19 mars 1815

La fuite piteuse de Louis XVIII

Le 19 mars 1815, le roi Louis XVIII quitte piteusement Paris pour l'exil, laissant le champ libre à l'ex-Empereur Napoléon Ier, de retour de l'île d'Elbe.

Maximilien Girard

Louis XVIII entouré de sa famille, aux Tuileries (gravure d'époque)

Une dépêche stupéfiante

«  Vous ne savez pas ce que c'est ?
- Non, Sire, je l'ignore.
- Eh bien, Bonaparte vient de débarquer sur les côtes de Provence. Il faut porter cette dépêche au ministre de la Guerre, il verra ce qu'il aura à faire.  »

C'est ainsi que, le 5 mars 1815, Louis XVIII a réagi à une dépêche du baron de Vitrolles lui annonçant le retour de son adversaire, Napoléon Bonaparte, parvenu à s'échapper de sa principauté de l'île d'Elbe.

Le retour de l'Usurpateur

Après l'abdication de Napoléon Ier, le 6 avril 1814, la monarchie constitutionnelle avait été restaurée par le gouvernement provisoire français et le comte de Provence, frère cadet du malheureux Louis XVI, était monté sur le trône sous le nom de Louis XVIII.

L'empereur déchu avait quant à lui reçu la souveraineté d'Elbe (une petite île entre la Corse et l'Italie), le 12 avril 1814, en grande partie grâce à l'intervention du tsar Alexandre Ier. Qu'il ait cherché à revenir en France ne tient guère de l'extraordinaire car il subsistait alors dans le pays une «  masse d'opinion bonapartiste  », connue des autorités et du roi lui-même dès son arrivée au pouvoir.

François Gérard, Le Roi Louis XVIII dans son cabinet de travail des Tuileries, 1823Cette masse se subdivisait entre des militaires, anciens de la Grande Armée, insatisfaits par le nouveau régime, et des acquéreurs de biens nationaux de la Révolution, inquiets du sort qui leur serait réservé, même si le gouvernement royal ne se montrait point menaçant à leur égard, l'heure étant à la réconciliation de tous les Français.

C'est pourquoi l'atmosphère du moment était malgré tout empreinte de méfiance. Ce sont surtout les commérages et rumeurs discréditant déjà la famille royale et le régime, ainsi que les critiques de l'armée, des ultra-royalistes dirigés par le comte d'Artois, frère du roi, et des acquéreurs de biens nationaux qui contribuaient à ce pourrissement.

Quant au petit peuple, il était persuadé que Louis, sûrement en raison de son don notable pour la simulation, allait renier la Charte qu'il avait octroyée en 1814, dans le but de revenir vers l'absolutisme, tout comme le faisait à cette époque son cousin Ferdinand VII d'Espagne.

Or, Louis XVIII était satisfait de ce qu'il avait entrepris et, réaliste, n'ignorait rien de la situation. Il est vrai qu'il s'en informait avec soin en lisant jusqu'aux journaux les plus engagés dans l'opposition, au grand dam de sa famille.

Ainsi donc, le 26 février 1815, Napoléon quitte secrètement l'île d'Elbe et débarque le 1er mars à Golfe Juan, près de Cannes. Il reçoit un accueil peu chaleureux en Provence, majoritairement royaliste, mais il est bientôt acclamé dans le Dauphiné. Et le 6 mars, à Grenoble, il est escorté par les troupes envoyées contre lui !

Au début, le roi et le gouvernement ne sont guère convaincus de la réussite de l'entreprise de «  l'Usurpateur  ». La presse affirme alors que quelques gardes-champêtres viendront à bout de cet acte de démence. Cependant, devant la crainte d'un ralliement progressif de l'armée à Napoléon, les autorités décident de réagir rapidement. Louis XVIII dépêche les siens, accompagnés de soldats, dans tout le royaume.

Ainsi, Monsieur, frère du roi (futur Charles X) est envoyé défendre Lyon, secondé par le duc d'Orléans. Ce dernier, qui sera quinze ans plus tard roi des Français sous le nom de Louis-Philippe Ier, se montre fort peu attelé à sa tâche. Le duc de Berry se rend de son côté à Besançon et les époux Angoulême qui étaient en voyage officiel à Bordeaux, se chargent d'animer la résistance dans le sud.

Napoléon débarque au golfe Juan le 1er mars 1815 et observe à la longue-vue les environs (Karl-Heinrich Rahl, musée de l'armée, Paris)

Sauve qui peut à la Cour

Le 10 mars, constatant l'impossibilité d'aligner la moindre pièce d'artillerie et suffisamment de royalistes contre les troupes de Napoléon, Orléans abandonne précipitamment la partie après des efforts plutôt mous, Monsieur l'imitant trois heures plus tard alors que l'ex-Empereur arrive en ville.

Monsieur rentre aux Tuileries le 13 mars et dénonce une conspiration qui aurait permis l'avancée fulgurante de l'ennemi. Le Maréchal Soult, ministre de la Guerre, qui est soupçonné remet sa démission.

Le 14 mars, le maréchal Michel Ney, ultime espoir pour la sauvegarde de la monarchie, qui, le 6 mars, avait promis au Roi de ramener «  Buonaparte  » dans une cage de fer, se rallie à ce dernier et s'empresse de le rejoindre.

Le 16 mars 1815, Louis XVIII, déterminé à lutter, se rend, en compagnie de son frère et d'Orléans, à la Chambre des députés afin de se prononcer sur les événements et, soutenant sa Charte, il tient ces propos : «  Pourrais-je, à soixante ans, mieux terminer ma carrière qu'en mourant pour sa défense ?  » La séance s'achève en délire avec la promesse du souverain : «  Quoi qu'il arrive, je ne quitterai pas mon fauteuil. La victime sera plus grande que le bourreau.  »

Pendant ce temps, au palais des Tuileries, la Cour échafaude les plans les plus saugrenus. Pour certains, le château devrait être transformé en forteresse au centre de laquelle on placerait le vieux roi obèse, sur son fauteuil, avec deux mois de vivres et 3 000 hommes de la Maison du roi. Pour d'autres, comme le favori Blacas d'Aulpas, Sa Majesté irait en calèche, suivie de tous les députés et pairs à cheval, à la rencontre de «  Monsieur de Buonaparte  » dans le but de lui demander ce pourquoi il venait ! Normalement, il en eut été si gêné qu'il eût dû retourner sur ses pas !

Napoléon liant une corde autour du cou de Louis XVIII à Malmaison, caricature anglaise, 1815Pour sa part, Louis XVIII, flegmatique éternel, se tient coi. Depuis le 14 mars, sans le dire, il envisage de fuir plutôt que de mettre sa personne en péril. Sachant sa cause perdue, il envoie tout de même son neveu Charles-Ferdinand de Berry à la tête de l'armée royale de 20 000 hommes échelonnés entre Montereau et Villejuif. Le lendemain, l'avant-poste royal se déclare avant-garde de l'Empereur. Chacun comprend l'imminence de son arrivée.

C'est pourquoi, le 19 mars : «  Je vois que tout est fini sur ce point. Ne nous engageons pas dans une résistance inutile. Je suis résolu à partir,  » dit le roi, las et fatigué, qui a pris soin de faire porter à l'étranger les joyaux de la Couronne.

Vers 23h30, sous la pluie, ses voitures viennent se placer dans la cour des Tuileries. Le roi sort, soutenu par Blacas et le duc de Duras. Dans un élan commun, tous les fidèles présents tombent à genoux en pleurant. Alors, Louis XVIII : « Mes enfants, de grâce, épargnez-moi, j'ai besoin de force. Je vous reverrai bientôt. Retournez dans vos familles  »... Personne ne bouge. C'est alors que le vieil homme perd son sang froid : «  Je l'avais prévu, je ne voulais pas les voir. On aurait dû m'épargner cette émotion ! » Il monte avec difficulté en voiture et, après un dernier geste d'adieu, le convoi qui emporte la royauté se met en marche.

La jeunesse romantique aux côtés du vieux roi

Marie-Thérèse-Charlotte de France, duchesse d'Angoulême (1778-1851) (Alexandre François, 1827)Le lendemain, alors que Napoléon rentre aux Tuileries, acclamé, Louis a déjà atteint Abbeville. Il parvient à Gand, aux Pays-Bas, le 30 mars, après une pause à Ostende où il envisageait de se rendre de nouveau à Hartwell, son exil anglais de 1809 à 1814.

La rapidité avec laquelle il est parvenu à s'éloigner de la capitale montre à quel point il avait craint quant à son sort, pour la première fois de son existence. Dans le cortège qui entoure le vieux roi, chevauche  le poète Alfred de Vigny (18 ans) en bel uniforme de mousquetaire. Il relatera son équipée dans Servitude et grandeur militaires (1835).

Alphonse de Lamartine (24 ans) chevauche aussi à côté de la berline royale. Le peintre Théodore Géricault (26 ans) n'est pas loin cependant que le poète François-René de Chateaubriand (46 ans) suit dans une voiture ordinaire. Victor Hugo, trop jeune (13 ans), n'est pas de la partie mais son coeur bat aussi pour le roi. 

Ainsi toute la jeunesse qui fera les grandes heures du romantisme et, plus tard, se pâmera au souvenir de l'épopée napoléonienne, est-elle pour l'heure dans le camp de la tradition et de la contre-révolution. « Le romantisme n'est pas sur le champ de bataille de Waterloo. C'est plus tard qu'il le découvrira », écrit l'historien Jean Tulard.

Les Bourbons ont donc été dispersés par le vol fulgurant de l'Aigle : le comte d'Artois et le duc de Berry rejoignent le Roi à Gand, le prince de Condé est à Bruxelles, les Orléans à Londres et le duc de Bourbon en Espagne.

Seuls la duchesse et le duc d'Angoulême avaient mis tous leurs efforts en action afin de contrer l'Usurpateur. Néanmoins, ils se révélèrent vains et ils durent quitter la France, le 3 avril pour l'Angleterre puis le16 avril pour l'Espagne.

Le comportement héroïque de l'Orpheline du Temple qui, se transformant en véritable général, haranguait et passait en revue des troupes hostiles à sa cause, fit dire à Napoléon : «  C'est le seul homme de la famille.  ».

Publié ou mis à jour le : 2022-03-19 16:01:03
Erik (05-05-2015 12:47:11)

J'adore le ton de l'article. On s'y croirait :-D

Michel Pesneau (20-03-2015 13:13:12)

Superbe roman d'Aragon racontant cet épisode

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