Le 28 mai 1871, au terme d'une Semaine sanglante, la Commune de Paris n'existe plus... Au prix de plusieurs dizaines de milliers d'exécutions et d'arrestations, Adolphe Thiers pourra se flatter d'avoir débarrassé le pays de la « question sociale ». Celle-ci sera en effet absente de la scène politique française jusqu'en 1936.
Dix semaines plus tôt, le 18 mars, effrayés par quelques émeutes, le gouvernement et les corps constitués avaient déserté Paris pour Versailles. Un mouvement insurrectionnel improvisé avait alors assumé le pouvoir dans la capitale sous le nom de Commune de Paris.
Le chef du pouvoir exécutif Adolphe Thiers prépare méthodiquement la reconquête de la capitale. Ne disposant au départ que de 40 000 hommes, il obtient du chancelier allemand Bismarck la libération anticipée de 60 000 soldats, mais ceux-là ne sont pas tous disposés à repartir au combat contre leurs compatriotes. Les effectifs sont donc renforcés par le recrutement de beaucoup de campagnards formés à la hâte et préparés psychologiquement à affronter la « canaille rouge ».
Après les escarmouches des 2 et 3 avril 1871, le maréchal Mac-Mahon (celui-là même qui a été défait à Sedan par les Prussiens) peut enfin disposer contre la capitale cinq corps d'armée d'un total de 130 000 hommes. Notons que certains officiers républicains comme le défenseur de Belfort Pierre Denfert-Rochereau refusent de participer à la curée. Les Communards ne peuvent aligner quant à eux qu'environ 20 000 fédérés.
Peu confiant en ses troupes, Mac-Mahon attaque avec prudence à partir du 11 avril. Après s'être emparé des forts de Vanves et d'Issy, il lance enfin l'assaut décisif le 21 mai en profitant d'une brèche dans le saillant du Point-du-Jour, à Boulogne. Thiers lui impose une progression lente et prudente dans les rues de Paris. Cette lenteur est propice à l'exacerbation des passions et aux excès de toutes sortes.
Le Rappel, feuille républicaine fondée par Victor Hugo, Henri Rochefort, Paul Meurice et Auguste Vacquerie, ne craint pas de se déclarer pour Paris, contre Versailles. Dans son édition du 23 mai 1871, il relate l'avancée des troupes versaillaises dans la capitale... (source : BNF, Retronews).
« L'heure de la guerre révolutionnaire a sonné. Le peuple ne connaît rien aux manoeuvres savantes. Mais quand il a un fusil à la main, du pavé sous les pieds, il ne craint pas les stratégistes de l'école monarchistes, » proclame avec emphase Charles Delescluze, nouveau délégué à la Guerre. Il a succédé le 10 mai à Louis Rossel, accusé de trahison et arrêté pour n'avoir pas défendu le fort d'Issy et publié une lettre de démission « d’un commandement où tout le monde délibère et où personne n’obéit. »
Au bout de trois jours, la moitié ouest de la capitale est tombée aux mains de l'armée gouvernementale. Les quartiers populaires de l'Est continuent de résister malgré la défaite inévitable. Charles Delescluze, désespéré, monte en redingote le 25 mai sur une barricade de la place du Château-d'Eau, aujourd'hui place de la République. Il est immédiatement tué. La place est prise le lendemain, de même que la place de la Bastille. Le quartier de Belleville, à l'est, est le dernier à tomber, après de violentes canonnades.
Le 27 mai, les troupes gouvernementales investissent le parc des Buttes-Chaumont et le cimetière du Père-Lachaise où l'on se bat au corps à corps entre les tombes. La dernière barricade tombe le lendemain après-midi. Mac-Mahon, plus fier qu'à Sedan, peut proclamer : « Paris est délivré. L'ordre, le travail et la sécurité vont renaître » (note).
Les combats de rue auront fait au total environ 4 000 tués (877 du côté des troupes versaillaises).
S'ajoutent à ce bilan les victimes de la répression car, à l'arrière, des liquidateurs tuent méthodiquement les suspects. Une vingtaine de « cours prévôtales » jugent hâtivement les hommes et les femmes pris les armes à la main et les font fusiller sur place.
Plusieurs « abattoirs » improvisés servent de lieu d'extermination. Le « mur des Fédérés », au cimetière du Père Lachaise, conserve le souvenir des 147 malheureux qui auraient été fusillés à cet endroit et du millier de cadavres qui furent ensevelis dans une fosse voisine (notons que le mur n'existait pas encore au moment desdits événements).
Dans les longues files de prisonniers qui sont conduites vers les prisons de Versailles, le général marquis de Gallifet repère les hommes aux cheveux gris et les fait fusiller dans le fossé, les suspectant d'avoir déjà participé aux émeutes de juin 1848.
Face au déchaînement de violence, les Communards ripostent le 24 mai 1871 en sortant de sa prison l'archevêque Monseigneur Darboy et en le fusillant avec quatre autres ecclésiastiques et un badaud malchanceux. Rigault et divers autres blanquistes fusilleront au total une centaine de prisonniers.
Le 25 mai, la populace massacre aussi cinq prêtres dominicains et huit de leurs employés dans un couvent du XIIIe arrondissement. Le 26 mai, dans la rue Haxo, à Belleville, une cinquantaine de personnes sont également massacrées. Autant de crimes inexcusables... mais hors de proportion avec ceux commis par l'armée gouvernementale.
Les combats dans la capitale se déroulent sur fond d'incendies. Les premiers sont occasionnés par les bombardements depuis le Mont-Valérien. Ensuite, les Communards eux-mêmes allument des incendies pour retarder l'avance ennemie, notamment dans la rue de Rivoli et les rues adjacentes. Il s'en trouve aussi pour incendier sciemment certains monuments illustres...
C'est ainsi que partent en fumée le palais des Tuileries, le palais de Justice gothique (la Sainte Chapelle est épargnée par miracle), l'Hôtel de Ville hérité de la Renaissance, le Palais-Royal et le palais d'Orsay (les ruines de celui-ci seront réhabilitées en gare pour l'Exposition universelle de 1900 avant de devenir l'actuel Musée d'Orsay). De précieuses collections d'art et des archives sans prix disparaissent pendant cette Semaine Sanglante.
Ces destructions vont priver Paris de quelques fleurons de son patrimoine architectural... Aujourd'hui, dans cette capitale qui s'honore d'un très illustre passé, il n'y a plus guère de monument qui remonte au-delà du XVIIe siècle, mis à part le palais du Louvre, Notre-Dame et quelques églises du centre.
Massacres et incendies, diligemment rapportés par la presse, vaudront à la Commune l'hostilité de beaucoup d'écrivains libéraux (Victor Hugo, Anatole France, George Sand, Émile Zola). Le vieil historien Jules Michelet, apprenant à Florence l'incendie de l'Hôtel de Ville, eut ce mot : « Quand on s'est appelé la Commune de Paris, on n'en détruit pas le vivant symbole. »
Il faudra plusieurs décennies avant que les républicains français ne soldent l'effroyable bilan de la tragédie et que la Commune de Paris trouve sa place dans l'Histoire.
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Voir les 10 commentaires sur cet article
marquette Jacques Léopold (30-05-2021 16:26:06)
Quand on veut gagner une guerre tous les moyens sont bons/ On oublie que " malheur aux vaincus" tout le reste est littérature/ Après 1793, il fallait que cela arrive./ La tranquillité fut acquise j... Lire la suite
Houmeau (20-03-2018 09:05:31)
« Malgré certaines apparences et malgré leur uniforme, les bataillons fédérés n’étaient point une armée ; c’était une multitude indisciplinée, raisonneuse, que l’alcoolisme ravageait. ... Lire la suite
Marcel Quevrin (10-07-2015 23:29:52)
Incroyable :les Prussiens arrêtent leur avance.Plus de combats, plus de pertes,libèrent des prisonniers pour que les Français se battent entre eux donc fassent leur travail...Du jamais vu !!!