10 février 1841

L'Acte d'Union est imposé à tous les Canadiens

Pour tenter d'assagir le Haut-Canada anglophone et le Bas-Canada francophone, le Parlement de Westminster vote le 23 juillet 1840 l'Union Act (« Acte d'Union »).

La loi entre en application le 10 février 1841. En réunissant les deux provinces au sein d'une même entité, le Canada-Uni, elle vise rien moins qu'à dissoudre la minorité québécoise francophone dans un ensemble anglo-saxon.

Le projet va faire long feu et, vingt-cinq ans plus tard, chacun va se résigner à une fédération plus équitable, le Dominion du Canada...

André Larané

« Assemblée des six-comtés », tenue les 23 et 24 octobre 1837 à Saint-Charles, Bas-Canada, Charles Alexander Smith, 1890, musée national des beaux-arts du Québec

Aspirations démocratiques contrariées

Les colonies britanniques d'Amérique du Nord en 1791-1841Par l'Acte constitutionnel de 1791, la monarchie anglaise s'est assurée la loyauté de ses sujets canadiens, d'une part la majorité francophone établie dans la province du Bas-Canada, autour de Québec et Montréal, d'autre part la majorité anglophone d'immigration plus récente, établie dans la province du Haut-Canada, autour de Toronto, anciennement York (voir la carte).

Dans les années 1820, toutefois, les uns et les autres aspirent à des institutions plus démocratiques et plus représentatives. Ils s'exaspèrent du peu de cas que le gouvernement fait des assemblées élues. 

« Louis-Joseph Papineau », Antoine Plamondon, 1836, musée national des beaux-arts du CanadaEn 1834, au Bas-Canada, Louis-Joseph Papineau, chef du Parti patriote et président de l'Assemblée législative, fait adopter Quatre-vingt-douze Résolutions. Il réclame davantage de démocratie et dénonce en particulier le Pacte de famille qui lie certains élus francophones aux riches possédants anglais.

Mais ses résolutions sont rejetées en bloc par le ministre de l'Intérieur britannique John Russell, qui bénéficie au Parlement de Québec du soutien des Loyaux, partisans du statu quo.

Empêchés de s'exprimer au Parlement, les Patriotes en viennent à se soulever. Violant les interdictions du gouverneur, six mille d'entre eux se réunissent le lundi 23 octobre 1837. Cette célèbre « Assemblée des Six-Comtés » est présidée par Wolfred Nelson, un Patriote anglophone, protestant et apparenté à l'amiral !

Devant l'assemblée, Louis-Joseph Papineau fait preuve de modération : « Le meilleur moyen de combattre l'Angleterre, c'est de ne rien acheter d'elle (...) Le recours aux armes, non ! pas ça ! » Nelson réplique aussitôt : « Eh bien ! moi, je diffère d'opinion avec monsieur Papineau. Je prétends que le temps est arrivé de fondre nos plats et nos cuillères d'étain pour en faire des balles. »

« Patriotes à Beauharnois en novembre 1838 », Katherine Jane Ellice, aquarelle, Bibliothèque et Archives nationales du Canada.Des mandats d'arrêt sont lancés contre les chefs patriotes. Ceux-ci sont assiégés par la troupe à Saint-Denis le 23 novembre 1837. Nelson, à la tête des rebelles, force les soldats à se replier ! Mais il est bientôt arrêté et condamné à l'exil.

L'année suivante, de nouveaux soulèvements armés se produisent au sud de Montréal. La répression est brutale. Douze Patriotes sont pendus devant la prison Au-pied-du-courant, à Montréal, sur ordre du gouverneur John Colborne, surnommé le « Vieux brûlot » parce qu’en plus de faire tomber des têtes, il brûlait les villages. La rue de la prison porte aujourd'hui le nom de Thomas Chevalier de Lorimier, le plus connu des condamnés, pendu le 15 février 1839 avec trois de ses compagnons d’armes.

Pendant ce temps, dans le Haut-Canada, des colons écossais profitent du départ des troupes anglaises pour se rebeller à leur tour. 

Conduits par le maire de Toronto, William Lyon Mackenzie, ils  réclament davantage de démocratie, voire la république. La répression est là aussi brutale avec une vingtaine d'exécutions. Mackenzie se réfugie aux États-Unis.

Une loi punitive

Nommé en janvier 1838 gouverneur général de l'Amérique du Nord britannique, Lord Durham envoie au Parlement de Westminster un célèbre rapport dans lequel il désigne les racines du mal : « deux nations en guerre au sein d'un même État. »

Il en profite pour dénoncer les séquelles du « despotisme centralisateur, incompétent, mal organisé, stationnaire et répressif » de l'ancien colonisateur, la France. Il n'y a rien à espérer des Québécois, « ce peuple sans histoire et sans littérature ! »

Et la solution lui apparaît d'évidence : « Si l'on estime exactement la population du Haut-Canada à 400 000 âmes, les Anglais du Bas-Canada à 150 000 et les Français à 450 000, l'union des deux provinces ne donnerait pas seulement une majorité nettement anglaise, mais une majorité accrue annuellement par une immigration anglaise ; et je ne doute guère que les Français, une fois placés en minorité par suite du cours naturel des événements abandonneraient leurs vaines espérances de nationalité. »

En vue de prévenir de nouvelles révoltes et avec l'espoir sous-jacent que les francophones seront à terme noyés au milieu des anglophones, Westminster décide donc le 23 juillet 1840, par un Acte d'Union, de réunir le Haut et le Bas-Canada en une seule colonie, appelée Canada-Uni.

L'anglais est la seule langue officielle mais l'on permet aux francophones du Bas-Canada de conserver leur droit civil. Le siège du gouvernement commun est établi à Montréal avant d'être transporté à Ottawa en 1857.

La revanche des dominés

Contre toute attente, les élites francophones, soudées autour du député réformiste Louis-Hippolyte La Fontaine, vont réussir à reprendre l'avantage malgré leur infériorité numérique. 

De concert avec le réformateur anglophone Robert Baldwin, La Fontaine arrache à Londres le principe de la responsabilité ministérielle : comme à Londres, le gouvernement doit être agréé par la majorité parlementaire. En 1847, l'un et l'autre sont appelés ensemble à la tête du gouvernement et partagent la fonction de Premier ministre. La Fontaine obtient aussi en 1848 que la langue française soit acceptée au Parlement.

Mais les fluctuations de l'électorat conduisent dans les années 1860 à une instabilité gouvernementale croissante. D'autre part, les Canadiens anglophones, de plus en plus nombreux du fait de l'immigration, en viennent eux-mêmes à regretter un système qui ne leur accorde pas la place à laquelle ils estiment avoir droit. Chacun se prend à rêver d'un retour à une fédération...

Publié ou mis à jour le : 2022-03-01 09:06:18
Yves Petit (09-02-2022 19:21:52)

Il faut dire que dans les années 1840 et ce jusqu'à 1940, les francophones n'étaient pas désignés de Québécois mais bien de Canadiens, notre nom historique. Ce n'est qu'après la première guerre mondiale que les Anglos ont commencés à se nommer Canadians, puisqu'ils avaient "oubliés" que ce nom nous appartenait. Même Durham dans son rapport parle Nation Canadienne...."It might have been right at the time of the conquest to engage for the preservation of French institutions, for the existence of a 'Nation Canadienne'; but considering how certain it was that, sooner or later, the British race would predominate..." (P. 322, vol III, rapport Durham)

Ginchereau, Normande (10-02-2021 20:39:26)

Bonjour à vous,
En ce mercredi 10 février 2021, le journal LE DEVOIR rappelle les 180 ans de L'UNION DU BAS ET DU HAUT-CANADA.
J'ai pris soin de faire parvenir un « commentaire » AU JOURNAL, car en plus de la date, il y a des détails majeurs à retenir:
Dans l'Histoire officielle, il est intéressant de connaître quelques « détails » de cette belle UNION: Québec au moment où le Bas-Canada et le Haut-Canada « s’unissent » … union imposée … et l’on ne peut pas dire : « Vive la démocratie ».
Les francophones
1.- perdaient leur majorité comme population passant de 76 à 58%,
2.- étaient pénalisés par une présence parlementaire imposée …42 députés pour 650 000 habitants francophones, 42 députés avec 400 000 habitants anglophones.
3.- Québec perdait son titre de « capitale nationale », car « une » capitale devenait « mobile » de Kingston à Montréal, à Toronto, à Québec [1], déménagement aux quatre ans …on trouve ici la justification de l’appellation « Vieille Capitale »
4.- Les dettes étaient réunies, 375 000$ pour le Bas-Canada, 5 000 000$ pour le Haut-Canada … paiement équitablement partagé ? On connait la réponse.
Pour couronner le tout, la langue anglaise devenait la seule langue officielle de la colonie, assimilation désirée.
Place à un projet d’État fédéral …
Abonnée au Devoir, Normande Ginchereau, historienne

Jean Loignon (03-07-2017 10:38:52)

J'aimerais signaler que l'année 1837 s'est clôturée par la "bataille" de Saint-Eustache opposant le 14 décembre les Patriotes et les forces britannique de Colborne. Le combat fut inégal et se solda par la mort de 70 patriotes dont Jean-Olivier Chénier. A l'échelle européenne, le fait peut paraître modeste mais l'impact de cet événement a été considérable dans la construction de l'identité nationale québécoise. La figure du Patriote, coiffée de sa tuque (bonnet), pipe aux dents et fusil à la main reste une image forte du souverainisme québécois, au même titre que le drapeau vert-blanc-rouge qui précéda l'actuel bleu-blanc fleurdelysé. En 1970, une cellule clandestine du Front de Libération du Québec portant le nom de J-O Chénier. Et aujourd'hui, les traces de la bataille sont visibles et fièrement montrées à Saint-Eustache.

Jacky Pachès (09-10-2006 18:44:23)

Bien le bonjour aux amateurs de vérités historiques,

Permetez-moi d'apporter quelques précisions sur cet article, bien fait au demeurant.
Le prétexte que les Anglais se servirent pour déporter les descendants des Français dans cette malheureuse Acadie, devenue La Nouvelle Écosse, est fallacieux quoique justifié.
Afin d'implanter une population anglo-saxonne dans ce pays, ou les bonnes terres étaient défrichées et labourées depuis des décennies, il fallait procéder à un nettoyage ethnique en règle, voire à un génocide, puisque 80% des Acadiens périrent dans ce que l'on nomme avec euphémisme et un peu trop de légèreté: Le Grand Dérangement - ce que l'Angleterre se refuse toujours de reconnaître et encore moins à s'excuser.
Lire le manifeste de Bassin pour plus de détails.
Pour s'en convaincre, il suffit de citer ce passage d'une lettre du gouverneur d'alors: Charles Lawrence, à ses supérieurs du Board of Trade and Plantation de Londres:
" Je leur proposerai le serment d'allégeance une dernière fois. S'ils le refusent nous aurons dans ce refus un prétexte pour les expulser. S'ils l'acceptent, je leur refuserai le serment en appliquant un décret qui interdit à quiconque ayant déjà refusé e prêter serment d'allégeance de le prêter...
DANS LES DEUX CAS, JE LES DÉPORTERAI!"
On ne peut être plus clair ou plus machiavélique que cela...
Je rapporte ces faits dans un résumé de 300 ans d'histoire en prologue de L'aigle de l'Apocalypse, un roman de fiction allégorique parlant de l'avenir du Québec ainsi que de notre berceau galactique à tous: La Terre!
J'ai l'honneur d'auto éditer cet ouvrage. Voir www.horseditions.com

Historiquement votre,

Jacky Pachès, alias Jean Deval

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