Le 10 septembre 1880, sur les bords du fleuve Congo, Pierre Savorgnan de Brazza conclut un traité en plusieurs exemplaires avec le chef traditionnel des Batékés.
Par ce traité auquel l'Africain ne comprend goutte, la République française établit son protectorat sur un vaste territoire qui fait aujourd'hui partie du Congo-Brazzaville.
Habilement relayé par la propagande officielle, ce succès obtenu sans combat va nourrir dans le pays de Jules Ferry le mythe de la « mission civilisatrice » de la France.
Le jeune Brazza (28 ans), Français d'adoption, devient l'objet d'un véritable culte républicain et l'on se plait à opposer sa magnanimité à la brutalité de Stanley, un Britannique au service du roi des Belges, avec lequel il est entré en concurrence dans le bassin du Congo.
À Paris, le traité entre Brazza et le Makoko-Iloô est ratifié le 18 septembre 1882 par la Chambre des députés, dans l'enthousiasme. C'est qu'entre temps, Jules Ferry a converti une bonne partie des élites républicaines au principe de la colonisation.
Brazza, présenté comme l'ami des Noirs et le libérateur des esclaves, est nommé commissaire du gouvernement dans l'Ouest africain puis, de 1886 à 1897, commissaire général au Congo. Il jette les bases de la future Afrique Équatoriale Française : Congo, Gabon, Oubangui-Chari (aujourd'hui Centrafrique), Tchad et Cameroun...
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Bernard VACHÉ (10-09-2018 15:19:33)
Le rapport de la mission d'inspection de 1905 (accablant : on comprend qu'il ait été escamoté) a été retrouvé par Catherine Coquery-Vidrovitch et Dominique Bellec et vient de faire l'objet d'une bande dessinée "Le rapport Brazza" de Vincent Bailly et Tristan Thil chez Futuropolis.
Jean Loignon (10-09-2018 14:55:14)
A l'intention de Gilles : Henry Morton Stanley né John Rowlands est né et mort britannique.
Jean Loignon (10-09-2018 14:48:29)
Suite à la devinette de la Lettre d'Hérodote.net de ce lundi 10, concernant Pierre Savorgnan de Brazza, né Italien et français par choix, je mentionnerai également l'officier François-Joseph-Amédée Lamy (1858-1900) qui donna son nom à Fort-Lamy, future capitale du Tchad, rebaptisée N'Djamena en 1973.
Gilles (12-06-2018 21:51:00)
Je retrouve avec plaisir les lectures de mon enfance. Tous ces grands explorateurs français étaient en réalité des humanistes à part Stanley qui était belge. Nous sommes loin des abus coloniaux que les idéalistes d'aujourd'hui veulent nous faire accroire. Comment ne pas admirer leur courage et ne pas voir les bienfaits cvilisationnels apportés dans cette Afrique soumise aux guerres incessantes et à l'esclavage endogène. Merci pour cette évocation.
GM
Jean MARTIN (06-10-2006 00:58:21)
Le traité avec le Makoko était sans doute"abusif et illégal" mais ce n'est pas le sergent Malamine qui assurait les fonctions d'interprête. Ce dernier était le Gabonais Ossiah, qui parlait la langue des Téké. Le traité avait été (fort mal) rédigé par Brazza. Le texte dit que le Makoko approuve la cession faite par le chef Ngampey, mais Ngampey qui s'était déclaré favorable à un établissement français, n'avait aucune qualité pour céder un territoire. Il s'agit d'une monarchie sacrale et le Makoko n'avait que des pouvoirs très limités, notamment celui de présider une cour de justice. Il ne devait pas sortir de son village, sinon en hamac (Tipoye), et ne devait en aucun cas s'approcher du fleuve. Le principal chef était le Ngé Illino, espèce de maire du palais, qui avait le privilège de remettre les insignes de la royauté au Makoko lors de son avènement (à l'époque le chef Mpoco Ntaba) et le Makoko qui n'avait même pas de territoire en propre, résidait sur les terres de ce dernier. Il y avait aussi le Muidzu qui avait sa propre cour de justice. Le Makoko n'était pas le roi de tous les Téké mais il était le seul roi chez les Téké (Tyo). Il n'avait que quelques milliers de "sujets". Le sanctuaire de la monarchie se trouvait aux chutes de Mbaaw, non loin de la Léfini. Les textes de Brazza et de Mgr Augiourd montrent bien que le Makoko n'était que le petit roi d'un très petit royaume.
On peut toujours se reporter à mon ouvrage "Savorgnan de Brazza, une épopée aux rives du Congo"
POL JACOB (04-09-2006 20:06:04)
Conernant la critique de la colonisation, critique faite à ce jour, je constate que cela est très facile! Mais il faut se mettre dans l'époque où elle a eu lieu et elle n'était PAS du tout considérée comme "mauvaise", "contraire aux droits de l'Homme" (les habitants de nos contrées n'en avaient pas plus!!!!). Pour Jocelyne, elle n'a certainement pas à rougir de l'action de son père, pas plus que moi d'ailleurs dont le père a été conducteur de travaux (pistes, écoles, hôpitaux, routes, ... au Congo belge! Quant à l'intellectuel que je qualifierai de "surmené" de Ndoi, avant de faire le malin et de s'épancher sur l'horreur de la colonisation, qu'il se renseigne un peu mieux sur la naissance du lingala qui N'est PAS du tout une langue "native" des Bantous mais tout simplement un méli-mélo, un "pindjin" réalisé par les Pères Blancs d'Afrique (c-à -d du Congo ex-Belge) et qui a servi de langue "véhiculaire" dans la région (il y a des mots de français, de swahili, de portugais (Kopo), de flamand (beta = bed = le lit), et autres....! Avant de "s'exciter", il faut savoir de quoi on parle!
Josselyne (03-09-2006 21:36:50)
Le terme "roitelet" n'est pas péjoratif, il caractérise simplement le roi d'un petit état. Question cependant, le royaume Teke peut-il etre considéré comme un petit état ?
Par contre,étant née à Brazzaville en 1953, fille de militaires, j'ai entendu le terme de "batéké" dans la bouche de mon père sans en connaitre l'origine (ce qui est chose faite) et tout en déplorant que ce mot ait été employé par les colonisateurs et leurs descendants d'une manière péjorative.On ne refera pas l'histoire mais il est certain que le traité du 10 septembre 1880 fut abusif et complètement illégal.
Ndoi (02-06-2006 12:30:33)
Roitelet : "Roi d'un petit État; roi peu puissant, de peu d'importance" selon le dictionnaire en ligne de l'ATILF.
Je suis surpris de trouver, sur un site se réclamant d'Hérodote, ce mot appliqué au souverain Teke. D'après mes souvenirs, l'entité politique gouvernée par le Makoko n'était pas une autocratie, avait une structuration certaine par rapport aux autres pouvoirs dans la région. De plus, le royaum Teke rayonnait sur un vaste territoire (de l'Est du Gabon actuel jusqu'au centre de la RDC actuelle, à cheval sur le fleuve Congo).
Par ailleurs, le mot "roitelet" recèle une connotation péjorative évidente, issue de l'idéologie coloniale. "Roi nègre", "roi de pacotille", on est dans "Tintin au Congo". Le préjugé raciste de l'inexistence des entités politiques précoloniales plane sur votre énoncé.
On ne peut pas supposer a priori la débilité de ce pouvoir ou la faiblesse de son détenteur (le Makoko Iloo Mboulignaoh), il faut le démontrer. On ne peut pas prendre de la distance et faire de l'histoire si on utilise un discours idéologiquement chargé.
Enfin, vous ne faites pas mention du caractère illégal de ce Traité du 10 septembre 1880, signé sans interprète Teke ou lingalophone (le sergent Malamine présent lors de la signature parlait Wolof, mais aucune langue bantoue). De point de vue juridique, il ne peut qu'y avoir vice du consentement.