Le 9 juin 1885, la Chine renonce à ses droits sur l'empire du Viêt-nam par le traité de Tien-Tsin (aujourd'hui Tianjin). Ce « traité de paix, d'amitié et de commerce » met fin à la guerre franco-chinoise de 1881 à 1885. Deux ans plus tard, la France constituera l'Indochine en réunissant ses colonies et protectorats de l'Annam, du Tonkin, de la Cochinchine, du Laos et du Cambodge.
Deux ans plus tôt, par le traité de Hué du 25 août 1883, la France de Jules Ferry avait imposé son protectorat à l'empereur du Viêt-nam mais la Chine voisine avait contesté ce traité. Ses troupes irrégulières présentes au Tonkin, les « Pavillons noirs », n'avaient dès lors cessé de mener la vie dure aux troupes françaises.
En février 1885, deux brigades se dirigent vers le haut Tonkin et occupent sans trop de mal Lang Son, une petite ville proche de la frontière chinoise. Tandis que l'une des deux brigades se retire, l'autre lance une attaque contre les troupes chinoises installées plus au nord. Mais le général de Négrier qui la commande est bientôt blessé. Son remplaçant, le lieutenant-colonel Herbinger, victime de la malaria, décide en mars 1885 de replier ses troupes de Lang Son pour éviter un encerclement par les Chinois.
Bien que sans signification sur le plan militaire, l'affaire (le « désastre de Lang-son ») est montée en épingle à la Chambre des députés, à Paris. Les radicaux groupés autour de Georges Clemenceau dénoncent la politique coloniale de Jules Ferry, surnommé pour l'occasion « Ferry-Tonkin » et même accusé de haute trahison pour avoir engagé des troupes sans bien en informer les députés.
Le 30 mars 1885, au lendemain d'une immense manifestation populaire devant le Palais-Bourbon (la Chambre des députés), le gouvernement est renversé par 306 voix contre 149. Jules Ferry ne reviendra plus jamais au gouvernement.
Son successeur Henri Brisson n'en poursuit pas moins la conquête du Tonkin et de l'Annam et arrive à signer avec la Chine le traité par lequel cette dernière reconnaît le protectorat de la République française sur l'Annam et le Tonkin.
Cela ne met pas fin aux révoltes. Dans les forêts et les montagnes qui entourent le delta du Fleuve Rouge, des partisans déçus de la dynastie lancent l'« insurrection des lettrés » ou Cam Vuong. Environ 40 000 chrétiens locaux sont massacrés. Un ordre précaire s'établit seulement en 1891.
Dès 1887, la France réunit ses possessions du Sud-Est asiatique dans une Union indochinoise (le mot Indochine est créé à cette occasion).
Les trois provinces de l'ancien empire du Viêt-nam, qui avaient été unifiées par l'empereur Gia Long, fondateur de la dynastie des Nguyen, se retrouvent à nouveau séparées sur un plan administratif. Il s'agit des trois Ky :
• le Tonkin au nord, traversé par le Fleuve Rouge (Song Koï),
• l'Annam au centre, essentiellement montagneux,
• la Cochinchine au sud, constituée par le delta du Mékong.
En 1893, le Laos, petit pays montagneux en amont du Mékong, s'ajoute aux possessions françaises de Cochinchine, Annam, Tonkin et Cambodge. C'est l'aboutissement d'un processus de conquête entamé en 1859 avec la prise de Saigon.
Enfin maîtresse de tout l'empire du Viêt-nam, la France coloniale modernise activement le pays. Ses représentants, des amiraux, superposent à l'administration indigène une administration française composée d'officiers de marine. Ils créent aussi un collège d'interprètes et des bataillons annamites.
L'écriture chinoise est remplacée par le quoc ngu (transcription latine) imaginé au XVIIe siècle par le missionnaire jésuite Alexandre de Rhodes. Une partie notable de la population pratique le christianisme, et une nouvelle religion syncrétique voit le jour, le Cao Dai.
L'Indochine devient rapidement la seule colonie française véritablement prospère grâce à ses exportations de riz et, plus tard, de caoutchouc. Les plantations d'hévéa sont prospères mais concurrencées par celles des Indes néerlandaises et de Malaisie. Des instituts Pasteur voient le jour à Saigon et Nâ Trang, sous l'impulsion du docteur Alexandre Yersin, le découvreur du bacille de la peste. Une voie ferrée est aussi construite tout le long de la route impériale et s'enfonce dans le Yunnan chinois vers les sources du Mékong.
Au total, en 1910, l'Indochine, forte de plusieurs millions d'habitants, compte tout au plus vingt mille Européens, militaires, fonctionnaires, missionnaires, commerçants ou colons. Ils vivent essentiellement dans les principales villes, Saigon-Cholon et Hanoi. Le reste du pays, villages et petites villes, demeure administré comme par le passé par les élites vietnamiennes traditionnelles. En-dehors de la région de Hué, ancienne capitale impériale, où sont nombreux les lettrés, la colonisation rencontre assez peu d'opposition.
Cela dit, même si une poignée de colons s'enrichissent dans les plantations, l'Indochine coûte cher à la métropole (c'est aussi le cas de toutes les autres colonies françaises). C'est au point qu'en 1902, le gouvernement décide de ne plus financer les frais d'occupation et d'administration. Ceux-ci sont dès lors financés par un impôt prélevé sur les Indochinois eux-mêmes.
Quand arrive la Grande Guerre (1914-1918), 43 500 indigènes indochinois sont envoyés sur le front ; 50 000 autres sont employés comme ouvriers en France. Beaucoup d'entre eux en profitent pour s'initier aux mouvements revendicatifs.
Cependant les humiliations imposées aux indigènes par une administration tatillonne et profiteuse sont très mal acceptées. Les mouvements insurrectionnels ne cessent pas. Dans un premier temps, ils prennent une forme traditionnelle et sont parfois appuyés par l'empereur, finalement déposé et exilé.
À partir des années 1920, le mouvement bolchevique suscite des émules chez les intellectuels du pays, en relation avec le Komintern (internationale communiste) et le Kuomintang (parti nationaliste chinois). Parmi eux, un instituteur communiste et anticolonialiste qui restera dans l'Histoire sous son surnom : Hô Chi Minh.
À la veille de la Seconde Guerre mondiale, la présence coloniale en Indochine demeure peu visible, avec environ 30 000 Français pour 22 millions d'habitants ; essentiellement des fonctionnaires, des planteurs et des négociants.
En 1941, suite à l'effondrement de l'armée française face à la Wehrmacht, l'armée japonaise, alliée des Allemands, occupe la colonie sans violence notable. Elle maintient l'administration coloniale mais ne ménage pas la propagande anticolonialiste auprès des indigènes. En 1945, elle change brusquement d'attitude et désarme les troupes françaises au prix de brutaux massacres. C'est le début de la fin de la présence française en Indochine.
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Aucune réaction disponible