En guise de revanche après l'humiliation de Fachoda, le gouvernement français décide de soumettre les derniers territoires encore « sans maîtreu » au cœur de l'Afrique sahélienne.
Il s'agit de régions semi-désertiques et sans intérêt mais leur colonisation est une question d'honneur pour les Français engagés dans la « course au drapeau ».
Trois missions doivent donc se rejoindre aux abords du lac Tchad, à Kousséri. La mission saharienne Foureau-Lamy part d’Alger, la mission Gentil, de l’Oubangui-Chari et la mission Voulet-Chanoine, quant à elle, se met en branle en janvier 1899 à Saint-Louis, au Sénégal.
Dérive criminelle
Les capitaines Paul Voulet (33 ans) et Julien Chanoine (29 ans), qui se sont illustrés par leur conquête sanglante du pays mossi (la Haute-Volta, aujourd'hui le Burkina Faso), quittent les bords du Niger en janvier 1899 en direction de l'Est, avec six autres officiers français, cinquante tirailleurs, 200 tirailleurs auxiliaires, vingt spahis et 700 porteurs.
Ils manquent de moyens, souffrent de la chaleur et sont probablement dérangés par les atteintes de la syphilis. Se croyant tout permis, les deux officiers ne tardent pas à semer la mort et la désolation sur leur passage.
Mais l'un des officiers de la mission, le lieutenant Peteau, s'insurge. Il est renvoyé mais il fait à sa fiancée le récit des atrocités de la colonne et sa lettre atterrit sur le bureau du ministre des colonies Florent Guillain, qui la transmet au président du Conseil Charles Dupuy.
La France est alors en pleine affaire Dreyfus. Or, le capitaine Chanoine est le fils d'un général antidreyfusard qui a été aussi ministre de la Guerre l'année précédente. Pour ne pas fournir aux dreyfusards un motif supplémentaire de critiquer l'armée, le gouvernement donne donc, le 20 avril 1899, l'ordre d'interrompre la colonne Voulet-Chanoine. Le colonel Arsène Klobb, basé à Tombouctou reçoit mission d'arrêter les criminels.
Ces derniers se rebellent et redoublent de cruauté. Pénétrant en pays haoussa, théoriquement sous souveraineté britannique, ils se heurtent aux archers de la Sarraounia, une reine locale. Quatre soldats perdent la vie et six autres sont blessés. Le mois suivant, le 8 mai, ils exterminent les habitants du village de Birni N’Konni après qu'ils ont refusé de leur livrer le bétail réclamé.
Enfin, le 14 juillet 1899, à Zinder, près du village de Dankori, les deux troupes françaises s'affrontent. Klobb, en grand uniforme, s'avance vers Voulet en vue de parlementer. Mais ce dernier donne l'ordre d'ouvrir le feu. Klobb est tué et son meurtrier, arrachant alors ses galons, lance à ses tirailleurs : « Je ne suis plus français, je suis un chef noir. Avec vous, je vais fonder un empire ».
Son équipée n'ira pas loin. Chanoine et lui sont tués dans les jours qui suivent par leurs propres hommes.
Leur folie meurtrière (plusieurs milliers de victimes) est mise sur le compte de la « soudanite », déséquilibre induit en Afrique par la chaleur et l'éloignement de la métropole et, dès l'année suivante, la conquête du Tchad est relancée par leurs adjoints, les lieutenants Joalland et Meynier.
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