L'empereur Guillaume II ayant déclaré la guerre à la France le 3 août 1914, les Français imaginent comme les Allemands une guerre fulgurante et croient encore aux vertus de la cavalerie et des charges d'infanterie.
Joseph Joffre, commandant en chef des armées du nord et de l'est en 1913, applique sans barguigner le plan XVII, concocté en 1913, qui prévoit une offensive dans les Ardennes et en Lorraine. L'état-major français s'attend à une violation partielle de la neutralité belge par les Allemands et n'a pas prévu de coordination avec l'état-major belge. D'emblée, il est pris de court par l'invasion massive du royaume.
De l'invasion de la Belgique...
Sans perdre de temps, l'armée de paix du général von Emmich, à pied d'oeuvre à la frontière, s'est lancée à l'assaut des douze forts qui entourent Liège, sur les bords de la Meuse. Pendant ce temps s'achève la mobilisation des conscrits dans toute l'Allemagne avec la concentration et le regroupement des cinq armées requises par le plan Schlieffen pour l'invasion de la Belgique.
La surprise vient des Belges, qui résistent de façon inattendue à cette soudaine attaque allemande. Les Allemands finissent néanmoins par s'emparer de Liège le 16 août. Le lendemain, les armées de von Moltke peuvent comme prévu s'avancer en Belgique. Alors débute de la mer du Nord aux Vosges la « bataille des frontières ».
... à la « bataille des frontières »
Du 14 au 19 août, la 1ère armée française du général Dubail et la 2ème armée du général Castelnau pénètrent en Lorraine allemande. Mais elles sont arrêtées dès le 20 août à Sarrebourg et Morhange par le feu des mitrailleuses et de l'artillerie allemandes qui les attendaient à l'abri des collines. Décimées après des charges d'infanterie insensées, elles doivent se replier sur le Grand-Couronné, au nord de Nancy, et au sud de Lunéville.
Les 22 et 23 août, c'est au tour de la 3e armée du général Ruffey et à la 4e armée du général Langle de Carry d'affronter dans les Ardennes les IVe et Ve armées allemandes du duc de Wurtemberg et du Kronprinz (le prince héritier). Un million d'hommes s'affrontent dans des engagements terriblement meurtriers sans que la victoire revienne à l'un ou l'autre camp. Finalement, considérant leur échec en Belgique, les Français choisissent de se replier le 24 août derrière la Meuse.
Pendant ce temps, en Belgique, à Dinant et Charleroi, deux armées allemandes en route pour Namur se heurtent à la 5e armée française du général Charles Lanrezac, qui bénéficie de l'arrivée du maréchal John French, à la tête du British Expeditionnary Force (BEF), à pied d'oeuvre dès le 21 août.
Français et Anglais représentent un total de 32 divisions, sans compter les 117 000 soldats belges. Mais ils doivent faire face à pas moins de 52 divisions allemandes.
Officier de talent, Lanrezac a peu de goût pour l'offensive à outrance prônée par le général Joffre. Plutôt que de s'obstiner à défendre la ligne Charleroi-Namur et de prendre le risque d'être débordé sur ses flancs gauche et droit, il choisit de décrocher sans en référer à son supérieur. Cela lui vaudra d'être « limogé » quelques semaines plus tard.
De fait, à cause de lui et malgré l'appui britannique et belge, les armées françaises doivent se résigner à reculer vers l'ouest mais ce faisant, elles échappent à un encerclement qui leur eut été fatal. Il a évité le pire pour son camp.
De leur côté, les Anglais en retraite doivent encore se battre au Cateau-Cambrésis, à l'Est de Lille. Submergés, ils perdent 8 000 hommes et la moitié de leur artillerie.
En Belgique comme en Lorraine, la « bataille des frontières » débouche sur une sévère défaite des Français et de leurs alliés. Elle permet aussi à l'Allemagne de s'emparer des gisements de fer de Lorraine, qui lui seront d'un grand secours pour alimenter son industrie de l'armement et soutenir une guerre longue, ce dont nul ne se doute encore à la fin août 1914.
Les combats, à l'ancienne, avec charges à la baïonnette, en uniformes de couleur, képis et pantalons garance (rouge), se soldent par des pertes très importantes face à un ennemi qui, déjà, utilise massivement les mitrailleuses (200 000 hommes tués, blessés ou capturés en trois semaines).
Avec au moins 25 000 morts du côté français (autant que pendant toute la guerre d'Algérie), le 22 août 1914 est la journée la plus meurtrière de toute l'Histoire militaire de la France !
Ce jour-là, on se bat simultanément à Charleroi et Rossignol (Belgique) et à Morhange (Lorraine). Du fait des mitrailleuses et des canons, les pertes sont élevées dans toutes les armées, y compris chez les Allemands.
Les civils souffrent également de la guerre : près de 400 Belges sont massacrés le 22 août à Tamines, près de Charleroi. L'envahisseur allemand poursuit ses exactions (exécutions sommaires, viols et pillages).
Le Grand Quartier Général publie le 29 août 1914 un communiqué de sept mots qui va stupéfier l'opinion publique, jusque-là entretenue dans l'idée que la victoire était à portée de fusil : « Situation inchangée de la Somme aux Vosges ». Ainsi chacun comprend-il que la Belgique est perdue et le territoire national déjà envahi.
Comme en 1870, le spectre d'une défaite totale se profile mais Joffre a organisé une retraite générale en bon ordre, qui a laissé aux Allemands très peu de prisonniers (4 000 hommes), et les troupes vont montrer qu'elles ont du ressort.
Vos réactions à cet article
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Paul (27-08-2018 09:33:48)
Je porte en cette année du centenaire un intérêt tout particulier au 1° conflit mondial et plus précisément au retour de l'Alsace Moselle à la France. Je m'étonne que dans la bataille des fronyières en 14 et 15 vousq ne mentionnez pas les conflits en Alsace avec le Hartmannswillerkopf et le retour de certaines villes d'Alsace comme Thann à la France dés 1918. Le retour de l'Alsace à la France mériterait un développement. Je cherche des éléments bibliographique sur cette période
Jacques (25-08-2014 11:31:23)
le viol de la neutralité de la Belgique, garantie par les traités de 1830, signés par la Prusse, évènement central de toute cette période, plus qu'un crime, une faute.
René Cocuau (24-08-2014 12:48:40)
Mon grand-oncle Henri Moisy, de Bourgueil, part à pied avec le 331ème RI de SAMPIGNY le 10 août. Après de multiples marches et contremarches (30 km le 14 - 45 km le 21 -30 km le 23 - 45 km le 26 - 30 km le 30 - avec charge à la baïonnette - 35 km le 03/09 - il est évacué sur Bar le Duc le 04/09, épuisé malgré les pilules d'opium. Il souffrait sans doute de diarrhée. En 26 jours de guerre, il avait parcouru, sac au dos avec tout le barda, sous la pluie ou le soleil 487 kilomètres (estimation d'après ses notes)