Le 31 août 1823, un corps expéditionnaire français enlève le fort du Trocadéro qui défend le port de Cadix, en Espagne. Ce modeste succès est le premier fait de gloire des armées françaises depuis la défaite de Waterloo.
Revanche d'un incapable
À la chute de Napoléon Ier, les Bourbons étaient remontés sur le trône en France mais aussi en Espagne avec le roi Ferdinand VII.
À la différence de Louis XVIII en France, Ferdinand VII le Désiré (!) ne se résigne pas à une monarchie constitutionnelle. Dès le 4 mai 1814, il abroge la Constitution de 1812 mise en place par la junte libérale de Séville et restaure l'absolutisme, quitte à trahir ceux qui ont libéré le pays et l'ont hissé au pouvoir au péril de leur vie.
Mais en 1820, des troupes se soulèvent au moment de partir pour l'Amérique avec mission de rétablir l'autorité de Madrid sur les colonies insurgées. Le soulèvement fait tache d'huile dans le pays et le 10 mars 1820, le roi se résigne à rétablir la Constitution de 1812.
Pendant trois ans qualifiées de « Triennat libéral », le royaume renoue avec une forme de liberté mais Ferdinand VII ne désarme pas et guette le moment opportun pour rétablir l'absolutisme. C'est ainsi qu'en secret, il fait appel à la Sainte-Alliance des monarques européens pour chasser les députés libéraux de l'Assemblée des Cortés et restaurer son pouvoir.
Le vicomte François-René de Chateaubriand, qui a délaissé le métier d'écrivain pour devenir ministre des Affaires étrangères de Louis XVIII, saisit cette occasion pour offrir à l'armée française un succès facile et aux Bourbons une revanche après les humiliations de l'ère révolutionnaire.
Il vainc les réticences du roi Louis XVIII et du président du Conseil, le comte Jean-Baptiste Villèle, qui répugnent à faire la guerre, et finalement obtient que les représentants de la Sainte-Alliance réunis à Vérone confient à la France le soin de donner une leçon aux libéraux espagnols. On peut y voir une première application du « droit d'ingérence ».
Une aventure militaire sans gloire
Le corps expéditionnaire de 80 000 hommes est placé sous le commandement du duc d'Angoulême, neveu du roi Louis XVIII.
Ce dernier, qui n'a pas l'expérience de la guerre, est assisté du général Guilleminot, ancien soldat de l'Empire, ainsi que des maréchaux Oudinot et Moncey et des généraux Molitor et Lauriston qui gagneront leur bâton de maréchal à la faveur de la campagne.
Comme prévu, l'affaire est une « promenade militaire ». Rien à voir avec la guerilla contre Napoléon Ier ! Tandis que les Français approchent de Madrid, l'Assemblée des Cortés aux mains des libéraux transfère la famille royale à Cadix, en Andalousie.
L'armée française traverse la péninsule à leur poursuite. Elle arrive à son tour devant la ville. Le fort du Trocadéro, qui défend le port de Cadix, est enlevé à la baïonnette, à marée basse, par les soldats qui n'ont pas hésité à se jeter à l'eau. L'affaire se solde par de modestes pertes du côté français (35 tués).
Après quoi, les vainqueurs bombardent la ville pour obtenir sa reddition. C'est la seule bataille de l'expédition, pompeusement qualifiée par les conservateurs espagnols d'expédition des Cien Mil Hijos de San Luis (« Cent mille Fils de Saint Louis »).
Le duc d'Angoulême ramène dans ses fourgons de Cadix à Madrid le lamentable Ferdinand VII. De retour à Paris, sous les acclamations, il se félicite que l'expédition ait « assuré au roi une bonne armée et rendu à la France la considération qu'elle devait avoir en Europe ».
Dans ses Mémoires d'Outre-tombe, l'écrivain François René de Chateaubriand, dont la modestie n'est pas la qualité première, présente comme suit l'expédition du Trocadéro dont il a eu l'initiative : « Enjamber d'un pas les Espagnes, réussir là où Bonaparte avait échoué, triompher sur ce même sol où les armes de l'homme fantastique avaient eu des revers, faire en six mois ce qu'il n'avait pu faire en sept ans, c'était un véritable prodige ! »
Toutefois, malgré ce « triomphe », le ministre des Affaires étrangères est exclu du gouvernement en juin de l'année suivante par Villèle qui l'exècre. Selon ses propres mots, il a été « chassé comme s'il avait volé la montre du roi sur la cheminée ». Il passe aussitôt dans le camp ultraroyaliste, qui a placé ses espoirs dans l'avènement du futur roi (Charles X, qui montera sur le trône le 16 septembre 1824).
Querelle dynastique et guerre civile
À Madrid, Ferdinand VII, de retour sur son trône après la guerre de libération contre les Français, met en branle une brutale répression contre les libéraux. C'est l'« ignominieuse décennie » (1823-1833). L'Espagne entre dès lors dans une longue période de crise et d'obscurantisme.
Le pays renie ses élites éclairées, coupables de collusion avec les occupants français du temps de Napoléon 1er et surnommées pour cela afrancesados.
L'Église catholique, qui se signalait au siècle précédent par une grande sollicitude pour les déshérités, fait alliance avec les puissants pour maintenir le pays à l'écart de la modernité. La couronne perd qui plus est la plupart de ses colonies d'Amérique qui faisaient sa fierté.
Survient une crise dynastique qui ne va rien arranger, lorsque Ferdinand VII va abroger la loi salique, qui exclut les filles de la transmission de la couronne, dans le seul but d'empêcher son frère Carlos de monter sur le trône. Il va s'ensuivre une guerre civile et des dissensions qui perdurent encore.
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