22 avril 1915 et 12 juillet 1917

La guerre chimique

Le 22 avril 1915, près du village flamand de Langemarck, dans le secteur d'Ypres, les soldats français voient venir en provenance des tranchées allemandes un épais nuage d'un vert jaunâtre. 

Ils s'enfuient vers l'arrière. Plusieurs centaines s'effondrent et quelques milliers vont demeurer handicapés à vie ou pendant plusieurs mois. Atteints par le chlore, un gaz suffocant qui agresse les voies respiratoires, ils sont les premières victimes de la guerre chimique.

Deux ans plus tard, dans la nuit du 12 au 13 juillet 1917, toujours dans le secteur d'Ypres, la guerre chimique franchit un nouveau seuil dans l'horreur avec l'usage par les Allemands des premiers obus remplis de gaz moutarde. Ce gaz vésicant est ainsi nommé d'après son odeur. On le surnommera aussi très vite « ypérite », en relation avec Ypres.

Assaut sous le gaz (Otto Dix, gravure, 1924)

Arme tactique

Quand éclate la Grande Guerre en août 1914, les stratèges privilégient l'offensive mais, dès octobre 1914, les troupes s'enterrent dans des tranchées. Dans les états-majors, cette immobilité est insupportable. Dès lors, on se met en quête d'un moyen de percer le front et l'on songe aux gaz.

L'Allemagne a l'avantage d'être le N°1 mondial de la chimie dans le monde... C'est pourquoi elle va avoir le douteux honneur de lancer la première attaque chimique à Langemarck. Les soldats du secteur reçoivent donc les bonbonnes de chlore liquide et les ouvrent quand le vent est enfin favorable. Les soldats britanniques, surpris, désertent immédiatement leurs tranchées et les les Allemands progressent en quelques heures de plusieurs centaines de mètres. Mais faute de renforts en nombre suffisant, ils sont bloqués dès le lendemain par la troisième ligne de défense ennemie.

Une nouvelle attaque chimique allemande, dans le même secteur, dans la nuit du 22 au 23 mai 1915, se solde par un échec car les Britanniques, remis de leur surprise, ont déjà pu se doter de tampons protecteurs et faire front à l'assaut.

Côté britannique, le major Charles Foulkes prépare la riposte. La première attaque britannique a lieu à Loos, près de Lille, le 25 septembre 1915. Mais comme à Langemarck, le résultat final est mitigé.

Arme d'usure et d'attrition

Soldats dans l'attente de l'assaut (1918)Poursuivant leurs recherches, les Allemands reviennent à l'idée d'obus chimiques et mettent au point un gaz vésicant (qui attaque la peau) très toxique, le sulfure d'éthyle dichloré (ou « gaz moutarde »).

Le moment propice arrive en juillet 1917 et ce sont une nouvelle fois les Britanniques du secteur d'Ypres qui font les frais de l'expérimentation. 

L'artillerie allemande déclenche le bombardement chimique pendant la nuit. Sur le moment, les Britanniques ne ressentent rien de plus qu'une légère odeur piquante de moutarde. Mais au lever du jour, ils se réveillent avec des douleurs intolérables et des cloques et brûlures sur tout le corps.

Près de quinze mille fantassins sont atteints, avec des séquelles graves et durables. Un demi-millier succombent. C'est autant que de victimes britanniques des gaz dans l'année précédente.

Malgré l'extrême dangerosité de leur fabrication et de leur manipulation, les obus d'ypérite vont désormais relancer la guerre chimique et en devenir le principal vecteur.

Il ne s'agit plus pour les belligérants de percer le front mais d'user l'adversaire, tant au physique qu'au moral. D'arme tactique, les gaz deviennent une arme d'usure ou d'attrition. Le but est assez largement atteint.

Dans la dernière année de la guerre, sur le front occidental, un tiers des obus allemands ont une composante chimique (pas forcément de l'ypérite). La proportion est moindre chez les Alliés franco-britanniques pour la simple raison que ceux-ci n'ont pas autant de ressources industrielles.

Le bilan humain de la guerre chimique évoqué par l'historien Olivier Lepick est d'environ cinq cent mille tués et blessés sur le front occidental et au moins deux cent mille sur le front russe. C'est environ 3% des pertes totales de la Grande Guerre (dont vingt mille tués, somme toute assez peu).

Publié ou mis à jour le : 2019-05-23 17:26:48
Stef (22-04-2024 13:46:59)

De même qu'on peut se demander si l'admission d'Hitler à l'Académie des Beaux-Arts n'aurait pas changé le cours de l'Histoire, on peut aussi s'interroger sur les conséquences d'une blessure morte... Lire la suite

JPC (17-04-2018 07:48:12)

Je partage totalement l'avis de H.Gosset. Comme avec l'épisode honteux des armes de destruction massives imaginaires de S.Hussein, on nous a surjoué l'existence de preuves. Mais AUCUNE preuve ne nou... Lire la suite

JPC (17-04-2018 07:46:59)

Je partage totalement l'avis de H.Gosset. Comme avec l'épisode honteux des armes de destruction massives imaginaires de S.Hussein, on nous a surjoué l'existence de preuves. Mais AUCUNE preuve ne nou... Lire la suite

Anonyme (09-04-2017 18:35:51)

Cent ans après, l' arme chimique redevient d'actualité en Syrie !

Epicure (07-09-2013 16:15:57)

L'usage de gaz de combat c'est à dire une appellation polie... car où est donc le Combat...? est une méthode généralement contre productive et incontrôlable...C'est la raison pour laquelle Hit... Lire la suite

matthieu (05-09-2013 20:34:23)

Ce sont les islamistes rebelles et djihadistes qui ont utilisé l'arme chimique et non le gouvernement syrien.Ne désinformez-pas et ne vous faites pas complices de l'agression de la Syrie par la Fran... Lire la suite

jjbranchu (05-09-2013 17:43:22)

"cette convention a été sciemment violée par le gouvernement syrien". Tout le monde n'est pas aussi péremptoire, et le doute est troublant... Des sources ont avancé, semble-t-il, que d... Lire la suite

Jérôme Chiffaudel (05-09-2013 15:52:10)

La Syrie n'a pas signé la convention de Paris de 1993 : http://www.opcw.org/fr/a-propos-de-loiac/etats-non-membres/ Juridiquement elle ne l'a donc pas violé. Par ailleurs, l'utilisation de ces ... Lire la suite

Hugues Gosset (05-09-2013 03:00:04)

Monsieur Savès, Etant d'une zone de "tranchées" (et descendant de poilus, comme beaucoup de Français); je vous sais gré de récapituler les enchaînements historiques. Toutefois, le tit... Lire la suite

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