À Lyon, le 9 avril 1834, les ouvriers de la soie, les canuts, se soulèvent après que des meneurs ont été traduits en justice pour avoir dénoncé des baisses de salaires et fait grève.
Le journaliste Adolphe Thiers (36 ans), nommé ministre de l'Intérieur cinq jours plus tôt dans le gouvernement du maréchal Soult, prend aussitôt les choses en main. Il se montre autrement plus féroce que le président du Conseil Casimir Perier lors d'une première révolte des canuts (1831).
C'est ainsi qu'il laisse les manifestants ériger des barricades puis fait donner la troupe. « Laissez tirer les premiers coups, mais, quand vous les aurez reçus, agissez sans ménagement, » intime-t-il aux forces de l'ordre. Les soldats vont méthodiquement reconquérir la ville sans économiser les munitions : 269 000 coups de fusil et 1729 coups de canon (d'après Georges Valance, Thiers, Flammarion, 2007).
On comptera 300 à 600 morts et 10 000 arrestations au cours de cette « Sanglante semaine » du 9 au 15 avril 1834. La répression rassure les possédants sur la détermination du gouvernement à les protéger contre les barbares des faubourgs. C'est un prélude à la « Semaine sanglante » de 1871 par laquelle le même Thiers mettra un terme à la Commune de Paris.
Après Lyon, Paris s'enflamme
Le drame de Lyon retentit dans la capitale. Thiers, qui s'y attendait, a fait arrêter préventivement cent cinquante responsables de la Société républicaine des droits de l'Homme et il peut compter sur quarante mille hommes de troupe, sous le commandement du député et général Thomas Robert Bugeaud. Sans compter la garde nationale bourgeoise qui rêve d'en découdre avec la « racaille » .
Des barricades s'élèvent dans le quartier de Beaubourg dès le 13 avril 1834. Le général Bugeaud répartit ses hommes en trois brigades, dont l'une placée sous son commandement. Il rétablit l'ordre sans trop de mal avec le concours de Thiers lui-même, très fier de se pavaner à cheval aux côtés des généraux.
Alors que les manifestations semblent maîtrisées, voilà que survient le drame ! Le 14 avril au soir, un officier est blessé d'un coup de feu parti du 12 rue Transnonain (actuelle rue Beaubourg). Les soldats du 35e de ligne, sous les ordres du général Lascours, pénètrent dans la maison. Ils tuent douze habitants et en blessent de nombreux autres (hommes, femmes, vieillards, enfants).
Ce massacre révulse l'opinion et le dessinateur Honoré Daumier va en tirer un dessin émouvant : il montre, non pas le massacre, faute de quoi la censure aurait interdit la publication, mais seulement de pitoyables victimes au pied de leur lit.
Pour en finir avec la rébellion, Thiers fait arrêter deux mille suspects cependant que la Chambre des Pairs, transformée en Cour de justice politique, juge 164 républicains.
Le « roi-bourgeois » Louis-Philippe Ier, que Thiers a concouru à installer sur le trône par ses intrigues quatre ans plus tôt, n'est pas pour autant sorti d'affaire. Il est visé par un nouvel attentat, celui du conspirateur républicain Giuseppe Fieschi, le plus meurtrier, le 28 juillet 1835. Sa machine infernale fait dix-huit morts dans le cortège royal sans atteindre Louis-Philippe. Le roi promulgue peu après les lois de septembre ou « lois scélérates » sur les actes de rébellion et la liberté de la presse.
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