29 septembre 1898

Capture de Samory Touré

Le 29 septembre 1898, le chef Samory Touré est capturé par le capitaine Gouraud, en un lieu dit Nzo. C'est la fin d'une prodigieuse épopée qui a permis au vieux guerrier (63 ans) de conquérir un vaste territoire dans la boucle du Niger, au sud du Sahara.

Alban Dignat

Naissance d'un mythe africain

Samory est né dans une famille de commerçants, près de Kankan, dans l'actuelle Guinée, en pays malinké. Lui-même est issu du peuple dyoulo, des musulmans en minorité dans sa région. Sa famille, après avoir été islamisée, est retournée à la religion fétichiste de ses ancêtres.

Sa mère fut un jour enlevée par un groupe rival, les Cissé. Samory, alors âgé de 16 ou 17 ans, entra au service de ce groupe pour racheter sa liberté. C'est ainsi qu'il découvrit le métier des armes.

Manifestant des dispositions exceptionnelles pour ce métier, Samory s'enfuit de chez les Cissé et conclut un serment d'amitié avec une demi-douzaine d'amis de son lignage.

Il se retrouve bientôt à la tête d'une petite armée de métier, avec des fantassins tous équipés d'armes à feu et remarquablement disciplinés. Pour mieux imposer son autorité, il se convertit à l'islam et se proclame « almany ». Ce titre obscur, issu de l'arabe Amir Al Muminim, lui confère une autorité à la fois spirituelle et militaire sur ses sujets.

Samory Touré soumet un territoire qu'il agrandit d'année en année. Vers 1880, il gouverne en maître absolu tout le Haut Niger, dans la partie orientale de l'actuelle Guinée. C'est un vaste et riche territoire de collines verdoyantes appelé Ouassoulou et peuplé d'environ 300 000 âmes. Il n'a d'autre rival que le royaume toucouleur du Ségou, plus au nord...

Les Anglais qui occupent la Sierra Leone voisine ne sont pas mécontents que l'almany fasse régner l'ordre dans l'arrière-pays. Samory noue un dialogue avec eux ainsi qu'avec les Français, présents en Côte d'Ivoire. Il aspire à conclure un traité de protectorat avec les uns ou les autres pour pérenniser son trône.

Mais les Français se montrent peu disposés à de tels arrangements et grignotent le territoire de Samory. Le colonel Borgnis-Desbordes inflige une première défaite au chef noir en 1882.

Chaque nouvel affrontement tourne à l'avantage des Français qui bénéficient d'un armement d'une supériorité écrasante. C'est ainsi qu'en une seule campagne, en juin 1885, Samory Touré perd 900 hommes tandis que les Français n'ont à déplorer que deux morts.

En définitive, le 28 mars 1886, les deux adversaires concluent un traité de paix et de commerce par lequel les Français reconnaissent l'autorité de Samory Touré sur un vaste royaume aux confins de leurs propres territoires.

En contrepartie, Samory Touré accepte, mais de façon purement formelle, le protectorat de la France sur son royaume. En signe d'allégeance, il envoie son fils préféré Dyaulé Karamogho à Paris. Celui-ci est reçu par le président Jules Grévy.

L'année suivante, en 1887, Samory Touré conclut un nouveau traité, à Bissandougou, avec le capitaine Gallieni (un futur maréchal de France). Par ce traité, il laisse aux Français toute liberté d'action sur une partie du Haut Niger.

Là-dessus, Samory doit affronter ses sujets animistes qui refusent qu'on leur impose l'islam. C'est la « guerre du refus ». Le conflit pénètre la famille du souverain et celui-ci en vient à faire exécuter son fils Dyaulé Karamogho, qu'il soupçonne de le trahir au profit des Français.

Le général Gouraud et Samory touré, illustration de l'ouvrage du général Gouraud, Souvenir d'un Africain - Au Soudan, éditions Pierre Tisné, 1939. Agrandissement : Samory Touré après sa capture, 29 septembre 1898. Photographie d'Henri Gaden.

La traque

Comme de bien entendu, les relations avec les Français se dégradent et la guerre reprend en 1891. Traqué, Samory Touré pratique la politique de la terre brûlée. Il ne laisse derrière lui que désolation pour décourager les Français de le poursuivre. Le colonel Archinard ayant conquis sa capitale, Kankan, il gagne avec son peuple le nord de la Côte d'Ivoire et établit sa nouvelle résidence à Dabakala.

Les choses semblent se tasser lorsqu'un fils de Samory attaque et massacre en février 1892 une colonne française commandée par le capitaine Ménard. Elle avait quitté Grand-Bassam pour la cité commerciale de Kong. L'année suivante, les Français lancent trois colonnes aux trousses de Samory.

En 1894, l'une d'elles, dirigée par le commandant Monteil, doit battre en retraite. Trois ans plus tard, en 1897, les troupes de Samory Touré s'emparent de la cité de Kong et la réduisent en cendres.

Capture sans gloire

Le sursis est de courte durée.

Quelques mois après, le capitaine Gouraud, accompagné d'une dizaine de soldats seulement, remonte vers le pays yacouba, à 450 km au nord-ouest d'Abidjan. C'est une région montagneuse assez semblable au piémont pyrénéen avec de petites plaines fertiles enclavées entre des collines. Il se fait guider par d'anciens esclaves de cette région, libérés par les Français.

Le vieux chef est surpris au petit matin, par temps de brouillard. Il doit faire sa reddition et, avec lui, plusieurs milliers d'hommes. Ce succès fait la Une des journaux parisiens et console (un peu) les Français de leur humiliation face aux Britanniques à Fachoda.

Déporté au Gabon, Samory Touré tente de se suicider et meurt deux ans plus tard, le 2 juin 1900. Ses cendres ont été rapatriées en 1968 par la Guinée du dictateur Sékou Touré.

Publié ou mis à jour le : 2023-09-25 12:46:54
Erik (30-09-2016 07:36:54)

C'était bien la peine de tuer 900 personnes pour finalement conclure les traités que ceux-ci proposaient avant la bataille...

IBRAHIMA TRAORE (25-07-2006 13:18:58)

Bonjour,
J'ai lu dans d'autres écrits que la destruction de Kong se situerait en 1898.
Meilleures salutations.

Respectez l'orthographe et la bienséance. Les commentaires sont affichés après validation mais n'engagent que leurs auteurs.

Actualités de l'Histoire
Revue de presse et anniversaires

Histoire & multimédia
vidéos, podcasts, animations

Galerie d'images
un régal pour les yeux

Rétrospectives
2005, 2008, 2011, 2015...

L'Antiquité classique
en 36 cartes animées

Frise des personnages
Une exclusivité Herodote.net