11 octobre 1899 - 31 mai 1902

La guerre des Boers

Le 31 mai 1902, à Vereeniging, à la pointe sud de l'Afrique, un traité met fin à une guerre de 30 mois entre les Boers et les Anglais. Il s'agit de la plus dure guerre coloniale qu'aient eu à soutenir les Anglais. Et c'était face à des paysans d'origine européenne !

Les Boers (d'un mot hollandais qui signifie paysans et se prononce bour) sont en effet les descendants des Hollandais et Français qui se sont installés autour du cap de Bonne Espérance au XVIIe siècle. Ils se nomment aussi Afrikaners (Africains, dans leur langue, l'afrikaans, dérivée du hollandais). Rudes et solidaires, ils veulent par-dessus tout préserver leurs coutumes et leur religion calviniste.


La République des Boers,  source : INA

Naissance d'une nation afrikaner

Vingt ans après que les Anglais eurent annexé l'ancienne colonie hollandaise du Cap (1814), les paysans Boers qui y étaient établis choisirent d'émigrer vers le nord pour leur échapper et préserver envers tout leur mode de vie, leur culture et leur foi. Mais, ce faisant, ils rencontrèrent sur leur chemin les Zoulous et il s'ensuivit des guerres incessantes.

Sur les territoires enlevés aux Zoulous, les Boers fondent d'abord la république du Natal mais, en 1843, les Anglais s'empressent de leur enlever cette possession maritime, stratégique à leurs yeux. Les Boers, sans se décourager, s'engagent vers l'intérieur du continent et fondent la République du Transvaal et l'État libre d'Orange. Ils se croient désormais à l'abri des Britanniques. Ces micro-États comptent à leur fondation respectivement 25 000 et 10 000 habitants blancs.

Londres annexe malgré tout le Transvaal le 12 avril 1877, ce qui vaut aux Anglais le douloureux privilège d'en découdre avec les Zoulous avant d'être expulsés de la petite république au terme d'une première guerre en 1880, et d'une victoire des Boers à Majuba.

La fièvre de l'or

La découverte de l'or en 1886 sur les plateaux du Witwatersrand, en plein coeur des domaines boers, attire bientôt des immigrants de toutes origines et excite la convoitise des Anglais. Une ville minière naît à la vitesse d'un champignon : Johannesbourg. Elle ne tardera pas à devenir la métropole économique de l'Afrique du Sud.

À l'affût d'un prétexte pour en finir avec les Boers, le Premier ministre de la province du Cap, Cecil Rhodes, dénonce les traitements discriminatoires que subissent les Anglais et les autres étrangers (Uitlanders en afrikaans) installés au Transvaal.

Cecil Rhodes, né en 1853, débarqué en Afrique du Sud pour raisons de santé, a fait fortune en rachetant les parcelles de petits chercheurs de diamants. Député du Cap puis Premier ministre de la colonie, il rêve de constituer une Afrique britannique du Caire au Cap ! Après l'éviction des Anglais du Transvaal, il a pris sa revanche en contournant les républiques boers par le nord. Il a imposé le protectorat britannique au Bechuanaland (aujourd'hui le Botswana) et fondé deux colonies dans le bassin du Zambèze, appelées en toute modestie Rhodésie du Sud (aujourd'hui Zimbabwe) et Rhodésie du Nord (aujourd'hui Zambie).

Il ne lui reste qu'à lever l'obstacle du Transvaal ! En 1895, son ami Jameson tente avec 400 hommes, à partir de Mafeking, un raid sur Johannesbourg en vue de soulever les Uitlanders. C'est un échec retentissant. Jameson est capturé et Rhodes contraint à la démission. Les Boers ne sont pas sortis d'affaire pour autant...

La guerre !

Le Premier ministre britannique Joseph Chamberlain multiplie les menaces à l'encontre du vieux président Paul Kruger, un paysan obtus et laid, farouchement déterminé à préserver l'indépendance du Transvaal. Il finit par lui adresser un ultimatum. Le 11 octobre 1899, c'est pour de bon la guerre. L'État libre d'Orange fait cause commune avec le Transvaal.

Les Boers, mûs par leur foi, vont résister avec une exceptionnelle énergie, alignant un total d'environ 50 000 hommes, y compris les vétérans et les adolescents. Face à eux, les Anglais vont mettre en ligne un total de 448 000 hommes !

Les Boers suppléent à leur infériorité numérique par la mobilité. Ils multiplient des actions de commando (le mot lui-même est un néologisme d'origine afrikaans forgé à cette occasion). Leur combat suscite une vague d'enthousiasme dans toute l'Europe continentale où l'on savoure les difficultés de la principale puissance mondiale de l'époque, qui plus est face à une poignée de paysans d'origine européenne.

En janvier 1900, le général anglais Horatio Kitchener, qui s'est déjà illustré au Soudan, prend le commandement du corps expéditionnaire aux côtés du vieux général lord Roberts, qui a perdu dans la guerre son fils unique.

Kitchener reprend Kimberley le 15 février 1900 et oblige à la reddition les 6 000 partisans du général Cronje. Il impose enfin la levée du siège de Mafeking que défend le général Baden-Powell, le futur fondateur du mouvement scout. Le 5 juin, il fait une entrée triomphale à Johannesbourg. Mais les indestructibles Boers, réduits à 17 000 combattants, entament une guerre de guérilla sous la conduite de deux jeunes et brillants généraux appelés à un grand avenir, Louis Botha et Jan Smuts. Pendant ce temps, Paul Kruger fait la tournée des capitales européennes en quête d'une aide qui ne viendra pas. Kitchener réplique par la tactique de la terre brûlée.

La guerre et les camps

Contre les Boers, le général Kitchener fait usage d'une invention récente, le fil de fer barbelé, pour aménager des camps de concentration (les Espagnols, quelques années plus tôt, à Cuba, avaient créé les premiers camps de l'Histoire de l'humanité).

Les barbelés permettent d'emprisonner un grand nombre de personnes à moindres frais et avec une surveillance réduite. 200 000 Boers (hommes, femmes et enfants) sont de la sorte internés dans des conditions lamentables et l'on compte à certaines périodes un décès sur dix parmi les internés. Les Boers évaluent à près de 30 000 le nombre de victimes des camps.

Dénoncée par l'Anglaise Emily Hobhouse, vilipendée par l'opinion internationale et surtout britannique, l'armée de Sa Majesté renoncera ultérieurement à ces pratiques.

Paysans afrikaners dans un camp de concentration pendant la guerre des Boers (1899-1902)

Les Anglais soumettent enfin les Boers au prix d'une victoire à la Pyrrhus.

La plus grande guerre coloniale de l'ère moderne, qui a opposé deux peuples d'origine européenne, se solde par 7 000 morts sur un total de 100 000 combattants boers (non compris les victimes civiles des camps de concentration) et par... 22 000 morts dans les troupes britanniques, pas moins de 500 000 hommes ayant été engagés par Londres dans le conflit !

Le Transvaal et l'État d'Orange renoncent à leur indépendance ; les uitlanders obtiennent les droits civiques, mais la langue des Boers, l'afrikaans, conserve droit de cité et Londres s'engage à réparer les dommages de guerre. Pour la première fois, l'impérialisme britannique s'est heurté à une authentique résistance populaire. À quelques mois de sa mort, le 22 janvier 1901, la reine Victoria peut percevoir les premières fissures de l'Empire le plus vaste qui fut jamais.

Huit ans jour pour jour après le traité de Vereeniging, le 31 mai 1910, l'Afrique du Sud devient un dominion autonome à structure fédérale : l'Union Sud-Africaine. Le nouvel État scelle la réconciliation des deux ennemis... sur le dos des populations noires, aborigènes et métisses. Le premier Premier ministre est le général boer Louis Botha. Dans son gouvernement figure en bonne place un autre général boer Jan Smuts.

Publié ou mis à jour le : 2022-05-25 12:30:00
Anonyme (18-10-2017 00:38:12)

J'ai toujours été frappé par la popularité de la cause des Boers dans la France de la Belle Epoque. La tournée en France du président Kruger fut triomphale, quoique sans effets pratiques pour renverser la situation militaire. A Grenoble, existe toujours une rue à son nom qui fait suite à une autre anciennement baptisée rue du Transvaal (l'actuelle rue Gay-Lussac). On connaît la croyance selon laquelle allumer trois cigarettes avec le même briquet porte malheur ; c'est l'écho de la guerre des Boers et de l'habileté des tireurs afrikaners en face des lignes britanniques : de nuit, la lueur d'une allumette éveillait l'attention des guetteurs ; le temps d'armer le fusil et le troisième fumeur était abattu...

Olivier (29-05-2012 19:45:05)

Excellent article. Une sal.....e de plus des Anglais!On parle beaucoup de la brutalite et de la cruaute germanique, mais les Anglais n'ont rien a dire sur ce sujet, ils sont pire.

Jean Pierre (29-05-2012 19:44:32)

Comme citoyen canadien je me sens concerné par cette guerre. La Grande-Bretagne, a, à cette occasion, sollicité l'aide militaire du Canada et d'autres membres du Commonwealth.

En fait, cette guerre a constitué le premier conflit outre-mer auquel le nouveau Dominion du Canada a été appelé à participer. Elle a provoqué des sentiments partagés au sein de la population - les anglos favorisaient la loyauté envers l'Empire britannique mais d'autres comme les francos et les irlandais avaient le sentiment que la sécurité du Canada n'était pas directement menacée et que le fait de dépêcher des troupes pouvait créer un climat néfaste aux ambitions nationalistes des francophones et des catholiques irlandais.
Les troupes canadiennes ont participé et contribué à la victoire britannique ainsi qu'aux activités d'après-guerre. Parmi les 7000 à 8000 hommes et les 16 infirmières qui ont servi, on a enregistré entre 200 et 300 pertes de vie.

Sur le plan national, cette guerre a été considérée comme un événement de première importance. la guerre en Afrique du Sud fût un événement marquant de l'histoire du Canada en ayant eu des répercussions sur le front intérieur, du pays.
L'un des résultats directs de la participation canadienne à cette guerre ayant été d'aiguiser le sentiment d'indépendance du pays au sein de l'Empire britannique et de favoriser la mise en place de forces armées mieux organisées.

La fibre patriotique des Canadiens a commencé à vibrer dans tous les cœurs. Au-delà de toutes les autres. L'une des conséquences de ce conflit, fût de s'identifier comme un pays souverain devant décider par lui même.

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