Le Titanic sombre au cours de son voyage inaugural, dans la nuit du 14 au 15 avril 1912. C'est la catastrophe maritime la plus médiatique de tous les temps.
Mais si grand qu'il soit, le bilan de la catastrophe (au moins 1 502 victimes) n'est pas exceptionnel et le monde a connu depuis lors des naufrages plus meurtriers.
Un exploit technique
Le paquebot britannique est mis sur cale le 31 mars 1909 au chantier naval Harland and Wolff, à Belfast, quatre mois après sa « sister ship » (ou jumeau), l'Olympic. Construit pour la compagnie White Starline, le Titanic est présenté comme le plus luxueux et le plus grand paquebot de tous les temps. Ce n'est toutefois pas le plus rapide... Le record de vitesse appartient au Mauretania, de la compagnie rivale Cunard Line.
Long de 269 mètres, large de 28, d'un poids de 46 328 tonnes, le Titanic est le plus gigantesque engin mobile construit de main d'homme. Sa hauteur totale atteint 52 mètres dont 10,5 seulement sous l'eau. Il compte 3 moteurs et 29 chaudières, sept ponts dont quatre pour la première classe. Il est surmonté de quatre cheminées imposantes (19 mètres de haut) dont l'une, décorative, qui ne sert qu'à l'aération des cuisines.
Le luxe intérieur est à l'avenant pour les premières classes du moins : piscine, bains turcs, gymnase, court de squash, électricité et chauffage dans toutes les chambres, escalier sculpté dans le style Art Nouveau, dôme lumineux...
L'orgueilleux navire est réputé insubmersible du fait de sa double coque en plaques d'acier, par ailleurs divisée en 16 compartiments étanches dont chacun peut être isolé des autres par une porte coulissante en cas d'incident. Les portes sont actionnées depuis la passerelle par une simple poignée. Elles sont aussi dotées de détecteurs qui les ferment automatiquement au simple contact de l'eau.
L'armateur n'a pas jugé nécessaire en conséquence de prévoir autant de places dans les canots de sauvetage que de personnes à bord! Pour ne pas encombrer les ponts supérieurs, il a réduit de 32 à 20 le nombre de chaloupes, avec une capacité de 1178 places (moitié moins que le total des personnes à bord).
Le Titanic appareille de Southampton (Angleterre) le 10 avril 1912 à 13h30 pour un voyage qui doit le mener à New York avec à son bord 2 207 personnes d'après les chiffres officiels : 885 membres d'équipage, 329 passagers de première classe, 285 en seconde et 706 en troisième.
Les passagers de première ont payé 86 à 512 livres ; ceux de troisième classe 7 livres (cabine collective).
Le dimanche 14 avril à 22h55, le Californian, qui navigue au large de Terre-Neuve, passe non loin du Titanic. Il signale à ce dernier la présence de plusieurs icebergs.
Mais le directeur de la compagnie Joseph Bruce Ismay (49 ans) fait fi de toute prudence, désireux qu'il est de remporter le record de vitesse dans la traversée de l'océan. Devant le Mauretania et la Cunard ! Le capitaine Edward John Smith (62 ans), bien qu'expérimenté, se laisse convaincre de pousser les feux.
Un naufrage inconcevable
Le paquebot file à 22 noeuds sur une mer lisse comme un miroir. Le drame se produit à 23h40. La vigie voit trop tard la masse d'un iceberg et l'officier de garde ne peut faire marche arrière. Il tente malencontreusement de l'éviter et le heurte sur le côté...
Cinq compartiments étanches du navire sont endommagés par autant de déchirures dont la plus grande fait quatre mètres de long et... un centimètre de large. Lentement, le Titanic prend l'eau sans qu'il soit possible de le sauver.
À minuit 20, le capitaine Smith ordonne l'évacuation du navire. Il va être englouti avec lui deux heures plus tard. Se brisant en deux, le paquebot sombre et repose depuis lors par 3800 mètres de fond.
Sans discontinuer, pendant la tragique évacuation, le chef opérateur radio John George Phillips lance des messages à l'aide. Éjecté du paquebot au dernier moment, il est récupéré sur une chaloupe et meurt de froid peu après . L'eau à -2°C, il est vrai, ne laisse guère de chance aux malheureux qui tentent de s'éloigner à la nage.
Le cargo Californian s'est arrêté devant le champ de glace, à quelques miles du Titanic. Son opérateur radio, endormi, ne capte pas les messages envoyés par Philips. Les matelots de quart voient les fusées de détresse du paquebot mais ne s'en inquiètent pas. Le commandant verra sa carrière brisée du fait de cette accumulation d'erreurs.
Un navire, un seul, se porte au secours du géant des mers. C'est le Carpathia (de la Cunard !), arrivé à 3h45 sur les lieux du naufrage. Sous le commandement d'Arthur Rostron, il va recueillir en tout et pour tout 705 survivants. Le naufrage aura fait un minimum de 1502 victimes (non compris d'éventuels passagers clandestins comme le héros du film de James Cameron).
337 corps ont pu être repêchés. Ils seront inhumés pour la plupart dans les cimetières d’Halifax en Nouvelle-Écosse (Canada).
Des témoignages accablants
Les rescapés du Titanic vont témoigner de l'inconscience des passagers qui, incrédules et trop confiants dans la fiabilité du paquebot, se sont attardés dans les salons et les chambres et ont laissé partir les premières chaloupes à moitié pleines.
Ils vont témoigner aussi de l'injustice faite aux malheureux passagers de la troisième classe, empêchés de gagner à temps les chaloupes. Il semble en effet que l'on aurait fermé des grilles pour les empêcher de gagner les ponts de la première classe.
Le bilan est accablant : on compte 205 survivants sur les 329 passagers de première classe (les deux tiers), 118 sur les 285 de la seconde (moins de la moitié) et seulement 178 sur les 706 passagers de la troisième.
Les 885 membres d'équipage ont également payé un lourd tribut avec seulement 112 survivants. Stoïque et conscient de ses devoirs, le capitaine Smith est mort à son poste en lançant cette dernière injonction à ses marins : « Be British, boys !» (« Comportez-vous en Anglais, les gars ! »).
Le directeur Bruce Ismay a pu quant à lui s'échapper à temps. Principal responsable de la tragédie, il finira tranquillement sa vie à 75 ans.
Le surlendemain du drame, les journaux sont induits en erreur par les premières dépêches. Comme Le Petit Journal (16 avril 1912, page 1 et page 2 ), ils font état du naufrage du Titanic tout en annonçant rien moins que le sauvetage de tous les passagers et membres d'équipage. Cruelle méprise.
Fin d'un monde
La catastrophe porte un coup à la foi des Européens en un progrès indéfini de la société : on ne va plus parler de la technique dans les mêmes termes qu'auparavant et la Grande Guerre, deux ans plus tard, va porter un coup fatal à la suffisance orgueilleuse des élites de la Belle Époque.
Sans doute est-ce en raison de cette dimension symbolique que le naufrage a tant marqué les esprits et continue d'exciter les imaginations...
L'épave a été explorée le 1er septembre 1985 par une équipe franco-américaine. En 1997, le réalisateur de cinéma James Cameron a puisé dans le drame matière à un chef-d'oeuvre sentimental et à l'un des plus grands succès commerciaux de l'histoire du cinéma, avec Leonardo di Caprio dans le rôle principal.
Du fait de sa dimension symbolique, le Titanic continue un siècle plus tard d'exciter la curiosité des chercheurs, jusqu'à susciter des thèses plus ou moins fantaisistes autour des raisons de son naufrage.
La dernière en date est le fait d'un journaliste irlandais, Senan Molony : en examinant des photographies du paquebot avant son départ, il a cru détecter des marques de fragilité sur la coque ; elles seraient la conséquence d'un incendie qui aurait couvé pendant plusieurs semaines dans la soute à charbon et aurait endommagé les compartiments étanches. Pour éviter un préjudice financier, la compagnie White Starline aurait pris le risque de laisser partir le paquebot malgré le risque encouru.
Vos réactions à cet article
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Liger (06-05-2020 21:46:35)
Petite précision sémantique : pour désigner des navires de la même série, l'historien naval Georges Blond (dont je recommande vivement les ouvrages) emploie à juste titre le terme " frère ", plus approprié que celui de jumeau : des jumeaux sont identiques alors ceci est rarissime, s'agissant de grands navires de la même série ; comme des frères, de tels navires se ressemblent, parfois beaucoup, mais pas au-delà et leur évolution peut différer fortement : par exemple, dans la classe Yamato, cuirassés japonais de plus 70 000 tonnes, on trouve 2 cuirassés (Yamato, Musashi)... et un porte-avions (Shinano) résultant de la transformation du 3ème cuirassé de la série.
En tout cas, l'étasunisme " sister-ship " est à proscrire : c'est un inutile et hideux kyste linguistique dont l'utilisation contribue à conditionner les esprits à l'idée que seuls l'anglo-étasunien et les Anglo-Saxons ont une légitimité dans le domaine naval.
LOBENA (02-04-2018 10:18:14)
Il y a d'autres naufrages de nombreux morts et dont on ne parle pas du tout, ainsi le paquebot "La bourgogne" de la Compagnie Générale Transatlantique qui coula au large d'Halifax le 4 juillet 1896 2 jours après son départ de New York faisant plus de 600 victimes dont un habitant de notre commune interprète à bord du bateau
Marie (21-07-2017 11:51:21)
Il faudrait aussi parler des compartiments étanches, qui
n'étaient pas vraiment étanches, puisqu'ils n'étaient pas assez hauts et ne séparaient pas complètement chaque compartiment;
Grindio (06-07-2017 09:21:45)
ET quand est il de la version récente d'un feu à bord (éteint avant la mise à l'eau) durant la fin de la construction qui aurait dramatiquement fragilisé la coque justement à l'endroit de ou des déchirures ?
HORATIO (05-07-2017 16:12:01)
J'ai lu dans une revue technique (je ne me souviens pas de laquelle !) que les tôles de la coque étaient censées être assemblées par 3 lignes de rivets. Par souci d'économie on n'en aurait placées que 2.
L'inspection de l'épave aurait aussi montré que la coque n'aurait pas été déchirée, mais que la poussée de l'iceberg aurait fait "sauter" les 2 lignes de rivets sur une grande longueur; j'ai en tête "90 m".
Les tôles détachées ont par conséquent écarté les tôles de +/- 10 cm. On a donc un "trou" de 90 m X 10 cm = 9m2. C'est grand, très grand : ca fait un trou de 3m X 3m sous la flottaison !
MAX DEMICHELI (05-07-2017 15:25:45)
La légende de la photo du révérend Hunt est erronée: elle n'a pu de toute évidence être prise du pont du Titanic.
niki (14-04-2016 19:22:27)
le livre de l'historien Walter Lord "la nuit du titanic" a donné un film nettement plus intéressant que celui de james cameron = "atlantide latitude 41°", que je recommande en qualité de document - je ne minimise pas l'impact qu'a eu le film de james cameron, mais c'était un film sentimental, superproduction hollywoodienne - parfois, regarder autre chose peut être intéressant aussi -
comment vont se comporter ces nouveaux bateaux ? énormes bateaux de loisir, comme celui qui est totalement dans la démesure = oasis of the seas, qui pourra prendre plus de 6.000 passagers à son bord - vous imaginez la catastrophe si celui-là a un accident - on dit toujours que l'être humain n'apprend rien des leçons de l'histoire, je suis encline à le penser
Alice (17-04-2012 15:42:52)
J'ai eu l'opportunité de visiter les chantiers navals H & W qui ont construit le Titanic et l'Olympic. Visite guidée par une famille de Belfast même, descendante des bâtisseurs. Ce qu'il faut en retenir, c'est la fin de leur cauchemar depuis la découverte de l'épave. En effet, ils étaient traumatisés à l'idée d'être "responsables mais non coupables" de cette catastrophe maritine. Les experts auraient ainsi conclu à une suite d'erreurs humaines et à un hiver plus clément que les hivers précédents - des icebergs parvenus à des latitudes sud inhabituelles. Soulagés, les descendants d'ouvriers et ingénieurs sont orgueilleux de cette prouesse technique. Pour mémoire, aucune famille de Belfast n'a été épargnée par ce drame. Un excellent musée vient d'ouvrir ces porte à l'endroit même où se tenait le Titanic pendant 2 ans en cale, entièrement recouvert afin d'augmenter le suspens commercial. Le bâtiment du musée représente la proue à l'identique, recouvert de plaques métalliques mobiles qui donne l'illusion d'être en mer ! A voir absolument. Alice R.
PUNZO Edmond (15-04-2012 21:19:49)
La dernière catastrophe maritime du Concordia, comme si elle avait voulu donner rendez-vous à celle du Titanic, vient nous rapeller combien il faut rester humble et vigilent lorsqu'il s'agit de la sécurité.
Ainsi va le monde, ses tragédies comme sa foi dans un avenir meilleur, affirmant par cette marche en avant sa volonté de braver son destin. C’est le mystère de la vie, qui tantôt prend sans crier gare ou crée pour le bonheur de tous. Bien évidemment les prouesses technologiques les plus hardis, les recherches les plus poussées vers un aboutissement de la sécurité absolue (ce qui ne peut l'être à cent pour cent) permettent de garder espoir dans les propositions commerciales toutes plus alléchantes les unes que les autres pour embarquer sans contrainte sur ces beaux paquebots. De mon point de vue, c'est surtout dans la formation des hommes et des femmes auxquels la charge qui leurs incombe et de veiller sans état d’âme mais avec sans froid aux vies qui sont sous leurs responsabilités. Faut-il croire qu’il faudrait qu’ils soient plus nombreux ?
Ce n’est pas prouvé au vu de la catastrophe du Titanic, époque faste ou les hommes étaient en nombre nettement plus important sur les navires commerciaux, que ceux d’aujourd’hui. Non, il s’agit de la conscience des êtres humains devant accomplir ces tâches où la vie d’autrui est entre leurs mains. On devrait dire parmi les neurones de leurs cerveaux. La main faisant le bon geste. Vaste problème.
Hervé (15-03-2008 05:43:13)
Un drame collectif épouvantable qui allait constituer une sorte de symbole de la vanité d'une certaine frange de la société humaine, arc-boutée dans ses certitudes, sûre de sa prétendue "maîtrise" des éléments quitte à faire fi de règles basiques de la sécurité. Cet article approche avec efficacité les récits nombreux qui furent faits de ce triste événement et en ce qui me concerne je me permettrai de recommander deux ouvrages dont l'un d'eux, signé Walter LORD "La nuit du Titanic" est publié en poche aux éditions J'ai Lu avec une préface d'Alain BOMBARD et représente l'un des plus émouvants compte-rendus écrits à ce jour, reprenant l'essentiel des rapports d'enquêtes, témoignages de survivants et autres commentaires de la presse de l'époque. On notera aussi le remarquable ouvrage de Philippe MASSON "Le drame du Titanic" édité chez Tallandier en 1998 dont je citerai volontiers cette phrase "L'homme du XXe siècle redoute de plus en plus de se retrouver seul en face de lui-même."
charlotte (30-09-2006 17:00:23)
ça fait 2 fois que je le regarde et j'ai décider de le présenter à mon oral de bac de français car c'est un film tellement touchant et du faite que ce se soit vraiment passer les émotions sont milles fois plus fortes!!!!Je pleure à chaque fois et cela me fait mal les injustices qui se sont faites à ce moment car on était en 1912 et maintenant en 2006 il y toujours et autant d'injustice!!!!!
vanou (13-09-2006 17:05:42)
Moi aussi j'ai adoré ce film. L'histoire du titanic m'a touchée, mais c'est aussi très passionnant de constater les écarts entre ce que l'homme a dans la tête et ce qu'il peut réaliser. Cette histoire est passionnante et franchement j'aimerais voir cette épave.
anais (11-08-2006 11:37:18)
Bah je vois que c'était le pire jour de son existence, mais pourquoi ne l'ont-ils pas signalé avant ?
Le paquebot est énorme !
la valo (01-08-2006 14:03:47)
Pour ma part, je suis étonnée de la grandeur du paquebot!en effet, partout on entend les détails du nauffrage mais pas de sa capacité réelle, et c'est assez impressionnant pour l'époque! J'ai une réelle admiration pour cette épave, et suis très interessée par la catastrophe, ceci n'est pas macabre, mais relève d'une passion pour l'histoire, connaître ce qui c'est passé, en tirer des leçons, et surtout, rendre hommage à ces hommes et ces femmes quittant leur pays pour y trouver la liberté (sait-on jamais), et n'y trouvant que la mort. Hommage à tous ces personnages, non pas de fiction pour une fois, mais qui ont, par leur disparition, fait réfléchir nombre d'entre nous!
gael-claude ossougho (20-06-2006 14:23:42)
En vérité, j'ai mieux connu le Titanic par le film de James Cameron. Mais ce ne sont pas les scènes sentimentales qui ont retenu mon attention. J'ai plutôt été touché,un peu jaloux aussi, par l'audace de ces hommes qui ont défié la nature et leur temps. Désormais, l'Histoire retiendra leur mémoire. Le succès et le progrès sont les fruits de ceux qui OSENT.