Le 31 août 1801, le général Menou, qui commande ce qui reste de l'expédition française d'Égypte, se rend aux Anglais après sa défaite à Canope. Il obtient une capitulation décente aux termes de laquelle le corps expéditionnaire, ou du moins ce qu'il en reste, sera rapatrié par la flotte anglaise.
Jacques de Menou, atteint de la peste et soigné par le médecin militaire Dominique-Jean Larrey, quittera en dernier l'Égypte avec sa famille. Il mourra à Venise dix ans plus tard. Les préliminaires de paix seront signés à Londres le 1er octobre suivant. Triste fin pour une expédition aventureuse, semée d'échecs et de tragédies.
On estime que le tiers des 30 000 soldats engagés en Égypte trois ans plus tôt ont péri, dont la moitié de maladie et le reste dans les combats.
Une armée d'occupation abandonnée à elle-même
Demeuré seul après la fuite précipitée de Bonaparte, Kléber a d'abord tenté de négocier à El-Arich des conditions d'évacuation honorables avec l'amiral Smith.
Mais la convention a été dénoncée par son successeur l'amiral Keith, qui a intercepté une lettre dans laquelle Kléber décrit au Directoire l'état déplorable de l'armée. Jouant sur du velours, l'Anglais exige dès lors une capitulation en bonne et due forme.
Kléber, qui jouit d'une grande popularité parmi ses hommes, reprend la lutte. Le 20 mars 1800, il remporte une ultime et magnifique victoire à Héliopolis, près du Caire, sur les troupes du grand vizir, en bien plus grand nombre.
Il réprime une nouvelle révolte au Caire et semble enfin en mesure de tenir le pays quand il est assassiné par un jeune fanatique musulman aux ordres du vizir, le 14 juin 1800. Le même jour, en Italie, à Marengo, un autre général, Desaix, meurt après avoir livré la victoire au Premier Consul, Napoléon Bonaparte. Preuve que le génie sans la chance ne vaut rien.
Le commandement est repris faute de mieux par le général le plus ancien en grade. C'est Menou, rival de Kléber et médiocre stratège. Commandant de l'armée de l'Intérieur en 1795, il s'était défaussé lorsque Barras lui avait demandé de réprimer une insurrection royaliste ; c'est alors... Bonaparte qui a pris sa place et exécuté le coup de Vendémiaire.
Menou, qui s'est converti à l'islam et marié à une Égyptienne, se fait appeler Abdallah-Jacques. Il lui appartient de liquider l'expédition d'Égypte.
Les savants de la Commission des sciences et des arts sont autorisés à rentrer en France, à la différence des soldats dont beaucoup connaîtront une cruelle incarcération dans les bateaux-prisons des ports anglais.
Sommés toutefois de livrer leurs travaux aux Anglais, ils se rebellent. Conduits par le naturaliste Geoffroy Saint-Hilaire, ils menacent de les détruire. Pour ne pas ternir sa réputation, le gouverneur anglais de la place d'Alexandrie se rend à leurs prières et les autorise à emporter tout ce qu'ils peuvent porter... C'est comme ça que la pierre de Rosette, trop lourde pour un seul homme, gagnera directement Londres.
Avec l'échec de l'expédition d'Orient, la puissance maritime française se trouve anéantie pour longtemps. Malte et Minorque sont désormais aux mains des Anglais, eux-mêmes alliés de Naples et de la « Sublime Porte », le gouvernement du sultan d'Istamboul.
À noter que la sultane Validé, du sérail de Topkapi (le palais impérial) a pour nom de naissance Aimée du Buc de Rivery ; c'est une lointaine cousine de Joséphine de Beauharnais, bientôt impératrice des Français !
En Inde, les Anglais, aiguillonnés par la menace française, ont entrepris de soumettre les principautés alliées de la France. Ils ont considérablement élargi leur emprise sur le sous-continent.
Quant au Conseil impérial du tsar Paul Ier de Russie, il a pris l'incursion française en Orient comme un casus belli, a fait occuper les Iles Ioniennes et formé un corps expéditionnaire sous le commandement d'un maréchal impétueux, le prince Souvorov, qui réussit en six mois à bouter les Français hors d'Italie.
De son côté, loin d'être abattu, Bonaparte parvient à Paris en octobre 1799 en même temps que la nouvelle de son ultime succès à Aboukir. Ses bulletins militaires, les gravures des artistes et les compte-rendus scientifiques des savants de l'expédition d'Égypte ont transformé le fiasco de l'expédition en un prestigieux succès !
Bonaparte pardonne à Joséphine qui s'était accommodée de son absence dans les bras d'un brave soldat. Il exécute le coup d'État du 18 brumaire de l'an VIII (9 novembre 1799). Il organise la prochaine campagne d'Italie et réussit par des compromis heureux à rassembler les Français épuisés par dix ans de guerre intérieure et extérieure.
Le mamelouk Roustan couchera désormais à l'entrée de la tente du Premier Consul, lequel restera fidèle aux chevaux arabes. Le chirurgien Larrey et bien des officiers supérieurs qui ont commencé leur carrière en Égypte (Desaix, Lannes, Murat, Junot, Marmont) prendront figure de légende.
Quant aux savants d'Égypte, ils s'emploieront à mettre en valeur les découvertes réalisées dans ce pays mythique... malgré la perte de la pierre de Rosette confisquée par l'Anglais. C'est ainsi que Vivant Denon publiera en 1802 un Voyage dans la haute et basse Égypte, textes et dessins qui fera référence pour un siècle.
En Égypte même, le prestige des Français sera porté au zénith par le génie de Champollion et l'oeuvre de l'École du Caire, et aussi en raison du protectorat imposé plus tard par l'Angleterre.
On peut lire le petit ouvrage illustré et très didactique de Laure Murat et Nicolas Weill : L'expédition d'Égypte (Gallimard Jeunesse).
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Bernard (03-12-2023 10:42:29)
La sultane Validé, du sérail de Topkapi (le palais impérial) a pour nom de naissance Aimée du Buc de Rivery :
Il semble que ce soit une légende
Cyrille (14-06-2006 19:02:01)
La bataille navale d'Aboukir est une catastrophe aussi importante que Trafalgar bien que moins connue. Au cours de ce combat, la France perd le fleuron de sa flotte, le reste sera coulé à Trafalgar.... Lire la suite