24 février 1868

Procédure d’impeachment à l’encontre d’Andrew Johnson

Andrew Johnson, portrait attribué à William Brown Cooper, 1856. L'agrandissement montre le  portrait officiel d'Andrew Johnson à la Maison Blanche.La Constitution adoptée par les États-Unis d’Amérique a institué pour la première fois dans l’histoire moderne un président en charge du pouvoir exécutif. Elle a prévu une procédure de mise en accusation (impeachment) du président comme de tout autre haut fonctionnaire en cas de délit.

Cette procédure fut mise en œuvre pour la première fois par la Chambre des représentants le 24 février 1868, à l’encontre du président Andrew Johnson. Après quoi, il appartint au Sénat d’examiner les chefs d’inculpation. Pour que le président soit démis de ses fonctions, il fallait qu’ils soient validés par au moins deux tiers des votants…

Un combat autour de la question de l’esclavage

Pour sa réélection de novembre 1864, le président Abraham Lincoln avait fait le choix paradoxal d’Andrew Johnson, sénateur démocrate du Tennessee, comme colistier.

Le nouveau vice-président se trouvait donc être originaire du Sud et du parti opposé au sien. Il était aussi resté fidèle à l’Union et se montrait hostile à la Confédération sécessionniste. Ancien apprenti tailleur, c’était aussi un autodidacte issu d’une famille pauvre comme Lincoln lui-même. Le président y vit matière à rassurer les Sudistes alors que se rapprochait la fin de la guerre de Sécession et la victoire du Nord.

À vrai  dire, de par ses origines humbles, Johnson suscita aussi le mépris des élites de la côte Est. Il ne fit rien pour l'atténuer, arrivant même ivre à la prestation de serment, en mars 1865.

Billet présidentiel républicain des États-Unis, 1864. La copie montre une bannière de campagne pour le candidat présidentiel républicain de 1864, Abraham Lincoln, et le colistier Andrew Johnson, Currier and Ives, États-Unis, Bibliothèque du Congrès. Abraham Lincoln ne pouvait imaginer que lui-même serait assassiné le 14 avril suivant, soit 5 jours après la capitulation de l’armée sudiste. Sa mort amena de façon inopinée Andrew Johnson à la Maison Blanche. Comme Lincoln, le nouveau président voulut avant tout ménager les ex-Sudistes en vue de réconcilier les deux moitiés de la Nation.

Mais le Congrès, à majorité républicaine et bien sûr nordiste, ne l’entendait pas ainsi. Il voulait reforger l’Union au forceps. Il allait profiter de la faiblesse du nouveau président pour imposer ses vues.

Thaddeus Stevens, représentant républicain de la Pennsylvanie, avocat brillant enrichi dans l’industrie, conduit la révolte. C’est un abolitionniste fervent qui n’a pas attendu la victoire sur la Confédération pour engager la procédure de révision de la Constitution.

Bridé par Lincoln, il se déchaîne après la mort de celui-ci et, le 18 décembre 1865, arrive enfin à faire voter par le Congrès le XIIIe amendement de la Constitution qui interdit l’esclavage. En même temps, toujours en opposition avec le président Johnson, il fait voter l’installation d’un gouvernement militaire dans les États de l’ancienne Confédération sudiste. Il regrette de ne pouvoir aller plus loin et redistribuer les plantations aux anciens esclaves !

Le 27 mars 1866, le conflit se durcit brutalement quand le président Johnson met son veto à la loi sur les droits civiques (Civil Rights Act) destinée à protéger les droits des nouveaux citoyens noirs. C’est la première fois qu’un président américain use de cette prérogative. Mais le Congrès saute l’obstacle et confirme le vote de la loi deux semaines plus tard.

Après la large victoire des républicains aux élections de mi-mandat de novembre 1866, Thaddeus Stevens suggère à deux reprises au Congrès de lancer une procédure d’impeachment contre le président, en vue de contourner son opposition aux lois du Congrès relatives à la « reconstruction » du Sud. Il tente de mettre sur son dos les troubles et la crise qui frappent alors le Sud.

Mais les élus, heureusement, refusent ce détournement de la procédure, à l’image du représentant républicain de l’Iowa pour qui « l’incapacité politique du président doit être jugée dans les urnes, pas devant une haute cour ».

Thaddeus Stevens ne renonce pas, bien que, malade, ses jours soient comptés. Il croit trouver enfin un prétexte quand, le 21 février 1868, le président nomme au Secrétariat à la Guerre une autre personnalité que le postulant nommé par son prédécesseur et confirmé par le Sénat.

Procédure d'impeachment au Sénat 24 février 1868, Theodore Russel Davis, Illustration in Harper's Weekly, 11 avril 1868.

N’aurait-il pas ce faisant violé la loi ? Sur ce mince prétexte, le 24 février 1868, une large majorité de la Chambre des représentants vote une résolution demandant l’impeachment, assortie de onze articles qui sont autant de motifs de destitution. Les débats s’engagent, passionnément suivis par l’opinion publique. Mais à l’issue des votes sur les trois premiers articles, le 26 mai 1868, ceux-ci sont approuvés par les sénateurs avec seulement 35 voix contre 19 !… Selon les termes de la Constitution, il eut fallu une majorité des deux tiers, soit 36 voix pour qu’ils soient adoptés !

À une voix près, le président Andrew Johnson va donc pouvoir mener son mandat jusqu’à son terme normal, le 3 mars 1869. Il va alors céder la place à un candidat républicain, le général Ulysses Simpson Grant, dont le principal mérite est d’avoir recueilli la reddition du général Lee. Le jeune Georges Clémenceau, qui a suivi pour Le Temps les débats autour de l'impeachment, conclut : « Ce qui s’est passé depuis quatre ans m’a appris à ne jamais désespérer de ce pays. »

Le nouveau président va lâcher la bride aux élus républicains et ouvrir la voie à une mise à sac du Sud sous couvert de « Reconstruction ». Il va s’ensuivre une exacerbation des tensions raciales dont le pays tarde encore à sortir 150 ans plus tard.

Il faudra attendre le deuxième mandat de Richard Milhous Nixon pour que soit rééditée la procédure d’impeachment, sur des motifs autrement plus solides (affaire du Watergate). Le président démissionnera avant que la procédure aille à son terme. Une troisième procédure sera engagée sans succès contre Bill Clinton en raison de ses mensonges dans l’enquête sur le Monicagate. La troisième procédure est en cours. Elle concerne le président Donald Trump, accusé d’avoir voulu compromettre un possible rival, Joe Biden, en négociant un arrangement avec un gouvernement étranger !

Alban Dignat
Publié ou mis à jour le : 2020-01-25 17:48:14

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