte sans vergogne à d'Annunzio les recettes qui ont fait son succès médiatique : le cri de guerre (A noi !), le salut, bras levé, le poignard brandi de façon martiale et jusqu'à l'uniforme, avec la chemise noire.

En toute illégalité, ses miliciens armés d'un gourdin, motorisés et encadrés par d'anciens officiers sillonnent villes et campagnes et intimident de toutes les façons possibles (bastonnades, purges à l'huile de ricin ou assassinats...) les syndicalistes, les grévistes et les militants socialistes ou communistes.

La police, les magistrats, les policiers et le gouvernement lui-même laissent faire. Les patrons n'hésitent pas aussi à financer grassement le mouvement. Qui plus est, Mussolini bénéficie du soutien occulte du Président du Conseil Giovanni Giolitti.

Ce dernier, âgé de près de 80 ans et à la tête du gouvernement depuis trois décennies presque sans discontinuer, compte sur les fascistes pour contenir la gauche révolutionnaire, d'autant qu'au sein du Parti socialiste italien (PSI), les partisans de Lénine prennent de plus en plus d'importance, jusqu'à faire scission et fonder le Parti communiste italien (PCI) le 21 janvier 1921. Le risque d'une subversion communiste comme en Russie n'en devient que plus grand aux yeux des conservateurs. 

Lors des élections législatives du 15 mai 1921, le mouvement fasciste, partie intégrante de la coalition gouvernementale, accède pour la première fois au Parlement et recueille 35 sièges. Dans l'hémicycle du palais Montecitorio, Mussolini fait le choix de siéger à l'extrême-droite pour marquer sa totale hostilité à la gauche internationaliste. De là le qualificatif d'extrême-droite appliqué dans toutes les démocraties aux partis nationalistes et autoritaires... même si ce qualificatif avait déjà été employé en France pour désigner les ultra-royalistes.

Le Parti national fasciste, fondé officiellement le 9 novembre 1921, succède aux Faisceaux italiens de combat. Il double en quelques mois ses effectifs, passant à plus de 700 000 membres en 1922. Mais Mussolini n'arrive toutefois pas à séduire le corps électoral et c'est par le recours à la force et à la menace qu'en fin de compte il arrivera à conquérir le pouvoir.

Publié ou mis à jour le : 2023-11-14 07:39:56

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