2 novembre 1917

La Déclaration Balfour

Le 2 novembre 1917, en pleine guerre mondiale, le ministre britannique des Affaires étrangères, Lord Balfour, publie une lettre où il indique que son gouvernement est disposé à créer en Palestine un « foyer national juif ».

Cette lettre ouverte n'a d'autre but que de rassurer les juifs américains, qui préfèrent les Puissances centrales à une alliance où figure la Russie au passé lourdement antisémite. Mais elle va légitimer trente ans plus tard la création de l'État d'Israël.

Adressée au baron de Rothschild, la lettre a été en fait rédigée en étroite concertation avec ce dernier qui préside l'antenne anglaise du mouvement sioniste.

Alban Dignat

Les juifs dans la Grande Guerre

Au début de la Grande Guerre, les juifs combattent loyalement dans les armées de leur pays respectif. Toutefois, ceux qui vivent aux États-Unis, pays neutre, ne cachent pas leur sympathie pour les puissances centrales, l'Allemagne et l'Autriche, plus tolérantes que la Russie et même la France à l'égard du judaïsme !

À mesure que l'Europe s'enfonce dans la guerre, chaque camp tente de rallier un maximum de soutiens, au prix parfois de tractations secrètes que la morale réprouve. Il en va ainsi du traité secret de Londres avec l'Italie.

En 1916, les Français et les Anglais concluent les accords secrets Sykes-Picot en vue de se partager les futures dépouilles de l'empire turc, allié des puissances centrales, notamment la Syrie, la Palestine et l'Irak. Dans le même temps, les Britanniques n'ont pas de scrupule à promettre au chérif Hussein qui gouverne La Mecque tous les territoires arabes sous occupation turque... y compris Palestine et Syrie. Le colonel T.E. Lawrence, animé par son amour de l'Orient arabe, fait son possible pour mettre en oeuvre cette promesse. Il y gagne le surnom de « Lawrence d'Arabie ».

Philip Alexius de László, Arthur James Balfour, 1914, Cambridge, Trinity College. Agrandissement : James Guthrie, Arthur James Balfour, vers 1920, Édimbourg, Galerie nationale d'Écosse.L'année suivante, à l'été 1917, le ministre Arthur Balfour se rend à Washington pour convaincre le président Wilson d'accélérer la mobilisation de ses troupes et compenser ainsi la défaillance de la Russie.  Sous l'influence de son entourage, Woodrow Wilson y met comme condition la promesse d'un foyer juif en Palestine.

À la suite de quoi le ministre adresse au baron Lionel de Rothschild la déclaration destinée à rallier les communautés juives en leur promettant de façon vague, non pas un État mais un « foyer national juif » en Palestine.

Six semaines plus tard, le 11 décembre 1917, le général britannique Edmond Allenby entre à Jérusalem sans coup férir. Son armée, venue d'Égypte, compte trois bataillons juifs. C'en est donc fini d'onze siècles de domination musulmane sur la Ville sainte, arabe puis turque (mis à part l'intermède croisé).

Les malentendus de la paix

Avec la fin de la Grande Guerre, les Alliés ont, comme prévu, le plus grand mal à concilier leurs promesses aux uns et aux autres. La Société des Nations (SDN), à peine née, reconnaît la déclaration Balfour. Elle fait de la création d'un « foyer national juif » en Palestine l'un des principaux objectifs du mandat confié aux Britanniques. Voici la mission fixée à ceux-ci : « L'établissement du foyer national juif pour le peuple juif, le développement d'institutions de libre gouvernement, ainsi que la sauvegarde des droits civils et religieux de tous les habitants de la Palestine, à quelque race ou religion qu'ils appartiennent ».

Fayçal, fils du défunt chérif de La Mecque et compagnon d'armes de T.E. Lawrence, ne voit pas d'inconvénient à une cohabitation des Palestiniens avec les colons juifs. Il signe dans ce sens un accord avec le représentant des sionistes, Chaïm Weizmann, le 3 janvier 1919 à Akaba. Mais il exige en parallèle que soit reconnue sa souveraineté sur le monde arabe. Comme tous les nationalistes arabes, il rêve de reconstituer un empire arabe dont la capitale serait Damas, ou à tout le moins d'une « Grande Syrie », qui réunirait le Proche-Orient, de la Méditerranée à l'Euphrate.

Ce rêve se volatilise lorsque la France chasse Fayçal de Damas et met la main sur la Syrie et le Mont Liban, conformément aux accords Sykes-Picot. Fayçal doit se contenter du trône d'Irak, sous la tutelle britannique. Dans l'ancienne province ottomane de Palestine germe alors l'idée d'une nation palestinienne.

Tandis que les juifs de Palestine organisent un embryon d'État autour de l'Agence juive et de son bras armé, la Haganah, les Arabes commencent à s'en prendre aux implantations juives. Mais ils ne pourront empêcher la fondation de l'État d'Israël le 14 mai 1948. Le conflit entre l'état hébreu et ses voisins arabes ne semble pas près de cesser 80 ans après.

Le texte de la déclaration Balfour

La déclaration BalfourVoici la déclaration d'intentions adressée par Arthur de Balfour, ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de Lloyd George, à lord Rothschild, vice-président du Board of Jewish Deputies :

« Cher Lord Rothschild,

« J'ai le grand plaisir de vous adresser, de la part du gouvernement de Sa Majesté, la déclaration suivante, en sympathie avec les aspirations juives sionistes ; cette déclaration a été soumise au Cabinet et approuvée par lui.

« Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l'établissement en Palestine d'un Foyer national pour le peuple juif, et il emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui porte atteinte aux droits civils et religieux des communautés non juives de Palestine ainsi qu'aux droits et au statut politique dont les Juifs jouissent dans les autres pays. »

Bibliographie

Pour une initiation à l'Histoire du judaïsme, je recommande l'ouvrage de Josy Eisenberg : Une histoire des Juifs (Le Livre de poche, 1970, page 473), d'où est tiré le texte ci-dessus en encadré.

Publié ou mis à jour le : 2023-05-11 14:58:34
djambo (01-11-2023 17:48:29)

le seul probleme actuel est le suivant:
"On ne peut plus tuer un juif impunement"
Ce qui est impossible a accepter pour tous ceux qui l'ont fait depuis des siecles : Arabes et Européens. La Palestine est aux Juifs historiquement et tant pis pour pour tous ceux qui refusent cette verité. L'Histoire tourne !

Maugel (03-11-2021 15:12:18)

L'hostilité et les heurts violents arabes avaient grandi avec le nombre d'arrivant en Palestine. En 1938, les Britaniques avaient proposé un plan de partage en 3 parties, plan rejeté. Il y avait environs 400 000 "Juifs" et Monsieur Balfour ,devant la situation avait déclaré à la presse que, lors de la "Déclaration", il ne prévoyait l'arrivé que de 70 000 personnes ...
Quant à la condition de l'entrée en guerre des USA, laissez-moi douter !

Jean-Claude PETERS (29-10-2017 20:17:32)

Rendez son "h" à Rothschild: "...le ministre adresse au baron Lionel de Rothschild "

pierre (29-10-2017 17:52:57)

Question: a qui appartient la Palestine ?
Aux Anglais ? non ils l'ont envahis et occupés une trentaine d'années.
Aux Turcs ? non ils l'ont envahis et occupés plusieurs siecles.
Aux Arabes ? non ils l'ont envahis au au 7eme siecle venant de la peninsule arabique (comme il ont ensuite envahis l'AFN et l'Espagne).
Aux Juifs ? même si eux aussi sont des envahisseurs (voir Moïse et Josué) ils ont incontestablement marqués cette terre du sceau de leur religion, de leur culture (relire la Bible) et y sont restés plusieurs milliers d'années avant d'être chassés par les Romains en 70 apres JC (Titus).
Historiquement ce sont eux les proprietaires les plus plausibles!

JEAN LOUIS (02-11-2010 15:56:20)

Ce texte affirme des choses inexactes et n’en fait pas ressortir d’autres essentielles.
Il est faux que « cette lettre ouverte n’a ... d’autre intérêt que de rassurer les juifs américains ».
La déclaration fut l’aboutissement d’un long processus autour du sionisme tel qu’initié par Herzl, et longuement développé par Chaïm Weizmann en Angleterre. Les juifs américains ne furent pas partie prenante dans cette politique. Ils furent consultés en fin de parcours et de manière marginale.
Les britanniques disposèrent de territoires qui, stricto sensu, ne leur appartenaient pas. En outre comme le relèvent quelques historiens, rien ne disait en 1916 et en 1917, que les puissances centrales allaient perdre la guerre.
Ajoutons que l’opposition des populations arabes locales fut immédiate. Quand monsieur Churchill, alors secrétaire d’état aux colonies en 1921, fit un voyage au MO, il fut reçu à coup de fusil dès son arrivée au Caire.
Ajoutons aussi que cette création fut jugée sans intérêt par la plus grande partie de la diaspora installée en Angleterre, beaucoup à des postes brillants de la grande bourgeoisie, et britanniques avant tout.
Essayons de faire de l’histoire de 1917, en se positionnant dans la situation de l’époque et non avec des lunettes de 2010, et tout ce que nous savons de 90 ans de conflits.
Simple recherche bibliographique : seul ouvrage en français, La Déclaration Balfour de Jean-Pierre ALEM, editions complexe ; les autres en anglais

edzodu (01-11-2010 21:24:37)

Avec le recul du temps, nous ne pouvons que constater le caractère ambigu de la diplomatie britannique depuis toujours. Tant en ce qui concerne notre pays et les territoires que les Anglais avaient obtenus par le mariage de Aliénor d'Aquitaine, produisant la guerre de cent ans, que l'esprit de conquête des pays d'Afrique ou de l'Inde entres autres, mais surtout le désir hégémonique de conserver après la mise en geôle de Napoléon Bonaparte tous "ses territoires". N'hésitant pas, à des compromissions avec des chefs de tribus au Proche-Orient, afin de se créer un passage direct jusqu'aux Indes, la Grande-Bretagne convoiter, aussi les richesses pétrolières récemment découvertes dans cette vaste région, dont aujourd'hui encore avec l’Irak et l’Afghanistan, le nœud gordien n'est pas dénoué.
La volonté de "favoriser un foyer national" pour le peuple juif, est, comme l'on dit au jeu de dame," de pousser un pion sur l'échiquier géopolitique du monde en proposant, même à la SDN d’obtenir un mandat de gestion de la Palestine et de ce qui sera la Jordanie après la disparition de la Transjordanie. Ce qui coûta, d’ailleurs la vie au roi Abdallah Ier.
Depuis des décennies les Palestiniens revendiquent leur terre ancestrale. Mais, là est l’aspect caché et non moins ambigu de la lettre de Sir Lord Balfour du 2 novembre 1917 dont on peut se demander si la main de Chaim Weizmann ou d’autres membres du mouvement sioniste mondial n’ont pas aidé Sir Lord Balfour, qui, dans sa « grande naïveté » […] a pu croire un instant aux bonnes intentions sionistes de respecter les droits des autochtones et se contenter, avec sagesse d’un territoire moins grand pour leur futur foyer national.
Non, il n’en fut rien. Bien au contraire, depuis l’assassinat du Premier ministre Yitzhak Rabin, la mouvance religieuse israélite a toujours poussé les responsables politiques après Ben Gourion à prendre, et prendre encore des parcelles du territoire de la Palestine rêvant d’un (le grand Israël)
De mon humble point de vue, seule une ferme et durable intervention de l’ONU sur place, en Palestine permettra de régler ce conflit.
Jérusalem n’est-elle pas la ville des trois monothéismes ?
Elle ne devra jamais qu’appartenir qu’à la communauté internationale dont une majorité est composée des peuples aux croyances de ces trois monothéismes.

bernard (29-10-2006 08:06:31)

Toutes les pesonnes qui aujourd'hui se disent juives ont-elles tous leurs ancêtres (père et mère) qui soient aussi d'origine juive certaine. Pas sûr.
Les juifs rêvent d'une terre à eux suite, entre autre, aux persécutions qu'ils ont pu subir dans leur terre de naissance. Cela ne leur donne pas le droit de persécuter à leur tour les gens qui vivent depuis leur naissance comme nombre de leurs ancêtres sur la terre qu'ils veulent s'approprier.
Dans les temps très anciens, très reculés, du temps de la Préhistoire et même avant, les habitants de Palestine n'étaient ni Juifs ni Musulmans.
Certains de ces gens là sont devenus juifs en Palestine, à Babylone, en Egypte. D'autres, qui vivaient aussi en Palestine, ne sont pas devenus juifs. Puis, plus tard, certains sont devenus musulmans. Ceux-là, par exemple, ayant eu leurs ancêtres qui ont vécu en Palestine ont autant le droits que certains juifs de vivre en Palestine;
Ni Dieu ni la bible ne sont les gardiens du cadastre. Ils ne doivent rien à voir dans l'affaire.

François SOW (28-08-2006 10:57:53)

Bonjour,
Je ne suis pas antisémite, étant à moitié sénégalais j'aurais bonne mine.
Ce qui me choque dans la "déclaration Balfour" est de deux ordres :
1)L'un des "buts de guerre" 1914-1918 n'était évidemment pas de créer un embryon d'état juif en palestine.
2)Comment l'un des belligerants a-t-il pu ainsi proposer la disposition d'une terre qui ne lui appartenanit pas, d'autant qu'en 1916 (signature des accords "Sykes-Picot") personne ne savait qui gagnerait la guerre, celle-ci étant enlisée dans les tranchées, notamment à Verdun ; mais au fait, peut être est-ce pour cela ?
Si Lord Balfour avait voulu faire un "cadeau" aux juifs pourquoi ne pas leur proposer l'Ecosse ou le Pays de Galles par exemple, ce qui aurait été beaucoup plus proche que l'Ouganda dont il a été question un moment.
On ne sait si Fayçal aurait pu maintenir un leadership ou une sorte d'unité du monde arable, mais du moins sommes nous sûrs que la duplicité des Anglais en cette occurence n'a pas fini de faire des dégâts, et ce ne sont pas les événements récents qui me contrediront.
François SOW.

Houart Francis (18-08-2006 23:21:39)

Pourquoi parler d'état hébreu ? Vous connaissez une ambassade de l'état hébreu ?
Les hébreux ont disparus, il y a quelques milliers d'années.
Vous viendrait il à l'idée d'appeler l'Espagne, l'état celtibère ?
L'hébreu est leur langue, c'est tout.

olivier liétard (12-08-2006 12:38:38)

Puisque crimes il y a aujourd'hui, après tant de crimes hier, la question est : à qui profite le crime ? En d'autres termes, plus fouillés, quel pouvait bien être l'intérêt de Lord Rothschild pour qu'il suscite la déclaration Balfour ? I leave it to your thoughts, comme ces derniers auraient pu vous le dire. Pour ma part, ma conviction est faite depuis bien longtemps... diviser pour mieux régner, ou de l'art de mettre la pagaille partout pour que personne ne s'occupe plus du noeud du problème.

cédric (08-08-2006 21:32:20)

Très intéressant article, ca remet un peu les choses à leurs place. Je n'ai pas lu le livre, mais je vais vite y remédier!

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