30 mai 1854

Création du bagne de Cayenne, en Guyane

Le 30 mai 1854, sous le Second Empire, une loi relative aux travaux forcés officialise la création du bagne de Cayenne, en Guyane. L'objectif est de remplacer les bagnes des ports métropolitains, Rochefort, Brest et Toulon, mais aussi de peupler la colonie.

Départ de la bande à Bonnot pour le bagne de Cayenne, à La Rochelle en 1913

La « terre de la Grande Punition »

Dès la Révolution, Cayenne a accueilli des proscrits royalistes arrêtés à la suite du coup d'État du 18 Fructidor (4 septembre 1797). 65 députés et 35 journalistes furent ainsi condamnés à la « guillotine sèche ». À la suite du coup d'État de Napoléon III, la Guyane reçut encore trois mille prisonniers.

À partir de 1854, les bagnards, dits « transportés », sont astreints à des travaux forcés et parqués dans différents camps, à Cayenne mais aussi à Saint-Laurent-du Maroni, Sinnamary ou encore sur l'île du Diable qui, avec Saint-Joseph et Royale, forme les Iles du Salutîles du Salut. Selon le principe du « doublage », les survivants ont l'obligation de résider dans la colonie pendant autant de temps qu'ils y ont été incarcérés, voire toute leur vie si leur peine est supérieure à huit ans. Ils reçoivent pour leur subsistance un lot de terres. L'administration pénitentiaire espère de la sorte contribuer à la mise en valeur de la colonie, comme avec les convicts anglais en Australie. Mais sous le climat tropical, dans une nature profondément hostile, avec des hommes détruits par la brutalité de leur détention, cette tentative se solde par un échec total.

En 1867, du fait d'une trop grande mortalité parmi les Européens, le bagne est réservé aux condamnés des colonies. Les condamnés de la métropole sont alors dirigés vers le bagne de Nouvelle-Calédonie, ouvert en 1864, dix ans après Cayenne, suivant un décret signé par Napoléon III le 2 septembre 1863. Il va accueillir  22 000 « transportés » jusqu'à sa suppression en 1887, en raison de conditions de détention jugées trop... douces.  Il s'agit de condamnés de droit commun mais aussi politiques. De 1872 à 1878, vingt-deux navires vont ainsi amener sur l'île près de 4 500 Communards, dont l'institutrice Louise Michel, et 90 déportés kabyles coupables de s'être rebellés contre la République en 1871.

Exécution capitale au bagne de Cayenne, vers 1925En 1887, les condamnés européens retrouvent donc le chemin de Cayenne.

La loi de relégation du 27 mai 1885 astreint à résidence en Guyane les condamnés récidivistes et certains petits délinquants. Certains de ces « relégués » sont astreints au travail forcé, d'autres simplement détenus. 

Le bagne sort de l'anonymat avec l'arrivée du capitaine Alfred Dreyfus. Il est déporté le 13 avril 1895 sur l'île du Diable, l'une des trois îles du Salut. Il la quittera le 9 juin 1899. Un peu plus tard, dans les années 1920, le journaliste Albert Londres va dénoncer avec brio les conditions d'incarcération. « Ici, morts vivants, dans des cercueils - je veux dire des cellules -, des hommes expient, solitairement », écrit-il devant des cachots de quatre mètres carrés.

Le 17 juin 1938, Gaston Monnerville, petit-fils d'esclave guyanais devenu sous-secrétaire d'État aux Colonies, fait voter une loi prévoyant enfin la suppression du bagne de Cayenne. Celle-ci ne deviendra effective qu'en 1946, quand la colonie sera érigée en département d'outre-mer.

Au total, la Guyane aura accueilli 52 000 « transportés » et 16 000 « relégués » ; la Nouvelle-Calédonie, 20 000 « transportés » et 10 000 « transportés ».

Forçats malgaches au bagne de Cayenne

La Guyane, terre de tous les mirages

La Guyane est la seule dépendance d'outre-mer avec des frontières terrestres (à part l'île antillaise de Saint-Martin, partagée entre la France et les Pays-Bas). Grande comme le Massif central (83 000 km2) et peuplée de seulement 250 000 habitants (2017), c'est un pan de l'immense massif forestier amazonien.

Des marins normands abordent le rivage vers 1637 et l'amiral Jean d'Estrées occupe en 1676 la presqu'île de Cayenne, capitale de la région. Sur le littoral s'installent quelques plantations esclavagistes semblables à celles des Antilles.

Au siècle suivant, en 1763, le gouvernement de Louis XV tente de mettre en valeur cette région inhospitalière, aussi appelée « France équinoxiale », de la même façon qu'il a tenté de coloniser la Louisiane. Autour de Kourou, il lance des travaux de drainage à la façon des voisins hollandais et fait venir des paysans européens de toutes origines. Total échec.

Revendiquée par les Hollandais, les Anglais et les Portugais, la Guyane est définitivement attribuée à la France en 1817, sur une décision du congrès de Vienne. Comme tous les habitants des « vieilles colonies » héritées de l'Ancien Régime, les Guyanais reçoivent la citoyenneté française et le droit de vote en avril 1848, en même temps qu'est aboli l'esclavage.

Victime de la mauvaise image colportée par les bagnes ouverts en 1854, la Guyane sort à nouveau de l'anonymat en 1964, quand le général de Gaulle décide d'implanter une base de lancement de fusées à Kourou, près de l'Équateur et donc à une latitude idéale pour les vols spatiaux. Le Centre Spatial Guyanais, utilisé par tous les opérateurs européens et même russes, fait aujourd'hui la fierté du département sans pour autant nourrir sa prospérité. Son personnel essentiellement européen vit en vase clos, à l'écart de la population métissée et de ses problèmes.

Cette population endure tous les maux imaginables : violence, immigration clandestine, alcoolisme, manque d'éducation, illettrisme, absence de travail productif, corruption des élus, misère (PIB/habitant en 2017 : 16 000 euros au lieu de 32 000 pour la France). Elle parle une trentaine de langues et dialectes, notamment créoles, amérindiennes ou caribéennes. Elle perçoit comme des colons les jeunes métropolitains de passage, qui viennent les éduquer et les encadrer... avec à la clé de très généreuses primes.

Même la nature se rebelle. La forêt tropicale mérite ici plus qu'ailleurs le surnom d'« enfer vert » avec ses moustiques vecteurs de maladies (malaria, chikungunya...) et surtout la pollution des cours d'eau au mercure, due à l'orpaillage clandestin. Les Amérindiens en font les frais... tout comme les gendarmes qui affrontent périodiquement des orpailleurs lourdement armés, au péril de leur vie et loin des caméras.

Publié ou mis à jour le : 2024-08-20 09:28:01
Bernard VACHÉ (11-02-2020 14:50:07)

Je viens de travailler 1 mois en Guyane et j'ai pris le temps d'essayer de comprendre. Je partage globalement le constat (violence, immigration clandestine, alcoolisme, manque d'éducation, illettrisme, absence de travail productif, corruption des élus, misère) d'André Larané. Cependant, j'ai pu observer à Saint-Laurent du Maroni, l'important investissement, notamment dans les domaines scolaires et sanitaires, que l'État fait pour les populations en Guyane, sans rapport avec le Centre de Kourou : Hôpital neuf à Saint-Laurent du Maroni, nombreux collèges pour essayer de suivre la courbe démographique dont un à Maripasoula, commune de 15000 habitants mais qui n'est accessible qu'en avion ou en pirogue (300 km sur le Maroni).
Par ailleurs, la fraction de la forêt amazonienne située en Guyane est de loin la mieux protégée que ce soit pour la biodiversité, la lutte contre les activités clandestines (orpaillage) ou la protection des amérindiens (1/4 du territoire est interdit sauf permis).
Les problèmes sont immenses et les solutions très complexes mais il m'a semblé que l'État faisait plus que son devoir. Un ami que a vécu à Cayenne pendant un an partage ce sentiment nuancé.

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