Le 8 octobre 1906 s’ouvre à Amiens le congrès de la Confédération Générale du Travail (CGT), qui groupe 2400 syndicats français et deux cent mille adhérents. Cinq jours plus tard en sort une motion qui va entrer dans l’Histoire syndicale sous le nom de Charte d’Amiens.
Ce texte très court (2000 signes) définit encore aujourd’hui en théorie les objectifs du syndicalisme français, en radicale opposition avec les syndicalismes allemand et britannique.
Révolutionnaire ou réformiste ?
La CGT est née à Limoges en 1895, à peine plus de dix ans après la légalisation des syndicats ouvriers. Au départ simple association de quelques fédérations nationales de syndicats, elle se structure et se renforce au congrès de Montpellier, en 1902.
Ses effectifs bondissent à plus de cent mille membres sous l’impulsion de son secrétaire général Victor Griffuelhes, un ancien militant anarchiste.
Il organise le 1er mai 1906 la première grève générale pour la journée de huit heures. Ce coup d’éclat met le monde syndical en ébullition, d’autant qu’il survient juste après la catastrophe de Courrières et la répression des mineurs par l’armée.
L’année précédente, la sphère politique a vu naître le premier parti constitué comme tel : la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO). Ce parti est dirigé par Jules Guesde et se réclame du marxisme.
Partageant peu ou prou les mêmes convictions, syndicalistes et militants politiques s’interrogent sur la meilleure façon de les promouvoir.
Jules Guesde s’est violemment opposé à Alexandre Millerand en 1899 quand ce « socialiste indépendant » a choisi de participer au gouvernement « bourgeois » de Pierre Waldek-Rousseau.
Il souhaite faire de son parti, avec le concours de la CGT, le fer de lance de la révolution à venir. Mais au sein de la confédération syndicale, les « guesdistes » sont nettement minoritaires.
Ils doivent compter avec les réformistes qui veulent se cantonner dans des revendications purement syndicales pour l’amélioration des conditions de travail et des rémunérations.
Quant à la mouvance anarchiste regroupée autour de Victor Griffuelhes, elle prône une action révolutionnaire, à l'écart des partis politiques, avec rien moins que l’objectif de renverser la société capitaliste et de confier l’outil de production aux syndicats !
Le débat va être tranché au congrès d’Amiens au profit des derniers !
Victoire en trompe-l’œil du syndicalisme révolutionnaire
Le IXe congrès confédéral réunit plus de 800 délégués dans l’école publique du faubourg de Noyon, à Amiens. Trois motions sont débattues. Celle des « guesdistes », présentée par la Fédération du Textile, est mise en minorité par la coalition contre nature des réformistes et des anarchistes.
La motion réformiste, présentée par la Fédération du Livre, exprime « le caractère exclusivement économique de l'organisation syndicale ». Mais elle est retirée par ses promoteurs qui veulent plus que tout rester à l’écart des partis politiques. Ils se rallient donc à la motion de Victor Griffuelhes, laquelle préconise la grève générale comme moyen de faire triompher la révolution et « l'expropriation capitaliste ».
Après une semaine de débats est donc votée ladite motion. Elle obtient 830 voix sur 839 !
Mais même si elle est acceptée à la quasi-unanimité des congressistes, n'y voyons pas le reflet des aspirations de la classe ouvrière ou des huit millions de salariés français car les délégués présents à Amiens représentent en tout et pour tout un millier de syndicats et beaucoup sont des néophytes qui ont reçu un mandat en blanc d'un ou même plusieurs syndicats...
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Pinochio (10-04-2017 16:31:07)
Je voudrais savoir comment ce fait il que la GGT qui s' est constituée pour la disparition du salariat et du capitalisme conserve encore une si grande influence sur l'activité économique en étant ... Lire la suite
JR (13-06-2016 09:30:48)
article simple et clair, ... et bien opportun dans le contexte social français de juin 2016
JR (13-06-2016 09:23:25)
article simple et clair, ... et bien opportun dans le contexte social français de juin 2016