8 février 1867

Naissance de l'Autriche-Hongrie

Le 8 février 1867, l'empire autrichien cède la place à une Double Monarchie austro-hongroise. Le nouvel État va perdurer un demi-siècle seulement mais laisser le souvenir d'une civilisation et d'un art de vivre sans pareil. Communément appelé Autriche-Hongrie, il se présente comme l'union de deux pays indépendants : l'empire autrichien proprement dit et le royaume de Hongrie. Ces deux États ne sont plus unis que par l'allégeance à un même souverain, François-Joseph Ier.

Fabienne Manière
De l'Autriche à l'Autriche-Hongrie (1850-1914)

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À l'issue de la tourmente napoléonienne, la famille des Habsbourg recueille les fruits de six siècles d'effort. Elle se constitue un empire au coeur de l'Europe.
Cette construction multinationale improbable doit faire face aux nouveaux États-Nations, en premier lieu la Prusse. S'ensuit une tentative de confédération, l'Autriche-Hongrie. Elle durera un demi-siècle...

La montée des Habsbourg

La création de l'Autriche-Hongrie est l'aboutissement d'un très long processus historique qui a débuté au XIIIe siècle.

Il a permis à une famille issue du modeste château des Habsbourg, situé en Suisse, de dominer toute l'Europe centrale par le biais de fructueuses alliances matrimoniales.

Les Habsbourg ont même régné sur les Pays-Bas ainsi que sur l'Espagne et ses colonies d'outre-mer pendant quelques décennies, au temps de Charles Quint, archiduc d'Autriche, roi d'Espagne et empereur d'Allemagne !

Après le règne tourmenté de Charles Quint, ils se recentrent sur leur combat traditionnel contre les Turcs qui menacent Vienne et les peuples chrétiens du bassin du Danube.

En 1804, devançant une décision du nouvel empereur des Français, Napoléon Ier, François II échange le titre symbolique d'empereur du Saint Empire romain Germanique (ou empereur d'Allemagne) contre celui d'empereur d'Autriche et prend le nom de François Ier.

Le nouvel empire recouvre les possessions héréditaires d'Europe centrale sur lesquelles les Habsbourg exercent une autorité réelle...

Heureuse construction ! Un diplomate a pu dire en 1848 que « si l'Autriche n'avait pas existé, il eut fallu l'inventer », indispensable qu'elle était pour servir de protection aux pays danubiens face aux appétits des géants allemand et russe (on a pu vérifier a contrario la justesse de cette affirmation au XXe siècle).

Espoir d'une fédération danubienne

En 1866, suite à la défaite de Sadowa face à la Prusse, l'empereur François-Joseph Ier renonce à ses dernières prétentions sur l'Allemagne et l'Italie. Il choisit de s'intéresser désormais à ses différents peuples.

Sous l'influence de sa femme Élisabeth de Wittelsbach (« Sissi »), sensible au charme des nobles hongrois, il transforme ses États en une confédération bicéphale. Mais dans cette nouvelle structure, les Autrichiens de langue allemande et les Hongrois se partagent le pouvoir sur le dos des Tchèques et des Slaves du sud. Cette faiblesse causera sa perte...

En attendant, l'unité de l'Empire reste assurée par l'allégeance de tous les sujets à un souverain commun, François-Joseph, et par un ministère d'Empire chargé des affaires communes : Affaires étrangères, finances et guerre, avec une armée commune.

Quelques mois après la signature du compromis, François-Joseph et Élisabeth ceignent à Budapest la couronne de saint Étienne, saint patron et premier roi de la Hongrie.

La Hongrie devient un royaume indépendant dénommé officiellement Transleithanie d'après une rivière, la Leitha, qui marque la limite entre les deux nouvelles entités.

Autour de sa capitale, Pest (aujourd'hui Budapest), elle comprend le coeur de la Hongrie historique mais aussi la Croatie, la Transylvanie et la Slovaquie.

Les habitants de langue magyar (les Hongrois) représentent à peine la moitié de la population de cet ensemble très divers composé aussi de Slaves, d'Allemands, de Roumains, de gitans, de juifs etc... Ils sont redevables à la monarchie des Habsbourg de leur donner la préséance sur les autres minorités.

Le reste de l'empire autrichien devient la Cisleithanie. Il comprend une majorité d'Allemands autour de Vienne et dans les monts Sudètes du nord de la Bohême, ainsi que de fortes minorités italiennes et slaves (Bohême, Slovénie).

Il n'a pas de langue officielle, au contraire de la Transleithanie, et toutes les langues de l'empire sont même autorisées au Parlement qui devient de ce fait une attraction théâtrale très prisée !

La ligne de partage entre Cisleithanie et Transleithanie correspond à peu de choses près à l'ancienne limite du Saint Empire romain germanique, dissous en 1806.

Arrogance des Hongrois

Gyula Andrassy (8 mars 1823, Vlachovo - 18 février 1890, Volosko)Les nobles hongrois, aussi appelés magnats, sont les grands gagnants du compromis austro-hongrois. Ils bénéficient de privilèges et d'exemptions fiscales qui les dissuadent de toute ouverture démocratique en Transleithanie. Ainsi imposent-ils le hongrois comme langue officielle de la Transleithanie et privent-ils les Slaves du droit de vote.

Oublieux de la défaite de Sadowa, ils poussent l'empereur et roi François-Joseph Ier à se rapprocher de l'Allemagne. Ils voient en effet dans une alliance pangermaniste la meilleure garantie contre les revendications autonomistes des minorités slaves.

À son homologue autrichien qui lui reproche son attitude vis-à-vis des Slaves, le Premier ministre hongrois Gyula Andrassy lance : « Occupez-vous de vos Slaves, nous nous occuperons des nôtres ».

Gloire et mort de l'Autriche-Hongrie

Tandis qu'il satisfait les Hongrois, le Compromis offre aux autres minorités l'espoir d'une évolution favorable de leur statut dans le cadre d'une fédération élargie. 

Les Tchèques, qui se réclament du prestigieux royaume de Bohême, sont les grands perdants de l'affaire mais ils sont aussi conscients de l'avantage d'appartenir à un grand ensemble danubien et placent leurs espoirs dans l'avènement d'une triple monarchie.

Par sa structure politique très souple, propre à apaiser les tensions internes, l'Autriche-Hongrie est un précurseur de l'Europe actuelle.

Portrait de femme, par Gustav Klimt Elle va bénéficier pendant ses cinquante ans d'existence d'un immense rayonnement culturel et d'une expansion économique rapide. Le développement économique est particulièrement visible au début du XXe siècle en Hongrie comme en Bosnie-Herzégovine. 

De Trieste à Cracovie, toute l'Europe centrale en conserve la nostalgie dans son architecture comme dans son art de vivre.

Mais la double monarchie va se trouver fragilisée par l'entêtement des nobles hongrois à refuser tout nouveau compromis qui donnerait quelques droits aux Tchèques et aux autres Slaves.

L'Autriche-Hongrie s'effondrera à l'issue de la Grande Guerre, suite à l'agitation des tchèques Tomas Masaryk et Édouard Benès ainsi qu'aux revendications territoriales de l'Italie et de la Roumanie.

Invoquant le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, le président américain Woodrow Wilson et le président du Conseil français Georges Clemenceau autoriseront l'éclatement de la  « Mitteleuropa » (Europe centrale en allemand). L'auraient-ils voulu qu'ils n'auraient pu empêcher l'éclatement du vieil empire, épuisé par une guerre trop longue, en une myriade de petits États.

L'Autriche-Hongrie, forte de 50 millions d'habitants, avec une capitale rivale de Paris, Londres ou Berlin, va céder la place à plusieurs États rivaux, arc-boutés sur le mythe de leur identité nationale, linguistique ou ethnique : Autriche, Hongrie, Tchécoslovaquie, Yougoslavie.

À l'exception de la petite Autriche, tous ces États se caractériseront par une aussi grande hétérogénéité de langues, de cultures et de religions que feu la Double Monarchie.

Ils tomberont aussi sous des dominations autrement plus brutales que celle des Habsbourg, réalisant par là la prédiction du prince Charles Schwarzenberg, en 1891, à un nationaliste tchèque « Si vous et les vôtres détestez cet État, que ferez-vous de votre pays, qui est trop petit pour se défendre tout seul ? Le donnerez-vous à l'Allemagne? À la Russie?  Car vous n'aurez pas d'autre choix si vous abandonnez l'union avec l'Autriche » (note).

Bibliographie

On peut lire sur l'Autriche-Hongrie le palpitant ouvrage de François Fejtö : Requiem pour un empire défunt, Histoire de la destruction de l'Autriche-Hongrie (Lieu Commun, 1988).

Publié ou mis à jour le : 2022-03-12 08:28:12

Voir les 4 commentaires sur cet article

Anne Hove (06-02-2022 13:20:09)

Très intéressant.je ne savais pas que les hongrois ont fait leur malheur final après tant de vicissitudes .Moi aussi j'espère en la Hongrie bien amoindrie depuis le traité de Trianon. J'y ai deux... Lire la suite

jacques (05-02-2017 11:21:19)

Bon exemple du destin inéluctable de toute construction supra-nationale!

youssef (08-02-2016 10:29:18)

Salut a tous, Cet article est magnifique. Pourriez-vous m'expliquer l' orthographe de "pareille" dans la phrase : ... d' une civilisation et d'un art de vivre sans pareille. Merci, Youssef Boutalbi... Lire la suite

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