Le 27 février 1848, quelques jours après la fuite du roi Louis-Philipe, le gouvernement provisoire de la IIe République décide d'ouvrir des Ateliers nationaux pour donner du travail aux chômeurs, à Paris et en province.
Très controversé, le projet est avant tout destiné à contenir les revendications du socialiste Louis Blanc, qui a le soutien des ouvriers. Il est confié au ministre des Travaux Publics, Alexandre Marie de Saint-Georges, dit Marie.
L'utopie de Louis Blanc
Dès sa formation, le gouvernement provisoire accueille en son sein Louis Blanc. La présence du meneur socialiste au gouvernement a été imposée par les ouvriers.
Louis Blanc se voit refuser toutefois la création d'un ministère du Travail et il est écarté dès le 28 février 1848 en se voyant nommé à la présidence de la commission du Luxembourg tout juste créée. Sa mission est d'améliorer la condition ouvrière.
Comme Louis Blanc s'accroche à l'idée de créer des « ateliers sociaux » ou en d'autres termes des coopératives de production, le gouvernement tente de lui couper l'herbe sous le pied en lançant les Ateliers nationaux, qui s'apparentent quant à eux à des organismes de bienfaisance. Il s'agit d'« élever autel contre autel », dit Marie lui-même.
Trop généreuse République
Le ministre ouvre des Ateliers nationaux à Paris et quelques autres villes. Les ouvriers sont organisés sur un mode militaire, en escouades, brigades, lieutenances, compagnies. Il est d'ailleurs prévu qu'ils servent aussi dans la Garde nationale et puisse à l'occasion participer à la répression de manifestations ouvrières !
Mais très vite, les pouvoirs publics sont débordés. Dès le mois d'avril, plus de cent mille personnes sont prises en charge sans que l'on ait des travaux à leur confier. Certaines escouades sont amenées à dessoucher des arbres d'alignement pour en replanter ou creuser des tranchées pour les reboucher ensuite !
Cette mesure se révèle coûteuse et inefficace. Qui plus est, les chantiers deviennent des foyers d'agitation révolutionnaire.
La victoire des républicains conservateurs aux élections de l'Assemblée constituante, le 23 avril 1848, amène un durcissement de l'action gouvernementale et la dissolution des Ateliers nationaux le 21 juin 1848. Désespérés, les ouvriers s'insurgent.
La répression est sanglante. Elle consacre la rupture entre la République et la classe ouvrière.
Le débat parlementaire du 20 juin 1848 sur les Ateliers nationaux donne au député Victor Hugo l'occasion d'un bel effet de tribune, inattendu dans sa bouche :
« Les ateliers nationaux sont un expédient fatal. Vous avez abâtardi les vigoureux enfants du travail ; vous avez ôté à une partie du peuple le goût du labeur, goût salutaire qui contient la dignité, la fierté, le respect de soi-même et la santé de la conscience. À ceux qui n'avaient connu jusqu'alors que la force généreuse du bras qui travaille, vous avez appris la honteuse puissance de la main tendue ; vous avez déshabitué les épaules de porter le poids glorieux du travail honnête, et vous avez accoutumé les consciences à porter le fardeau humiliant de l'aumône. Nous connaissions déjà le désœuvré de l’opulence, vous avez créé le désœuvré de la misère, cent fois plus dangereux pour lui-même et pour autrui. La monarchie avait les oisifs, la République aura les fainéants (...).
Cette fainéantise fatale à la civilisation est possible en Turquie, en Turquie et non pas en France. Paris ne copiera pas Naples ; mais, jamais Paris ne copiera Constantinople ».
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Linaura Catalina (08-03-2017 06:09:43)
merci pour effacer hier, ce qu'avant hier vous avez consideré que pouvait être publié...
ce qui veut dire, que chez vous, chez HERODOT le droit a l expression est aussi variable...
que ne convient pas, les idées ou les paroles...???
l histoire reste une verité dont nous sommes tous temoins pendant notre vie...
et si ma vision ne ressemble pas a la votre, cela veut dire que je n'ai pas le droit a mon expression...??
j ai dit que les trois clés LA LIBERTE L EGALITE ET LA FRATERNITE SONT EN PLEIN DESAMOUR AUJOURD HUI...
voila encore une preuve...
et ce qui est encore plus evident est que même si vous ne publiez pas ce que j écris la, vous le lirez pour voir ce qui est écrit... et donc l effet est obtenu...
MERCI !
Marc SINOU (28-02-2017 18:58:45)
Il y a certainement erreur sur la personne. Les ateliers nationaux ne sont en rien une initiative inspirée par Louis Blanc, bien au contraire.Voici l'histoire telle que la raconte Louis Blanc.
Dans son ouvrage "L'organisation du travail", paru en 1839, Louis Blanc propose la création d'ateliers sociaux. Dans cet ouvrage central dans la pensée de Louis Blanc, celui-ci préconise la réforme sociale par l’action de l’Etat. L'État devient propriétaire du crédit et propose de transformer en associations industrielles autonomes de l'État la grande industrie et les chemins de fer. Il fonde des « ateliers sociaux », entreprises associatives dont l’encadrement est élu par les travailleurs souverains.
Porté au gouvernement provisoire par la Révolution de 1848, Louis Blanc demande vainement la création d'un ministère du travail Afin de l'éloigner du centre de prise de décisions Louis Blanc est chargé de diriger la Commission du Luxembourg, créée le 28 février 1848 et chargée de prendre des mesures pour améliorer la condition ouvrière. C’est dans ce cadre que Blanc suscitera la création de trois ateliers sociaux consacrés à la confection, à la sellerie et à la passementerie. Leur succès suscitera de nombreuses vocations et, malgré la disparition de la Commission en mai 1848, c’est plus de 120 « ateliers Luxembourg » qui fonctionneront en 1851.
Mais la création de la Commission du Luxembourg n’est qu’une manœuvre de diversion menée par un gouvernement provisoire manifestement hostile à toute règlementation du travail. Alors que les ateliers sociaux sont en gestation, le gouvernement confie à son ministre des Travaux publics Alexandre Marie de Saint-Georges dit Marie, le soin de créer les Ateliers nationaux. Créés officiellement pour soulager la misère des ouvriers sans travail, les Ateliers nationaux sont surtout un outil pour faire échec au socialisme et à Louis Blanc. Comme le dit Marie, il s’agit d’« élever autel contre autel », comme il l'a dit lui-même, pour contrebalancer « les ouvriers sectaires du Luxembourg et les ouvriers séditieux des clubs », comme le dit Lamartine avec autant de franchise que de crudité.
Compte tenu de la situation économique, l’annonce de la création des ateliers nationaux suscite une demande qui va rapidement submerger les organisateurs. Les ateliers mis en place fonctionnent sur une organisation militaire en escouades, brigades, lieutenances, compagnies. Les ouvriers sont par ailleurs membres de la Garde nationale, mobilisables à tout moment. Certains membres du gouvernement républicain considèrent d’ailleurs les ouvriers des Ateliers nationaux comme une armée de réserve qui, aux côtés de la Garde mobile et de l'armée, peut intervenir dans la répression d'un soulèvement ouvrier.
Les ouvriers sont employés, quelle que soit leur qualification, sur des chantiers, la plupart de terrassement. Mais le travail manque pour occuper une main d'œuvre aussi abondante. Aussi voit-on les ouvriers dessoucher les arbres abattus pendant les évènements de février pour les remplacer par de nouveaux arbres provenant des pépinières nationales. Cependant beaucoup de chômeurs restent désœuvrés. Les Ateliers nationaux ne survivront pas à la fin du Gouvernement provisoire. La majorité issue des élections du 23 avril 1848 est opposée aux principes mêmes des Ateliers (« l'altération la plus affligeante du caractère si glorieux et si fier du travailleur », selon le Comte de Falloux), Les listes d’inscriptions sont closes le 16 mai et la fermeture votée le 20 juin. Les premières barricades s'élèvent alors dans Paris : c'est le début de l'insurrection populaire des Journées de Juin : les violences vont briser les liens qui s'étaient noués entre l'idée républicaine et le socialisme.