Le 11 novembre 1831, à Southampton, en Virginie, Nat Turner est pendu après jugement pour avoir entraîné dans la révolte une centaine d'esclaves comme lui et assassiné en 24 heures une soixantaine de blancs. Ainsi finit la principale révolte d'esclaves qu'aient connue les États-Unis...
Nat Turner, mystique ou forcené ?
Brève et violente, la révolte de Nat Turner est de loin la plus importante recensée en Amérique du Nord.
Elle se produit dans le comté de Southampton, en Virginie, au cœur historique des États-Unis, sous la présidence d'Andrew Jackson... et pendant le séjour américain du jeune Alexis de Tocqueville. Celui-ci va publier à son retour son chef-d'œuvre, De la démocratie en Amérique (1835) avec quelques chapitres critiques et lucides sur l'immoralité mais aussi l'inefficacité de l'esclavage.
Nathaniel Turner est un jeune homme de trente ans qui a appris à lire par ses propres moyens et se pique de connaître les Saintes Écritures. En marge de son travail dans les champs de coton, il prêche ses compagnons de misère et se livre à de longues réflexions mystiques. Il sert diligemment ses maîtres successifs, de Benjamin Turner à un certain Joseph Travis.
Le 21 février 1831, une éclipse de soleil lui donne à penser que son heure est venue. Charismatique, il convainc une poignée d'hommes de le rejoindre dans sa rébellion. C'est ainsi que, dans la nuit du 21 août 1831, il massacre la famille de son maître puis marche avec sa troupe en direction de Jerusalem, la capitale du comté.
Consciencieusement, les hommes massacrent au passage les blancs des plantations qu'ils traversent. Au total soixante personnes, hommes, femmes et enfants. L'alerte est rapidement donnée et la troupe a raison des rebelles. En moins de quarante-huit heures, ils sont presque tous exterminés. Nat Turner arrive à battre la campagne pendant deux mois avant d'être enfin arrêté, jugé et pendu à Jerusalem le 11 novembre 1831 avec une vingtaine d'autres mutins.
La frayeur a été grande en Virginie et dans les États du sud. À la centaine de rebelles abattus ou pendus vont s'ajouter plusieurs centaines d'esclaves innocents lynchés sous de quelconques prétextes. La législation va se faire également plus répressive.
Il faudra encore attendre une vingtaine d'années pour que les Américains et notamment ceux du nord se mobilisent contre l'esclavage.
Ce sera en 1852 la publication de La Case de l'Oncle Tom, un roman antiesclavagiste d'Harriett Beecher-Stowe, en 1854, la polémique autour du Kansas-Nebraska Act laissant aux habitants de ces nouveaux États le droit d'accepter l'esclavage, enfin en 1856 la création du parti républicain, résolument abolitionniste. Il faudra encore une décennie et les 600 000 morts de la guerre de Sécession pour que le 18 décembre 1865 prenne effet le 13e amendement de la Constitution qui abolit l'esclavage.
Une vie romancée
Dans sa prison, avant son exécution, Nat Turner s'est confié à l'avocat Thomas R. Gray qui a publié le fruit de leurs entretiens sous le titre : Les confessions de Nat Turner (note). Ce document a nourri bien plus tard, en 1867, un roman à thèse de William Styron. Brodant très librement, le romancier a transformé l'esclave rebelle en un obsédé sexuel hanté par le viol de la femme blanche, ce qu'il n'était pas : il a interdit sévices et viols à ses comparses pendant leur équipée nocturne. La cinéaste Nate Parker en a tiré un film en 2015 : Nat Turner, Naissance d'une Nation.
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