10 mars 1906

La catastrophe de Courrières

Le 10 mars 1906 se produit une dramatique explosion dans une mine de charbon située sous trois communes proches de Courrières (Pas-de-Calais) : Méricourt, Billy Montigny et Sallaumines.

Une catastrophe d'une ampleur sans précédent

C'est l'une des plus grandes catastrophes minières de tous les temps avec officiellement 1 099 victimes. D'aucuns estiment plus vraisemblable le chiffre de 1 200 mineurs restés ensevelis dans les galeries sur un total de 1 800 qui étaient descendus ce matin-là.

Le point de départ de cette tragédie est l'explosion d'une nappe de grisou (gaz) dans le chantier Lecoeuvre. La présence de ce gaz avait été suspectée quelques jours plus tôt par des mineurs de fond mais la compagnie n'avait pas tenu compte de leurs avertissements...

La catastrophe de Courrières illustrée par le Petit Journal.Le coup de grisou ayant soulevé la poussière de charbon, celle-ci, beaucoup plus explosive que le grisou, s'est vite mise en auto-combustion et la flamme a parcouru 110 km de galeries en moins de 2 minutes ! C'est ce qu'on appelle un « coup de poussière ».

La catastrophe est immédiatement médiatisée, les journalistes et photographes arrivant sur place en même temps que les équipes de secours. L'émotion dépasse les frontières. Des équipes de sauveteurs arrivent avec des matériels sophistiqués du Borinage belge et même de la Ruhr allemande (cela quelques années à peine avant la Grande Guerre...).

Les opérations de sauvetage se soldent elles-mêmes par 16 morts, surtout dans les premières heures, lorsque des mineurs s'enfoncent sans attendre dans la mine, à la recherche de leurs proches.

Catastrophe de Courrières : obsèques et bénédiction des victimes (Pas-de-Calais), 10 mars 1906.

De la catastrophe à la révolte

La compagnie minière hâte les opérations de secours pour relancer au plus vite l'exploitation. Indignées, les 50 000 « gueules noires » du bassin minier multiplient les appels à la grève. Leur colère déborde lorsque, le 30 mars, treize rescapés remontent de la mine, apportant la preuve qu'il serait encore possible de sauver des vies. Un quatorzième et dernier mineur est sauvé le 4 avril. La multiplication des débrayages met en péril l'approvisionnement du pays en charbon, combustible principal de l'époque.

Le tout nouveau ministre de l'Intérieur Georges Clemenceau, dont l'énergie est à la mesure de ses convictions républicaines et sociales, se rend à Lens et, courageusement, tente de raisonner les mineurs. Faute d'y arriver, il fait donner sans ménagement la cavalerie et l'armée. Jusqu'à 20 000 hommes. Les affrontements font une victime en la personne d'un officier tué d'un coup de pierre.

Jean-Paul Victor
Rescapés 

Bien malgré eux, les mineurs de la région de Courrières ont enrichi la langue française d'un nouveau mot d'origine picarde : rescapé (ou escapé), variante dialectale du français réchappé.

La répression de la révolte minière par Clemenceau a aussi valu à ce dernier d'être qualifié de « briseur de grèves » (l'expression naît à cette occasion).

Publié ou mis à jour le : 2024-03-07 14:00:35
Guy (16-03-2023 17:22:58)

Je viens de lire votre article sur la catastrophe de Courrières. Je n'en avais jamais entendu parler, autant que je sache, mais par contre - peut-être parce que j'ai intégré l'ENP de Saint-Etienne en troisième et donc usé le fond de mon short aux côtés de fils de mineurs - la catastrophe de Marcinelle, cinquante ans plus tard, en Belgique, m'a marqué ; non pas par le vécu car en 1956, chez nous, c'était Suez et le gel des oliviers, mais via un Marabout et une grève de mineurs au début des années 60 (il a pu y avoir un coup de grisou comme déclancheur mais je n'en ai aucun souvenir), peut être celle de 1963 mais plutôt avant.
Étant donné l'importance économique et sociale des mines de charbon, je suggère que cette lacune soit comblée.
1906 et 1956, cela fait une paire tragique et l'étude de leur traitement médiatique respectif ne manque probablement pas d'intérêt... à l'heure où l'on rouvre des mine

Jean Gallet (10-03-2020 16:47:07)

A propos du mot rescapé et de langue française, j'ai appris dans l'émission de Franck Ferrand que l'orthographe du mot "Terril" a été modifié à l'occasion de cette catastrophe de Courrières.
En effet, devant rédiger son article, un journaliste parisien demanda à un mineur comment s'écrivait "Terri". Le mineur, qui n'en savait probablement rien, lui répondit : "comme un fusil".
Voila comment ce mot, d'origine wallonne, et qui s'écrivait "terri" a été définitivement transformé.
Sous réserve de vérifications.
Bien amicalement.












pierre (13-11-2011 16:23:04)

On ne peut qu’admirer la prescience d'Emile Zola dans son livre (que personnellement, j’estime le meilleur) Germinal paru en 1885, plus de ving ans avant la catastrophe de Courrière
Tout y est : Le coup de grisou, la grève des mineurs, le recours à l’armée, l’officier atteint d’une pierre à la tête.
Peu de romanciers ont cerné d'aussi près la réalité.

Vanos (05-12-2008 08:15:37)

Bonjour,
J'ai lu dans cet intéressant article l'expression : "C'est ce qu'on appelle un «coup de poussière»". je pense qu'il faudrait écrire "un coup de poussier", le poussier étant de la poussière de charbon.
Amicalement.

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