30 septembre 1891

Suicide du général Boulanger, le « Général Revanche »

Le 30 septembre 1891, le général Georges Boulanger se suicide sur la tombe de sa maîtresse, à Ixelles, près de Bruxelles. C'est la fin d'une péripétie qui a fait craindre un moment que la République française ne soit renversée par un coup d'État.

André Larané

Un fringant militaire

Le général Georges Boulanger photographié par NadarNé en 1837 à Rennes, Georges Boulanger, jeune officier d'infanterie, gagne une Légion d'Honneur en combattant en Italie en 1859 contre les Autrichiens. Il est promu colonel pendant la guerre franco-prussienne mais s'illustre aussi de mauvaise façon dans la répression de la Commune, sans rechigner à l'exécution sommaire des captifs.

Il devint en 1880, à 41 ans, le plus jeune général de l'armée française et obtient une certaine renommée lors du centenaire de la bataille de Yorktown en 1881, où il dirige la délégation française et exige le retrait du drapeau allemand.

En 1882, il est nommé directeur de l'Infanterie et prend le commandement de la division d’occupation française en Tunisie.

En 1886, le leader du parti radical Georges Clemenceau fait de cet officier à la belle prestance un ministre de la Guerre. Le héros est applaudi à la revue du 14 juillet et chacun y va de sa chansonnette.

Il prend des mesures peu coûteuses et d'un bel effet, comme peindre les guérites en tricolore. Mais il remplace aussi le fusil Gras par le fusil Lebel, réorganise l’état-major, organise la mobilisation en cas de guerre rendue possible en deux jours au lieu de cinq, refond les services de renseignement (2e Bureau)… et en sous-main pose les prémices d’un rapprochement avec la Russie. Ce faisant, il ravive les espérances des ennemis de la République, des citoyens déçus par le régime des partis et de tous ceux qui rêvent d'une revanche militaire sur l'Allemagne, victorieuse en 1870

Mais le sens politique lui fait défaut quand, le chancelier allemand Bismarck ayant fait arrêter un commissaire de police français à la frontière, le ministre en appelle à une mobilisation partielle. Le président de la République Jules Grévy, inquiet de la tournure des événements, se défait du gouvernement et démet Boulanger de ses fonctions ministérielles le 18 mai 1887.

Popularité au zénith

Le général Boulanger (chromo de l'époque) Le général Georges Boulanger n'en devient que plus populaire. On le surnomme « brave général » ou « général Revanche ».

Ce titre de « Général Revanche » exprime assez bien ce qui fut la préoccupation principale, voire unique, de Boulanger. Il a connu la défaite de 1870-71, et en tant que militaire, l’humiliation qui l’a accompagnée ; il s’est efforcé d’en tirer et méditer les leçons. Toute sa préoccupation est donc de préparer la France à l’inéluctable revanche, ou faire en sorte qu’elle n’advienne pas.

Il le déclare dans une formule limpide: « Si je poussais à la guerre, je serais un fou ; si je n’y préparais pas, je serais un misérable. » C'est le sens des réformes qu'il a entreprises. « Pour mon compte, affirmait-il, plus patriote encore que soldat, je désire ardemment le maintien de la paix, si nécessaire à la marche du progrès et au bonheur de mon pays. C’est pour cela que dédaignant les attaques et fort du sentiment du devoir, je poursuis sans relâche la préparation à la guerre, seule garantie des paix durables. Il y a pour une Nation deux sortes de paix : la paix que l’on demande, et la paix que l’on impose par une attitude ferme et digne. Cette dernière est la seule qui nous convienne. »

Ses partisans forment une troupe hétéroclite de mécontents, de la gauche radicale à la droite bonapartiste ou monarchiste.

La crise économique dans laquelle est plongé le pays depuis les années 1880 contribue à la popularité du général et au rejet de la gauche dite « opportuniste » qui gouverne la France sans se soucier de réformes sociales. La mise à jour du scandale des décorations, par lequel le gendre de Jules Grévy aurait fait attribuer la Légion d'honneur à ses affidés, aggrave le discrédit des institutions républicaines.

Le poète Paul Déroulède, fondateur de la Ligue des Patriotes, et le journaliste Henri Rochefort, marquis de Rochefort-Luçay, figurent parmi les plus chauds soutiens de Georges Boulanger.

Dans une tentative de se défaire du trop séduisant général, le gouvernement l'expédie à Clermont-Ferrand. Le 8 juillet 1887, le jour de son départ à la gare de Lyon, ses admirateurs en délire tentent de le retenir et Boulanger doit monter à la sauvette sur la locomotive.

Il est mis à la retraite des cadres de l'armée, ce qui lui permet de se faire élire dans plusieurs départements dont Paris, le 27 janvier 1889, avec l'appui financier de la duchesse d'Uzès, riche héritière des champagnes de La Veuve Clicquot, de sensibilité monarchiste.

La fin du boulangisme

Les dirigeants de la IIIe République prennent la menace au sérieux. Ils craignent que le général ne marche sur l'Élysée et ne commette un coup d'État comme ses partisans le lui demandent. Le président Sadi Carnot, à peine élu, se prépare déjà à faire ses valises. Tout cela survient en pleine préparation des fêtes du centenaire de la Révolution, qui doivent consacrer le triomphe de la République avec l'Exposition universelle et la Tour Eiffel.

Heureusement pour les dirigeants de la IIIe République, Boulanger n'est pas du genre téméraire. Ce soir du 27 janvier 1889, la foule de ses partisans, rendue ivre par le parfum de la victoire, se masse devant le restaurant Durand, rue Royale, où se tient son héros. Elle l'invite à renverser la « gueuse » (la république). Boulanger hésite et tergiverse.

À minuit, il ne s'est encore pas décidé à sortir et franchir les quelques centaines de mètres qui le séparent de l'Élysée. Trop tard. Ses partisans s'étant dispersés, il choisit de retrouver dans une rue voisine sa maîtresse, la vicomtesse Marguerite de Bonnemains...

Pierre Tirard, appelé pour la deuxième fois à la Présidence du Conseil le 22 février 1889, en profite et reprend les choses en main. Avec son ministre de l'Intérieur Ernest Constans, il fait courir le bruit d'une arrestation imminente du général. Celui-ci, prenant son courage à deux mains, s'enfuit à Londres puis à Bruxelles, où il va rejoindre sa chère maîtresse, Mme Marguerite de Bonnemains, malade de la phtisie. Celle-ci meurt dans ses bras le 16 juillet 1891.

Ne se remettant pas de ce malheur, Boulanger la rejoindra dans la mort deux mois plus tard. À cette annonce, son ancien mentor Clemenceau dira qu'« il est mort comme il a vécu, en sous-lieutenant ».

Eugène Buland, Scène de propagande boulangiste, 1889

Publié ou mis à jour le : 2024-09-25 16:02:32
hubert (30-09-2018 21:12:03)

Pourquoi mort "piteuse"???
Rejoindre dans la mort sa maîtresse morte dans ses bras, c'est "piteux"?

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