18 avril 1909

Jeanne d'Arc, sainte tardive

Honorée de son vivant par le petit peuple, Jeanne d'Arc a dû cependant attendre plusieurs siècles avant d'être également reconnue par les élites politiques et religieuses.

D'héroïne nationale et populaire, elle est transformée en sainte au milieu du XIXe siècle et béatifiée par l'Église catholique un demi-siècle plus tard, le 18 avril 1909...

Jeanne d'Arc au sacre de Reims, par Dominique Ingres (1780-1867), 1854, musée du Louvre
Sainte nationale et catholique

De 1841 à 1849, l'archiviste Jules Quicherat, élève de Michelet, publie les volumineux comptes-rendus du procès de Jeanne d'Arc : Procès de condamnation et de réhabilitation de Jeanne d'Arc,  Ils mettent  à jour la grandeur d'âme et la foi simple et solide de la jeune paysanne. Celle-ci n'est plus seulement perçue comme une héroïne nationale et une résistante mais aussi comme une authentique sainte. 

C'est ainsi qu'elle est représentée, avec une auréole, en 1854, par le peintre Jean-Dominique Ingres. Sur la toile Jeanne d'Arc au sacre du roi Charles VII, aujourd'hui exposée au Louvre, le peintre s'est représenté sous les traits de l'écuyer Jean d'Aulon, derrière l'héroïne et son confesseur, frère Jean Pasquerel.

L'évêque d'Orléans, Mgr Félix Dupanloup, également séduit et bouleversé par les comptes-rendus du procès, affirme publiquement en 1855 que Jeanne d'Arc a agi selon la volonté divine. Soucieux de réconcilier la France libérale avec la foi chrétienne, il demande en 1869 au pape Pie IX d'entamer son procès de canonisation.

Après bien des vicissitudes, l'héroïne nationale est d'abord béatifiée par le pape Pie X quarante ans plus tard, le 18 avril 1909, dans une période dominée par l'exaltation de la Nation et la haine de l'étranger, qu'il fût anglais ou allemand. Le lendemain même de la cérémonie, à Saint-Pierre de Rome, le pape embrasse le drapeau français.

Son geste est inspiré par le désir de raccommoder l'Église de France avec les dirigeants anticléricaux de la IIIe République. Il est bien perçu par ces derniers et en mai 1912, le président de la République Raymond Poincaré érige la fête de Jeanne d'Arc en fête nationale.

Près de trente mille églises se dotent d'une statue de la bienheureuse. En 1910, le poète Charles Péguy publie une pièce de théâtre quelque peu ésotérique : Le Mystère de la charité de Jeanne d'Arc, dans laquelle fusionnent les vertus évangéliques et patriotiques.

Après la Grande Guerre de 1914-1918, le Parlement français établit une fête nationale en l'honneur de Jeanne d'Arc, le deuxième dimanche de mai (la fête a été plus tard transférée au 8 mai).

Jeanne est enfin canonisée par le pape Benoît XV le 16 mai 1920, soit près de 500 ans après sa mort (dans l'Église catholique, la canonisation est, après la béatification, le deuxième et dernier stade vers la reconnaissance de la sainteté).

Deux ans plus tard, en 1922, Jeanne est proclamée patronne secondaire de la France de même que Sainte Thérèse de Lisieux ; la patronne principale étant la Vierge depuis le voeu de Louis XIII.

La canonisation  traduit le désir de la papauté d'établir une passerelle avec la France républicaine et laïque. Elle exprime aussi le remords de l'Église envers la victime d'un jugement inique. Elle honore enfin une personnalité exceptionnelle, qui manifesta une force d'âme sans pareille dans un contexte très rude et sut se préserver du mal dans les pires situations.

La canonisation honore la personnalité de Jeanne d'Arc, en aucune manière son action au service de l'héritier des Valois. Il paraît en effet invraisemblable, même aux chrétiens les plus sincères, que Dieu ait pu entraîner Jeanne dans une querelle entre deux rois et deux partis qui n'étaient pas moins catholiques l'un que l'autre.

À ceux qui pourraient être troublés que soit canonisée une combattante,  rappelons que Jeanne d'Arc, n'usant à la guerre que de son étendard, se garda de tuer quiconque et montra une égale compassion pour toutes les victimes.

Notons que Jeanne d'Arc n'est pas seulement célébrée par des catholiques et des patriotes ; elle l'est aussi par des socialistes et même des anticléricaux. Ceux-là honorent la fille du peuple qui a sauvé son pays ou encore la malheureuse sacrifiée par un tribunal ecclésiastique. Il n'en reste pas moins que Jeanne d'Arc témoigne des miracles que peut accomplir une personne animée par la foi, fût-elle adolescente, bergère et illettrée. Son exemple garde valeur universelle.

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2019-05-29 08:17:41
jean-louis (01-02-2012 14:02:36)

Plus sérieusement, les minutes du 1er procès de Jeanne d'Arc sont disponibles en librairie et sur internet et ne sont pas si difficiles que cela à lire. Pour les juristes, les curieux et les histor... Lire la suite

bernard (10-01-2012 18:43:22)

Pourquoi ne pas signaler l'ouvrage polémique de Régine Pernoud : Jeanne devant les Cauchons?
Il donne aux non-médiévistes des renseignements fondamentaux sur la justice au XV° siècle.

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