19 juillet 1900

Inauguration du métro parisien

Le 19 juillet 1900, à la faveur de la grande Exposition universelle du siècle, Paris inaugure sa première ligne de métro. Elle relie la Porte Maillot (ouest) à la Porte de Vincennes (est) en 26 minutes.

Les Parisiens s’accommodent très vite de ce nouveau moyen de transport qui révolutionne leur quotidien. Le réseau ne va cesser de s’agrandir au gré des bouleversements du XXème siècle. Car le métropolitain est intimement lié à l’histoire de Paris et à son urbanisme...

Charlotte Chaulin

Paris (XIIe), le 19 juillet 1900. La rame en bois de la toute première ligne de métro a été inaugurée porte de Vincennes, à l?occasion de l?Exposition universelle./MUSÉE CARNAVALET

L’aboutissement tardif d’un vieux projet

Le premier projet d'un transport souterrain à Paris remonte à 1845. Sa réalisation est à maintes reprises différée car deux visions s’opposent :
• Les compagnies de chemin de fer et de l’État voudraient raccorder les lignes de banlieue et les grandes lignes à travers la capitale et favoriser ainsi la pénétration de leurs trains.
• La municipalité de Paris souhaite quant à elle un chemin de fer intra-muros avec des stations rapprochées pour privilégier les déplacements des Parisiens... et dissuader ceux-ci de quitter la capitale pour de lointaines villégiatures en banlieue ou en province.

Pendant que de nombreux projets se développent mais n’aboutissent pas en France, d'autres métropoles construisent leur propre métro, comme Londres qui se dote la première d’un chemin de fer souterrain dès 1863 ou New York en 1867.

Mais quand la France se voit attribuer l’organisation de la prochaine exposition universelle à Paris, en 1900, la situation critique alarme la population et les autorités publiques : comment accueillir des millions de visiteurs dans une ville congestionnée par les omnibus à chevaux et les tramways électriques ?

Dans l'urgence, la mairie de Paris se voit confier la responsabilité de la conception du métro en 1895. Le point de vue municipal l'emporte sur celui de l'État : le réseau métropolitain sera soigneusement déconnecté du réseau ferroviaire, avec d'une part des métros qui roulent à droite cependant que les trains de banlieue et les trains nationaux roulent à gauche (une conséquence de ce que le chemin de fer est né en Angleterre), d'autre part des métros au gabarit (largeur) de seulement 2,40 mètres contre 3,150 mètres pour les trains ordinaires.

Ces différence de sens de circulation et de gabarit vont rendre impossible les interconnexions métros-trains et compliquer ad vitam aeternam les relations ferroviaires de banlieue à banlieue ou encore de ville à ville, les voyageurs désirant se rendre de Lille à Toulouse étant par exemple contraints à une longue correspondance à Paris.

Rue d'Auteuil dans le XVIème arrondissement de Paris vers 1902. En agrandissement : Carte postale ancienne éditée par ES, N° 2148 : tramway hippomobile de la Compagnie générale des omnibus, ligne TAH, Vaugirard ? Gare du Nord.

Trente ans après la transformation de Paris par le baron Haussmann, de nouveaux travaux s'engagent sous l'égide de la Compagnie du chemin de fer métropolitain de Paris (CMP), créée pour l'occasion en 1898 par le baron Empain. La réalisation des travaux est confiée à Edmond Huet et à l'ingénieur Fulgence Bienvenüe.

Fulgence Bienvenüe, le « père métro »

Fulgence Bienvenüe (1852-1936), père du métro parisien, devant l'entrée de la station Monceau. En agrandissement : Construction du chemin de fer métropolitain de Paris : ligne 1, 4e lot. 57 : Station métallique de l?Hôtel de ville, aménagement des accès de la station, Paris (IVème arr.). 1er mai 1899. Photographie de Charles Maindron (1861-1940). Paris, bibliothèque de l?Hôtel de Ville.Né à Uzel (Côtes-d'Armor) le 27 janvier 1852, Fulgence Marie-Auguste Bienvenüe obtient son bac à quinze ans, entre à Polytechnique et intègre l’École nationale des Ponts et Chaussées. À 29 ans, il chute sur une voie de chemin de fer, ce qui lui vaut l’amputation de son bras gauche.
En 1884, il entre à Paris au service municipal de la voie publique. On lui doit le percement de l’avenue de la République, la construction du funiculaire de Belleville et l’aménagement des Buttes Chaumont. Enfin, il réalise le métro avec l’ingénieur Edmond Huet et s'en trouve récompensé par la Grand-Croix de la Légion d’honneur... et plus tard une station à son nom, celle de la gare Montparnasse.
Mobilisé le 3 août 1914 en tant que colonel du Génie dans la Première Guerre mondiale, bien qu’ayant soixante-deux ans, Bienvenüe participe à la mise en état de défense du camp retranché de Paris. Mais à la fin du mois, le préfet de la Seine négocie le maintien du chantier du métro et Bienvenüe reprend son poste.
En débutant sa mission, il était chargé d’établir un réseau de 65 kilomètres en six lignes. Lorsque le « père métro », comme le surnomment les Parisiens, prend sa retraite en 1932, à l’âge de 80 ans, il laisse derrière lui un réseau de près de 130 kilomètres en douze lignes.
Carte postale colorisée figurant la station de métro Bastille en 1900. En agrandissement : une bouche de métro Guimard aujourd'hui, station Abbesses dans le XVIIIème arrondissement de Paris.

Un chantier cauchemardesque

Les travaux de la ligne 1 du métro parisien commencent le 4 octobre 1898. Les Parisiens qui ont connu les chantiers haussmanniens revivent le même cauchemar… De la porte Maillot à l'ouest à la porte de Vincennes à l'est, sur une dizaine de kilomètres, les grandes artères sont éventrées, tant les Champs-Élysées que la rue de Rivoli, la place de la Bastille et le cours de Vincennes. Jour et nuit, ingénieurs et ouvriers défoncent les pavés et creusent des souterrains.

2 000 terrassiers dévient les égoûts collecteurs et les canalisations dont le sous-sol parisien est encombré. Mais Bienvenüe parvient à faire installer ses voies sans trop perturber la circulation, même alors que débute l'Exposition universelle. La première ligne peut être enfin ouverte après seulement vingt mois de travaux.

Les architectes se jettent sur ce nouveau marché et tentent d’imposer leur style aux futures stations de métro. Un concours est lancé mais ce n’est pas son lauréat, un certain Durray, qui l’emporte, car le banquier Adrien Bénard, président du conseil d’administration de la CMP, lui préfère Hector Guimard et son style Art nouveau. Les premières stations sont donc conçues en « style nouille ». Le matériau utilisé, à la fois économique et plastique, est la fonte de fer.

Le Jour J

Quand le jour tant attendu arrive, un modeste public est au rendez-vous. Il est vrai que depuis trois mois déjà, l'Exposition universelle bat son plein et attire les badauds sur les Champs-Élysées comme sur l'esplanade des Invalides, le long de la Seine et dans le bois de Vincennes. 

Compte tenu des délais, seules sont ouvertes dans un premier temps huit des dix-huit stations prévues. Aucune manifestation officielle ne marque l'inauguration du métro. Le président Émile Loubet est absent, préférant assister à une revue navale à Cherbourg. Il n'y a guère que le préfet de police de Paris, Louis Lépine, qui a fait acte de présence.  

Le soleil est aussi de la partie. Il fait 38 degrés dans la capitale, ses habitants suffoquent. Les premiers usagers du métro sont ravis de se mettre au frais par ce temps caniculaire. « C'est d'ores et déjà le seul coin de Paris où, par ces temps de canicule, il fasse frais et même un peu plus !... Cette appréciation cinquante fois entendue, le 19 juillet 1900, dans les wagons entre la porte Maillot et la porte de Vincennes, résume à peu près l'impression du public admis pour la première fois à faire ce voyage. » relate un journaliste du Figaro le lendemain. Ce dernier a même entendu un usager s’écrier : « Délicieux !... Comme il fait bon ici ! C'est à y passer ses vacances !... »

Le tarif est abordable : 15 centimes en seconde, 25 centimes en première. Il faut alors compter 26 minutes pour se rendre de la porte Maillot à Vincennes. Le succès est immédiat. De juillet à décembre 1900, le métro transporte plus de 17 millions de voyageurs et l'année suivante, près de 56 millions.

Les vieux moyens de transport devenant obsolètes face à cette innovation en passe de devenir une vraie révolution du quotidien des Parisiens, le dernier omnibus à chevaux fait son ultime voyage en janvier 1913 sur la ligne Villette-Saint-Sulpice et le dernier tramway à chevaux relie pour la toute dernière fois Pantin et Opéra au moins d’avril de la même année.

Crise de croissance

Dès 1900, les embranchements Étoile-Trocadéro et Étoile-Dauphine sont mis en service tandis que se poursuit le prolongement de la ligne 2 devant relier Étoile et Nation.

Le 10 août 1903 un wagon s’enflamme à la station Couronnes dans le XXème arrondissement causant la mort de 84 personnes. L’accident émeut les Parisiens et le reste de l’Europe mais ne met pas un frein aux projets d’élargissement du réseau métropolitain.

Une rame Sprague-Thomson lors des Journées du patrimoine de 2006. En agrandissement : La catastrophe du Métropolitain, station Couronnes : la foule attendant la sortie des victimes.Au contraire, des leçons sont tirées de cette catastrophe et de nouvelles dispositions sont prises concernant l’exploitation et la sécurité du métro avec dès 1907 des voitures entièrement métalliques fabriquées par l'entreprise Sprague-Thomson.

En 1910, le réseau prévu par le cahier des charges initial de 1898 est achevé. Débute alors la construction du réseau complémentaire.

Le trafic s’intensifie et les wagons sont de plus en plus chargés, transportant 317 millions de voyageurs en 1910 et 467 millions en 1913. En 1914, le métro dessert l’essentiel de la capitale sur plus de 92 kilomètres de lignes.

La Première Guerre mondiale cause quelques dégâts, les bombardements en 1916 et 1918 n’épargnant pas les stations et les voies. Le 11 mars 1918, au cours d’un raid aérien, les habitants du quartier Bolivar sont pris de panique. Dans la précipitation, ils s’engouffrent dans leur station de métro pour se mettre à l’abri mais les premiers arrivants se heurtent aux portes qui s’ouvrent vers l’extérieur et sont étouffés par la foule qui se presse derrière eux.

Un réseau qui n'en finit pas de s'étendre

Si les rails du métro ont été conçus plus étroits que ceux du train, que les deux ne circulent pas dans le même sens et que les cinq grandes gares parisiennes ne sont pas reliées entre elles par une même ligne circulaire, c’est parce que les édiles parisiens craignaient que les bourgeois n'usent de l'interconnexion train-métro pour s’enfuient en lointaine banlieue !

Ce sont en définitive les classes moyennes et populaires qui vont privilégier la banlieue, chassées du centre par le prix de l'immobilier...

Entre 1901 et 1931, tandis que les vingt arrondissements de Paris voient leur population se stabiliser aux alentours de deux millions d'habitants, la population suburbaine passe de 956 000 à 2 062 000 habitants.

Le prolongement du métro vers les banlieues proches de la capitale est décidé en 1927 et les travaux s’enchaînent pendant dix ans.

La Seconde Guerre mondiale vient ensuite perturber l’aménagement du réseau métropolitain. Le métro vit à l’heure de l’Occupation et devient le théâtre de la situation que vit la France. Les Juifs identifiés par leur étoile jaune sont ainsi tenus de monter dans la dernière voiture... Le 21 août 1941, un militant communiste abat à la station Barbès l'aspirant allemand Moser ; c'est le premier attentat contre l'occupant.

Voies et stations sont dégradées par les bombardements ou bien réquisitionnées par les autorités allemandes. Le 12 mai 1944, la ligne 11 est arrêtée car l’occupant allemand y installe ses propres ateliers militaires dans les souterrains. 

Logo de la RATP depuis 1992. En agrandissement : la carte présentant le projet du Grand Paris Express.En 1944, la CMP devient la Régie autonome des transports parisiens (RATP).

La fin de la guerre marque l’apogée du trafic, le record est atteint en 1946 avec 1 598 millions de voyageurs. En 1949, neuf prolongements voient le jour en direction de Neuilly, Vincennes, Levallois-Perret, Pantin, Ivry-sur-Seine, Boulogne-Billancourt, Lilas et Issy-les-Moulineaux. Mais la période qui suit est marquée par un immobilisme, notamment car les pouvoirs publics sont accaparés par le développement de l’automobile.

Les années 1960 marquent une reprise progressive de l’amélioration du réseau métropolitain avec notamment la création des RER. Les crédits importants alloués à la RATP à partir de 1968 permettent la modernisation du matériel et la rénovation des stations.

Les travaux se poursuivent jusqu’à la fin du siècle et la création de la ligne 14 METEOR qui relie la Bibliothèque nationale et Madeleine en 1998 marque un tournant dans l’histoire du métropolitain. Cette ligne entièrement automatisée annonce ce que sera le métro au siècle suivant.

Au 31 décembre 2010, le réseau ferré atteint 213 kilomètres de ligne (300 stations) et l’automatisation des lignes se poursuit.

Aujourd’hui, le projet Grand Paris Express, plus grand projet urbain d’Europe, prévoit la création de quatre lignes de métro automatiques autour de la capitale ainsi que l’extension de deux lignes existantes. La ville de Paris et la région Île-de-France poursuivent ainsi le travail commencé par Fulgence Bienvenüe.

Publié ou mis à jour le : 2024-05-20 16:29:09

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