5 janvier 1875

La République s'offre un Opéra impérial

Le 5 janvier 1875 a lieu la représentation inaugurale de l'Opéra de Paris en présence du président de la République, le maréchal de Mac-Mahon, de la reine mère d'Espagne, du lord-maire de Londres ainsi que d'environ 2 500 spectateurs. L'architecte Charles Garnier n'a pas été invité et a dû payer sa place. Il n'en est pas moins acclamé par le public.

Le Grand escalier de l'Opéra (Louis Béroud, 1877, musée Carnavalet, Paris)

Malédictions princières

L'Opéra-Garnier est la treizième salle d'opéra construite à Paris depuis la fondation de cette institution par Louis XIV en 1669.

En 1781 a été hâtivement construite la salle de la Porte-Saint-Martin. Vient la salle Montansier en 1794, dans la rue de la Loi (aujourd'hui square Louvois). Pour la première fois, dans cette salle, les spectateurs sont assis.

L'opéra devient au XIXe siècle le divertissement mondain par excellence. Il reçoit régulièrement les souverains et la haute société. L'écrivain Théophile Gautier (1811-1872) le qualifie avec justesse de « cathédrale mondaine de la civilisation ».

Rien d'étonnant donc à ce que des terroristes y commettent leurs exploits. Cela commence le 24 décembre 1800 avec une machine infernale qui vise le cortège du Premier Consul Napoléon Bonaparte, sur le chemin des Tuileries à l'Opéra.

Plus grave, le 13 février 1820, le duc de Berry, neveu et héritier du roi Louis XVIII, est assassiné sur les marches de l'Opéra. Les autorités décident de déplacer l'Opéra en un autre lieu. Ce sera la salle Favart, puis la salle Louvois, enfin, en 1821, la salle Le Peletier, dans la rue du même nom.

Le 14 janvier 1858, nouveau drame. Au sortir de la salle de la rue Le Peletier, le cortège de Napoléon III est atteint par les bombes du terroriste Felice Orsini. On relève huit morts. L'empereur décide illico de faire reconstruire l'Opéra en un lieu plus sûr et bien dégagé. Ce sera l'extrémité nord de l'avenue du Palais Royal (aujourd'hui avenue de l'Opéra), dans le quartier des affaires et du commerce, alors en plein développement, près du Grand Hôtel.

Un style déroutant pour une époque fastueuse

Pour la première fois, la commande fait l'objet d'un concours d'architecture. Parmi 171 projets en compétition, le favori est celui d'Eugène Viollet-le-Duc, protégé de l'impératrice Eugénie. Contre toute attente, c'est le projet de Charles Garnier, un inconnu de 35 ans (note), qui remporte les faveurs du jury présidé par le prince Walewski.

Selon ses propres mots, l'architecte a voulu concevoir un « monument à l'art, au luxe, au plaisir ». À l'impératrice qui lui demande de quel style il s'agit, il répond : « Mais... du Napoléon III, Madame ! ».

Son oeuvre, surnommée Opéra-Garnier ou Palais Garnier, reste le principal représentant du style architectural Napoléon III, baroque et fantasque, à l'image du mode de vie joyeux et festif de la haute société du Second Empire. On en retrouve des éléments dans les réalisations postérieures de la Troisième République (le Grand Palais par exemple).

Ce style se rattache à un courant artistique en vogue dans toute l'Europe : l'historicisme (ainsi nommé parce qu'il emprunte aux styles du passé).

La construction de la nouvelle salle est engagée en 1860 par le baron Georges-Eugène Haussmann, préfet de la Seine. Elle se heurte à de nombreuses embûches, à commencer par la présence d'une nappe d'eau souterraine sur laquelle l'architecte doit asseoir les fondations de l'immeuble. Cette réserve d'eau servira plus tard de cadre au roman de Gaston Leroux, Le fantôme de l'Opéra.

Pendant la guerre franco-prussienne de 1870-1871, le bâtiment inachevé est transformé en magasin. Charles Garnier doit ensuite composer avec les crédits que lui alloue chichement la IIIe République. Mais l'incendie de la salle Le Peletier, le 28 octobre 1873, donne un coup de fouet aux travaux et permet de boucler enfin le chantier quinze ans après son ouverture.

Escalier de l'Opéra Garnier.

Large de cent mètres et haute de soixante, la façade compte sept arcades monumentales ornées de sculptures allégoriques comme La Musique et La Danse de Carpeaux. Le dôme est lui-même couronné de groupes sculpturaux spectaculaires. À l'intérieur, on admire surtout le grand escalier d'honneur et ses trente colonnes monolithes en marbre.

La salle de spectacle rouge et or accueille 2130 spectateurs avec orchestre et balcons en demi-cercle autour d'une scène à l'italienne. Le plafond a été décoré en 1965 par le peintre Marc Chagall, sur une commande du ministre des affaires culturelles André Malraux.

Dans les années 1980, le palais Garnier a été déclassé au profit de l'Opéra-Bastille, construit par Carlos Ott. Il est officiellement devenu le Palais de la Danse.

Camille Vignolle
Publié ou mis à jour le : 2024-05-17 14:07:11
GALLET (05-01-2018 11:14:09)

Petite précision sur cet intéressant article : la salle de spectacle de l'Opéra Garnier n'est pas proprement en demi-cercle, mais dite " en fer à cheval ".

Magali (06-01-2017 12:52:25)

Bonjour,
article intéressant mais c'est Gaston Leroux qui a écrit le fantôme de l'opéra et non Gustave Leroux

PhGRX (03-01-2016 16:50:39)

Charles Garnier serait aussi l'auteur des plans du Grand Hôtel et celui-ci aurait été sa carte de visite pour emporter la commande de l'Opéra... à vérifier

Jacques Bernard (31-03-2009 11:04:48)

Bravo pour cet intéressant article, un peu trop succinct à mon goût.Vous savez que le plafond de Chagall est loin de produire l'unanimité. A l'opposé, les fresques de Paul Baudry - dont vous ne parlez pas - donnent au foyer d'incontestables lettres de noblesse artistique.

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