21 juin 1908

Manifestation des « suffragettes » à Hyde Park

Le dimanche 21 juin 1908, les « suffragettes » manifestent de façon quelque peu agitée à Hyde Park, à Londres. Malgré leur détermination et leur nombre, 250 000 environ, les manifestantes ne réussissent pas à faire avancer leur revendication : le droit de vote pour les femmes britanniques et européennes. Elles n'arriveront à leur fin qu'après la première guerre mondiale, par étapes.

André Larané

Millicent Fawcett au rallye des suffragettes de Hyde Park (21 juin 1908)

Des précurseurs inattendus

Dans les communautés paysannes du Moyen Âge, les veuves chargées de famille participaient en général aux réunions publiques et prenaient part aux votes. C'était aussi le cas dans les corporations de métiers pour celles qui avaient hérité de l'atelier de leur mari. Ces traditions se sont perpétuées parfois jusqu'à la veille de la Révolution française. C'est ainsi qu'en Corse, les femmes votent dans les assemblées locales dès le XVIe siècle. Ce droit leur est confirmé par la Constitution de Pascal Paoli en 1755, ce qui fait dire à certains que la Corse aurait été le premier pays à octroyer le droit de vote aux femmes !

Millicent Fawcett (11 juin 1847, Aldeburgh ; 5 août 1929, Londres)Mais le statut social des femmes connaît une une brutale régression en Europe au début du XIXe siècle sous l'effet du droit romain. Il faut attendre des plaidoyers comme celui du très influent philosophe britannique John Stuard Mill qui, assisté de sa femme Harriett, publie en 1869 un essai retentissant, The Subjection of Women, pour que l'on cesse d'assimiler les femmes à d'éternelles mineures.

Les premières à obtenir pour de bon le droit de vote sont les habitantes du territoire américain du Wyoming en 1869, suivies par les Néo-Zélandaises en 1893, les Australiennes en 1902, les Finlandaises en 1906, enfin les Norvégiennes en 1913.

Au Canada, comme dans le reste de l'empire britannique, les femmes obtiendront le droit de vote aux scrutins fédéraux en 1918 (sous réserve d'être propriétaires) mais aux élections provinciales du Québec, elles devront attendre 1940 !...

En Grande-Bretagne comme dans le reste du monde anglo-saxon, c'est par leur rôle au sein des associations caricatives que les femmes commencent à s'imposer dans la vie publique.

En 1897, Millicent Fawcett (50 ans), disciple de John Stuard Mill, prend la présidence de la National Union of Women's Suffrage (« Union nationale pour le suffrage féminin »). Réunissant des dizaines de milliers de sympathisants tant masculins que féminins, la NUWS va devenir sous son impulsion le principal mouvement suffragiste du monde.

Manifestation de suffragettes à Londres en 1906

Des « suffragettes » très combatives

Les suffragettes à Londres (Le Petit Journal, 1908)Mais le combat pour le droit de vote féminin prend un tour plus spectaculaire avec la création en 1903 du mouvement des « suffragettes » par une mère de cinq enfants, Emmeline Pankhurst (45 ans).

C'est qu'à la différence de la Ligue suffragiste de Millicent Fawcett, qui préconise des actions conventionnelles, dans une stricte légalité, la Women's Social and Political Union (WSPU) d'Emmeline Pankhurst et de sa fille Christabel prône le recours à des actions violentes contre les biens et les propriétés.

La WSPU réunit 5 000 militantes actives, issues de tous les milieux sociaux ainsi qu'un certain nombre de sympathisants masculins.

Interpellation musclée d'Emmeline Pankhurst (15 juillet 1858 ; 14 juin 1928) le 21 mai 1914 à Hyde ParkIl bénéficie d'un vif courant de sympathie et de ressources financières importantes, ce qui lui permet d'organiser des marches massives comme le Women's Sunday (« Dimanche des femmes ») du 21 juin 1908.

Mais ses actions se font de plus en plus violentes tout autant que la répression policière. Agissant dans la clandestinité, les militantes brisent les vitrines, jettent des bombes dans des boîtes aux lettres... et arrivent même à faire sauter de nuit la résidence secondaire du Premier ministre, toujours en veillant à ne blesser personne.

Battues et parfois incarcérées, elles font en prison la grève de la faim en vue d'obtenir le statut de prisonnières politiques mais l'administration riposte en les gavant de force (une pratique bientôt interdite).

Le 8 juin 1913, au Derby d'Epson, Emily Davison se jette sous les sabots du cheval du roi George V et meurt de ses blessures. Le drame, filmé par la presse internationale, a un retentissement planétaire et nul n'ignore plus le mouvement.

Il faut toutefois attendre la fin de la Première Guerre mondiale pour que les « suffragettes » obtiennent enfin une demi-victoire, le 28 décembre 1918, avec l'octroi du droit de vote aux femmes de plus de... 30 ans.

C'est le début d'un mouvement d'émancipation mondial.

L'égalité civique, enfin

Faisant mine d'ignorer les revendications antérieures, les dirigeants occidentaux justifient leur changement d'attitude par le rôle actif qu'ont joué les femmes dans la vie sociale pendant la Grande Guerre. Tandis que les hommes combattaient dans les tranchées, elles ont dû les remplacer aux champs, dans les usines et dans les bureaux. Elles ont témoigné aussi de leur patriotisme comme infirmières et aides-soignantes dans les hôpitaux de campagne. Tout cela mérite récompense...

Le 15 juillet 1919, le pape Benoît XV lui-même se prononce en faveur du droit de vote des femmes. Aux États-Unis, la ratification du XIXe Amendement à la Constitution, le 26 août 1920, étend le droit de vote à l'ensemble des femmes du pays. Les Turques elles-mêmes obtiennent le droit de vote en 1934 à l'initiative du dictateur Moustafa Kémal (ce qui ne prête guère à conséquence dans ce régime très autoritaire !).

La Belgique traîne les pieds. Les femmes belges acquièrent en 1920 le droit de vote aux élections municipales et en 1921 celui d'être élues, mais c'est seulement en 1948 qu'elles obtiennent les mêmes droits civiques que les hommes.

La France se montre particulièrement lente pour une raison paradoxale : ses élus de gauche redoutent que les femmes aillent renforcer les rangs de la droite et des cléricaux. C'est seulement en 1945, à l'initiative du général de Gaulle, que les Françaises obtiennent le droit de vote.

La Suisse, fidèle à ses particularismes, attend la votation du 7 février 1971 pour imposer le suffrage féminin à tous les échelons politiques. Mais depuis 2010, les femmes sont majoritaires au sein du gouvernement fédéral.

Publié ou mis à jour le : 2022-04-02 22:26:59

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