Le 9 décembre 1893, une bombe explose dans l'hémicycle de la Chambre des députés, à Paris. Panique, cris. Nombreux blessés... Cet attentat est une illustration spectaculaire de la violence anarchiste qui frappe l'Occident dans la dernière décennie du XIXe siècle. C'est une forme parmi d'autres du terrorisme qui jalonne l'Histoire, depuis les zélotes jusqu'au terrorisme islamique des années 2000.
De la tribune du Palais-Bourbon, le président Charles Dupuy lance dans le brouhaha ambiant : « Messieurs, la séance continue ! » Un instant plus tard, il ajoute avec l'emphase coutumière de l'époque : « Il est de la dignité de la Chambre et de la République que de pareils attentats, d'où qu'ils viennent et dont, d'ailleurs, nous ne connaissons pas la cause, ne troublent pas les législateurs ».
Auguste Vaillant, qui a lancé la bombe, est arrêté. Âgé de 33 ans, celui que l'on surnomme Marchal est un marginal : abandonné seul à Paris à 12 ans, il a accumulé les petits métiers avant de se lancer dans la lutte politique pour faire entendre « le cri de toute une classe qui revendique ses droits ». Comme il le souligne lors de son procès, il n'a pas cherché à tuer, et d'ailleurs la bombe n'a fait que des blessés.
Condamné à mort, il est exécuté le 5 février 1894. De sa mort naîtront une chanson, La Complainte de Vaillant, mais aussi une série de lois répressives (les « lois scélérates »), à l'initiative du parlementaire Jean Casimir-Perier... et une nouvelle vague d'attentats !
Un mois avant le drame de la Chambre, à Barcelone, un autre attentat s'est révélé autrement plus meurtrier. Le 7 novembre 1893, l'anarchiste catalan Santiago Salvador Franch (29 ans) a lancé deux bombes sur le public du théâtre Liceu, qui assistait à une représentation de Guillaume Tell, de Rossini. Vingt spectateurs sont tués !
Cette flambée d'anarchisme qui frappe les pays occidentaux prétend s'inspirer des enseignements de Proudhon et de Bakounine, penseurs en rupture avec le socialisme. Elle reflète en France un malaise marqué par le scandale de Panama, l'affaire Dreyfus, les menées chauvinistes et revanchardes, les rivalités coloniales avec l'Angleterre et la volonté d'en découdre avec l'Allemagne.
François Ravachol est l'une des premières figures de cette flambée terroriste. D'abord simple délinquant et criminel crapuleux, il rejoint l'anarchisme en 1891.
L'année suivante, il participe à quatre attentats à la dynamite en différents lieux de la capitale. Lors de son procès, il lance à la Cour : « La société est pourrie ». Il est guillotiné à 33 ans le 11 juillet 1892. C'est pour le venger que Vaillant se justifiera d'avoir posé une bombe à la Chambre !...
Les exploits de Ravachol vont aussi inspirer un autre anarchiste, Émile Henry. Ce jeune intellectuel brillant, recalé à l'oral de Polytechnique, est d'abord hostile au terrorisme aveugle mais modifie son jugement initial devant l'impact médiatique des attentats de Ravachol. Le 8 novembre 1892, il dépose une bombe à la société des Mines de Carmaux, à Paris. L'engin est repéré par un employé et transporté au commissariat de la rue des Bons Enfants. Là, il explose, tuant cinq policiers !
Henry frappe encore le 12 février 1894 les paisibles clients du café Le Terminus. Une vingtaine de personnes sont blessées et l'une d'elles décédera peu après. Arrêté, le terroriste, qui n'a encore que 21 ans, se justifie en lançant : « Il n'y a pas d'innocents !»
Condamné à la peine capitale, Henry est exécuté place de la Roquette, le 21 mai 1894. Sa détermination, doublée d'une absence quasi totale d'émotion, fait de lui selon Georges Clemenceau, le « Saint-Just de l'Anarchie ».
« Les risques du métier ! »
Un mois à peine après son exécution, le 24 juin 1894, un autre anarchiste, l'Italien Caserio, assassine le président Sadi Carnot à Lyon en réplique aux « lois scélérates » !
Caractéristique de cette époque que l'on qualifiera après la Grande Guerre de « Belle époque » avec un soupçon de nostalgie, l'anarchisme n'est pas limité à la France.
Les assassinats ciblés de personnalités médiatiques, de souverains et de gouvernants se multiplient jusqu'à produire un massacre général, avec l'assassinat d'un archiduc à Sarajevo, le 28 juin 1914...
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