Le 10 mai 1871, Jules Favre et Adolphe Thiers concluent au nom de la France un traité de paix avec l'Allemagne à l'hôtel du Cygne, à Francfort (Allemagne). Ce traité met fin à la guerre franco-prussienne enclenchée le 19 juillet 1870 par les maladresses de Napoléon III et de son gouvernement.
En enlevant à la France l'Alsace et une partie de la Lorraine, le chancelier Bismarck va éloigner tout espoir de réconciliation entre les deux nations. Les deux guerres mondiales du XXe siècle en résulteront pour partie...
Au quartier-général allemand de Ferrières, les 19-20 septembre 1870, le ministre des Affaires étrangères Jules Favre a compris que le chancelier Bismarck et les gouvernants allemands resteraient inflexibles sur leur objectif d'annexer l'Alsace et une partie de la Lorraine.
Le 28 janvier 1871, le gouvernement de la Défense nationale, issu de la proclamation de la République, a signé un armistice qui a mis fin aux combats pour une durée de quatre semaines. Une Assemblée nationale a été élue dans la foulée. Elle a désigné Adolphe Thiers comme « chef du gouvernement exécutif de la République française ». Sa première mission fut de préparer le traité de paix définitif avec l'empire allemand.
Adolphe Thiers se rend avec Jules Favre au château de Versailles, où réside provisoirement l'empereur allemand Guillaume Ier, pour discuter du futur traité avec von Moltke, son chef d'état-major, et Bismarck, son chancelier.
Pour les Allemands, la cession des deux départements alsaciens est une revendication incontournable, l'Alsace étant une ancienne terre du Saint Empire romain germanique conquise par Louis XIV deux siècles plus tôt .
Les Français se voient réclamer aussi Metz et la Lorraine du nord bien que ces terres de culture française n'aient aucun motif d'appartenir à l'Allemagne. Cette revendication territoriale a surgi dès le début de la guerre. Elle a été voulue par le roi Guillaume Ier comme par l'ensemble des officiers et le chef d'état-major von Moltke, comme une juste compensation pour tous les sacrifices de la guerre ! Le chancelier Bismarck, homme d'état avisé, est conscient qu'elle empêcherait toute réconciliation entre les deux pays mais lui-même s'est laissé aveugler par sa haine de la France et n'a pas tenté de s'y opposer comme il s'était opposé à toute annexion aux dépens de l'Autriche après la victoire de Sadowa.
Le chancelier ajoute à ces revendications territoriales une indemnité de guerre chiffrée à six milliards de francs de l'époque. C'est une somme colossale qui équivaut à plus du quart du produit intérieur brut (PIB) de la France de cette époque. L'indemnité est réduite à cinq milliards (en bon bourgeois, Thiers confiera plus tard qu'il est toujours possible de récupérer des provinces perdues mais que les milliards envolés le sont à jamais!). Il est convenu que les troupes d'occupation se retireront à mesure que sera versée l'indemnité.
Au terme d'épuisantes négociations, Thiers obtient que la place forte de Belfort, qui a résisté au-delà de l'armistice, soit conservée à la France en échange du droit pour les Allemands de défiler à Paris à partir du 1er mars 1871 et jusqu'à la ratification du traité par les élus français.
Les préliminaires de paix sont enfin signés le 26 février 1871. En France, la consternation le dispute à la résignation et à la révolte.
Sitôt l'accord en poche, Jules Favre et Adolphe Thiers se rendent à Bordeaux et obtiennent de l'Assemblée nationale qu'elle ratifie dans l'urgence le document. C'est chose faite le dimanche 2 mars, soit un jour tout juste après la date prévue pour le défilé de la victoire des troupes allemandes. La signature officielle pourra se conclure à Francfort le 10 mai 1871.
Plusieurs députés de Paris, hostiles au traité, démissionnent séance tenante : Léon Gambetta, Victor Hugo, Félix Pyat, Henri Rochefort et l'ouvrier Benoît Malon.
En guise de protestation, du 24 février, anniversaire de la Seconde République, au 27 février, une centaine de bataillons de la Garde nationale défilent à Paris, place de la Bastille, au chant de la Marseillaise, déposant au pied de la colonne des couronnes d'immortelles !
À la grande irritation de l'empereur Guillaume Ier, de von Moltke et de Bismarck, seuls quelques bataillons d'avant-garde ont le temps de défiler dans la capitale endeuillée, devant les statues de la place de la Concorde recouvertes d'un voile noir.
Retour à la normale
Thiers a désormais les mains libres pour s'occuper des affaires intérieures. C'est qu'entretemps, les Parisiens, énervés par un siège épuisant et humiliés par le défilé des troupes allemandes, ont manifesté avec violence leur désespoir. Celui-ci a débouché le 18 mars sur l'insurrection de la Commune.
Une fois l'ordre revenu, Adolphe Thiers, devenu président de la République, se consacre à la restauration de l'économie et en premier lieu au paiement des réparations.
Un premier emprunt public est émis le 20 juin 1871. D'un montant de deux milliards de francs, avec un taux d'intérêt de 5%, il est couvert à deux fois et demi sa valeur. Le gouvernement doit donc refuser des souscripteurs ! Un deuxième emprunt, international celui-là, est émis le 28 juillet 1872, pour un montant de trois milliards à 5%. Il attire un million de souscripteurs, parmi lesquels de grandes banques internationales et est couvert à... quatorze fois sa valeur. Du jamais vu ! C'est la preuve de la bonne santé de la France et de la confiance qu'elle inspire, au sortir du Second Empire et en dépit de la guerre.
Paradoxalement, les réparations payées rubis sur l'ongle par les Français vont concourir à une grave crise économique qui va éclater en Allemagne en 1873 et perdurer pendant une vingtaine d'années. En effet, ces liquidités vont gonfler au-delà de toute mesure la masse monétaire en circulation en Allemagne à un moment où les grands propriétaires fonciers sont asphyxiés par la chute de leurs exportations vers le Royaume-Unis, suite à la concurrence des blés du Nouveau Monde...
En attendant, l'indemnité de guerre ayant été remboursée plus tôt que prévu, le dernier soldat allemand quitte la France le 16 septembre 1873. En foi de quoi, le 16 juin 1877, à la tribune de la Chambre des députés, Léon Gambetta honorera Thiers, son ancien adversaire, du titre de « libérateur du territoire ».
Au titre de l'article 2 du traité de Francfort, les Alsaciens-Lorrains ont la faculté de s'établir en France avant le 1er octobre 1872 : « Les sujets français, originaires des territoires cédés, domiciliés actuellement sur ce territoire, qui entendront conserver la nationalité française, jouiront jusqu'au 1er octobre 1872, et moyennant une déclaration préalable faite à l'autorité compétente, de la faculté de transporter leur domicile en France et de s'y fixer (…) Ils seront libres de conserver leurs immeubles situés sur le territoire réuni à l'Allemagne. »
Les chiffres sont incertains sur le nombre des « optants » qui, refusant la germanisation de l'Alsace et de la Lorraine du nord (aujourd'hui le département de la Moselle) vont quitter leur terre natale pour se réfugier en France. Cinquante mille à cent trente mille ?...
De nombreux Mosellans s'installent dans le département limitrophe de la Meurthe, qui prendra le nom de Meurthe-et-Moselle. 10 000 à 12 000 Alsaciens-Lorrains s'installent aussi comme colons en Algérie tandis que d'autres refont leur vie à Paris. Les célèbres brasseries alsaciennes qui ceinturent aujourd'hui la capitale perpétuent leur souvenir et leur nom : Lipp, Bofinger, Wepler, Zeyer... Le restaurant où se réunit chaque année l'académie Goncourt a aussi été fondé par un Alsacien, Charles Drouant, en 1880.
En 1918, les quelques centaines de milliers d'Allemands installés en Alsace-Lorraine seront plus mal traités que les « optants ». Ils seront chassés vers l'Allemagne avec le droit de n'emporter que 30 kg de bagages chacun...
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kourdane (15-02-2014 12:07:23)
je qualifierai la dénomination Alsace-Lorraine de falsification historique à des fins politiques, car cette entité n'a jamais existé avant l'annexion ce n'est qu'une traduction de l'allemand. Il... Lire la suite
Anonyme (10-05-2008 08:06:06)
Les exigences de Foch étaient inacceptables, c'eût été une insulte vis-à -vis de tous les pays et régions concernés. La Belgique entre autres n'a jamais appartenu à la France, seulement occupé... Lire la suite