Le 6 février 1919, trois mois après l'armistice qui a mis fin à la Grande Guerre (1914-1918), une Assemblée constituante allemande se réunit dans le théâtre de Weimar, la ville de Goethe et Schiller, illustres représentants de l'âme allemande !
Sur fond de disette et de guerre civile, tandis que Berlin, Munich et les grands ports sont menacés de subversion bolchévique, les députés régularisent à la hâte les institutions républicaines forgées après la défaite allemande et l'abdication de l'empereur Guillaume II.
Menaces de subversion
L'étincelle qui a mis le feu aux poudres fut l'ordre donné le 28 octobre 1918 par l'Amiral Reinhard Scheer d'affronter la Royal Navy dans un ultime combat « pour restaurer l'honneur ». Mais de cela, les marins n'avaient plus que faire et se mutinèrent dans le port de Wilhelmshaven. La mutinerie gagna la base navale et le chantier naval de Kiel puis fit tâche d'huile. Elle se doubla d'une exigence de paix immédiate.
Le roi de Saxe et celui de Bavière abdiquèrent par lassitude, suivis par toutes les autres maisons royales de l'Empire. Le 9 novembre 1918, ce fut au tour de l'empereur Guillaume II d'abdiquer sous la pression des parlementaires.
Dans cette atmosphère de révolution et de défaite, le leader social-démocrate Philipp Scheidemann abolit officiellement le IIe Reich allemand et proclama la République. Le même jour, un autre leader social-démocrate, Friedrich Ebert, accéda à la chancellerie (la direction du gouvernement) en remplacement du prince Max de Bade. Il troqua aussitôt son titre de chancelier contre celui de président du Conseil des commissaires du peuple, un titre ronflant destiné à rassurer les émeutiers révolutionnaires.
Ces révolutionnaires tentèrent de mettre à profit la défaite militaire pour instaurer dans les grandes villes allemandes des « Conseils ouvriers » (en fait des gouvernements dictatoriaux) inspirés de l'exemple russe. Leur agitation allait accréditer plus tard la thèse véhiculée par les militaires, en premier lieu le général Ludendorff, selon laquelle la défaite de l'Allemagne aurait été due à un « coup de poignard dans le dos » (Dolchstoss) par des traîtres de l'intérieur (Juifs, marxistes...).
Une République mal née
Dès la nuit qui a suivi son entrée en fonction, Friedrich Ebert conclut un accord secret avec l'armée pour mettre fin aux désordres. Sans attendre l'arrêt des combats, l'armée et les groupes révolutionnaires engagent un bras de fer dans les grandes villes du pays. L'armée bénéficie du soutien de groupes militaires anticommunistes, les « corps-francs » ou Freikorps.
Les Spartakistes, un mouvement révolutionnaire proche des bolcheviques russes qui emprunte son nom à l'esclave romain Spartacus, déclenchent une grève générale à Berlin même le 6 janvier 1919. Elle est écrasée par le ministre de la Défense, le socialiste Gustav Noske, au cours de la « Semaine sanglante » du 11 au 15 janvier 1919. Les deux chefs spartakistes, Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg, qui ont fondé le Parti communiste allemand (KPD) le 30 décembre 1918, sont assassinés dans leur prison, à Berlin, et leur corps jetés dans la Spree.
À Berlin et dans les métropoles allemandes, d'anciens combattants et des chômeurs se constituent en corps francs, avec une organisation de type militaire, pour s'opposer dans la rue aux démonstrations communistes.
À Munich, où l'insurrection a été particulièrement virulente, un ancien combattant est désigné par l'armée comme « officier politique » pour surveiller les menées communistes. Il a nom... Adolf Hitler.
Des institutions démocratiques...
À Weimar, entre-temps, s'est réunie l'Assemblée nationale, majoritairement constituée de députés socialistes, démocrates ou catholiques (Zentrum).
Rassurés par l'échec des menées révolutionnaires, les députés mettent en place les institutions républicaines qui vont remplacer le IIe Reich allemand. Ils installent à la tête du pays un président de la République, officiellement appelé Reichspresident, le nouvel État républicain conservant le nom de Reich (Empire en français).
Ce président est élu pour sept ans, avec de larges pouvoirs dont celui de suspendre les droits fondamentaux des citoyens et d'autoriser le chancelier (autrement dit son Premier ministre) à gouverner par décrets-lois, sans passer par un vote du Parlement ou Reichstag.
Le premier président de la République est Friedrich Ebert. En raison des circonstances exceptionnelles, il est désigné par l'Assemblée et ne sera jamais légitimé par le suffrage universel comme le prévoit la Constitution de Weimar.
Désireux de créer le système le plus démocratique qui soit, les constituants introduisent le référendum d'initiative populaire mais aussi un mode de scrutin à la proportionnelle intégrale. Ce mode de scrutin va se révéler une source de faiblesse pour le nouveau régime car il favorise l'éclatement des partis et les gouvernements de coalition au détriment de l'efficacité.
... mais une image détestable
En acceptant le traité de Versailles du 28 juin 1919 sans pouvoir en débattre, le nouveau régime ternit son image auprès de l'opinion publique.
L'arrogance des troupes alliées défilant dans les villes ajoute à l'humiliation, d'autant que le Président du Conseil français Georges Clemenceau en rajoute en envoyant outre-Rhin des régiments coloniaux. Au spectacle des soldats africains foulant leur patrie, les nationalistes allemands et l'extrême-droite dénoncent Die schwarze Schmach, la « Honte noire ».
Les énormes réparations imposées à l'Allemagne par les Alliés empêchent la démocratie de se consolider.
À la mort du président Ebert, en 1925, le vieux maréchal Paul von Hindenburg (78 ans) est élu à sa succession au suffrage universel. C'est lui qui devra appeler Hitler à la chancellerie le 30 janvier 1933. Ce sera la fin de la République de Weimar.
Tout en mettant fin au IIe Reich (empire) né en 1871, la nouvelle République lui emprunte nombre de dénominations officielles. Ainsi le président de la République est-il dénommé Reichspräsident, le chancelier Reichskanzler, l'assemblée législative Reichstag, l'armée Reichswehr (elle sera rebaptisée Wehrmacht par Hitler en 1935), les chemins de fer Reichsbahn et la monnaie créée en 1924 Reichsmark.
Les institutions de la République de Weimar vont perdurer dans la forme jusqu'à la chute du nazisme. Ainsi, l'expression « IIIe Reich » par laquelle on désigne le régime hitlérien est née de l'usage mais n'a aucun caractère officiel. Elle est apparue après la mort du Reichspräsident Hindengurg et un référendum-plébiscite qui a permis à Hitler, le 19 août 1934, de réunir sous le titre de Führer les fonctions de chancelier et de président.
Vos réactions à cet article
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211 (27-03-2024 17:25:49)
Historiquement aucune voie révolutionnaire n'a conduit un pays à la prospérité et à la paix quelqu'en soient les acteurs !
Naboleon (06-02-2024 12:14:47)
Il y a de nombreuses raisons de critiquer la république de Weimar, mais on oublie souvent qu’elle a fait barrage au communisme, idéologie qui sous toutes ses formes, à toutes les latitudes et à ... Lire la suite
TTO (26-08-2013 10:52:50)
Dommage de caricaturer le mouvement spartakiste, Rosa Luxemburg et Karl Liebknetch et les conseils ouvriers. Leur vision très critique du bolchevisme était prémonitoire et leur assassinat a brisé ... Lire la suite