Le 29 mars 1880, le ministre de l'Instruction publique Jules Ferry prend deux décrets par lesquels il ordonne aux Jésuites de quitter l'enseignement dans les trois mois.
Fervent républicain athée et franc-maçon issu d'une riche famille de libres penseurs de Saint-Dié (Vosges), Jules Ferry donne aux enseignants des congrégations catholiques le même délai pour se mettre en règle avec la loi ou quitter aussi l'enseignement. Ces mesures viennent en réaction aux excès de la loi Falloux, votée trente ans plus tôt sous la IIe République, qui accordait aux congrégations religieuses une liberté totale d'enseignement.
5 000 congrégationnistes sont presque aussitôt expulsés sans ménagement excessif et certains municipalités anticléricales font du zèle en expulsant aussi les religieuses qui se dévouent dans les hôpitaux.
Cette laïcisation à marches forcées de l'enseignement provoque de violents remous et oblige le président du Conseil Charles de Freycinet à démissionner le 19 septembre 1880. Il est remplacé à la tête du gouvernement par... Jules Ferry lui-même.
Le nouveau chef du gouvernement en profite pour compléter l'application de ses décrets. Le 21 décembre 1880, le député Camille Sée, ami de Jules Ferry, fait passer une loi qui ouvre aux filles l'accès à un enseignement secondaire public où les cours de religion seront remplacés par des cours de morale. L'année suivante, il fait voter la création de l'École Normale Supérieure de Sèvres en vue de former des professeurs féminins pour ces lycées. L'Église n'a plus désormais le monopole de la formation des filles.
Jules Ferry établit par ailleurs la gratuité de l'enseignement primaire par la loi du 16 juin 1881 et le rend laïc et obligatoire par la loi du 29 mars 1882. L'enseignement primaire, public, gratuit et obligatoire, devient le fer de lance de la IIIe République. Ses thuriféraires exaltent les « hussardsnoirs de la République », modestes et dévoués instituteurs qui préparent les écoliers à devenir de bon citoyens et de fervents patriotes.
La laïcisation de l'enseignement, soulignons-le, n'a rien à voir avec la généralisation de l'instruction primaire. Celle-ci a été engagée par François Guizot, ministre de Louis-Philippe 1er, et Victor Duruy, ministre de Napoléon III, donc bien avant Jules Ferry. En 1870, lors de l'avènement de la IIIe République, 78% des hommes et 66% des femmes sont déjà en mesure de signer leur registre de mariage (et donc considérés comme sachant lire et écrire).
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Ty bihan (29-03-2024 05:07:08)
En réponse à Yves Petit, nous savons aujourd' hui quelle fut l' attitude de ces religieux qui enseignaient les petits Canadiens. Les procès pour exactions ont eu lieu et certains sont en cours. Il ... Lire la suite
Ty bihan (29-03-2024 05:03:31)
A Tréguier, c' est normal, Ernest Renan veillait au grain. Des années plus tard, en 1905, le feu n' était pas éteint et il a fallu envoyer les pompiers à Nantes pour faire respecter la loi, face ... Lire la suite
Ty bihan (29-03-2024 04:59:14)
Merci pour cette article. L' église catholique à quand même fait de la résistance en Bretagne , dans le système éducatif et dans le système hospitalier. Il a fallu attendre 1950 pour " qu' ils ... Lire la suite
Jacques Groleau (27-03-2024 20:00:52)
Certes, Jules Ferry fut un "grand homme d'état". Mais l'expulsion des "congréganistes", et plus encore de membres de quelques ordres soignants, fut une calamité injustifiée. L'un de mes arrière-... Lire la suite
Yves Petit (30-03-2022 13:56:41)
On peut remercier les anti-cléricaux français de la fin du 19e siècle et du début 20e pour leur aide à la scolarisation des jeunes Canadiens de cette période et bien au-delà . Des milliers de re... Lire la suite
Arnaud VERBRAKELE (29-03-2016 15:02:48)
Salutaire rappel!
Alain NEBOUT (08-09-2006 20:51:37)
Bravo pour cette évocation de Jules Ferry et de son oeuvre ! Il doit souvent se retourner dans sa tombe de se voir trahi par des politiques qui se prétendent laïques et républicains (je pense not... Lire la suite