Le 2 mars 1820, un compromis au Sénat des États-Unis apaise pour un temps les dissensions sur la question de l'esclavage, pomme de discorde entre le Nord industriel et protectionniste et le Sud aristocratique, voué à la culture du coton et à la mondialisation.
Paradoxes d'une invention prometteuse
En 1793, alors que les États-Unis viennent tout juste d'accéder à l'indépendance, un mécanicien du Massachusetts, Eli Whitney, met au point une égreneuse à coton (cotton gin) grâce à laquelle les planteurs du Sud vont pouvoir mécaniser le travail par lequel on sépare le coton proprement dit de sa tige. Fastidieux et éprouvant, ce travail nécessitait jusque-là une grande quantité de main-d'oeuvre servile et nuisait à la rentabilité de la production cotonnière.
Whitney dépose un brevet le 14 mars 1794 mais ne profite guère de son invention car celle-ci fait aussitôt l'objet de multiples contrefaçons. Les planteurs de coton, grâce à la nouvelle machine, vont pouvoir économiser de la main-d'oeuvre et rentabiliser leur activité, devenant plus concurrentiels que leurs rivaux d'Égypte ou d'Orient.
Vingt ans plus tard, par une heureuse coïncidence, la fin des guerres napoléoniennes ramène la prospérité en Europe ; elle entraîne une rapide croissance de la demande de tissus en coton et les manufactures anglaises se tournent dès lors vers les États-Unis pour importer la précieuse fibre.
Le coton remplace bientôt le tabac comme principale source de richesse au sud des États-Unis. Mais par un effet rebond spectaculaire, l'accroissement de la production en vient à exiger beaucoup de main-d'oeuvre supplémentaire, beaucoup plus que l'égréneuse d'Eli Whitney ne permet d'en économiser !
Il s'ensuit une intensification de la traite d'esclaves en provenance d'Afrique. La « funeste institution », que la plupart des Américains pensaient vouée à une rapide disparition au moment de l'indépendance, s'en trouve renforcée.
Extension du domaine de l'esclavage
Comme la culture du coton épuise très vite les sols, les planteurs doivent d'autre part chercher de nouvelles terres à l'ouest. C'est ainsi que trois nouveaux États du sud, la Louisiane, le Mississippi et l'Alabama, demandent et obtiennent le droit de pratiquer l'esclavage.
En 1818, sous la présidence de James Monroe, un territoire de l'ancienne Louisiane française, le Missouri, où vivent déjà 2000 esclaves, s'apprête à devenir le 23e État des États-Unis. Il demande à son tour le droit de pratiquer l'esclavage. Les représentants des États du nord, qui tolèrent mal la survivance de l'esclavage dans la jeune démocratie américaine, jugent que c'en est trop.
Au Sénat de Washington, l'équilibre précaire entre les onze États esclavagistes du sud et les onze États abolitionnistes du nord est en passe de basculer au profit des premiers, bien que moins peuplés.
Compromis au Sénat
Après des débats houleux à la Chambre des représentants et au Sénat, un compromis est conclu le 2 mars 1820 à l'initiative du sénateur du Kentucky, Henry Clay, lequel reste connu dans l'Histoire comme le « Grand pacificateur » (the Great compromiser).
En vertu de ce compromis, un nouvel État anti-esclavagiste, le Maine, est détaché du Massachusetts pour faire contrepoids au Missouri.
Par ailleurs, il est convenu que les futurs États qui seront créés dans l'ancienne Louisiane seront esclavagistes ou abolitionnistes selon qu'ils se situeront au sud ou au nord du 36° 30' parallèle (la frontière sud du Missouri). Ce compromis apaise les tensions pendant trois décennies mais les divergences d'intérêt entre le Nord et le Sud et les questions de principe finissent par resurgir, plus vives que jamais.
Après l'abrogation du compromis du Missouri par la loi du Kansas-Nebraska (30 mai 1854), elles vont déboucher sur la plus douloureuse des guerres qu'aient eu à connaître les États-Unis, la guerre de Sécession (1861-1865).
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