5 septembre 1798

Naissance du service militaire

Le 19 fructidor An VI (5 septembre 1798), sous le Directoire, Jean-Baptiste Jourdan, à l'assemblée des Cinq-Cents et ancien vainqueur de Fleurus, fait voter une loi qui institue la conscription et le service militaire obligatoire. L'article premier de la loi Jourdan énonce : « Tout Français est soldat et se doit à la défense de la patrie ».

Avec la loi Jourdan, la guerre n'est plus réservée à des professionnels comme sous l'Ancien Régime, quand les souverains recrutaient les soldats parmi les vagabonds et les officiers parmi les jeunes nobles en mal d'aventures et de gloire.

Louis-Léopold Boilly, Le départ des conscrits en 1807 (Paris, musée Carnavalet)

De la milice médiévale à la conscription

Il existait jusqu'à l'aube de la Révolution une forme de service militaire : la milice, composée de célibataires recrutés par tirage au sort. D'origine médiévale, cette force d'appoint au service des seigneurs et des souverains avait été renforcée par une disposition de Louvois, secrétaire d'État de la Guerre de Louis XIV, en 1688.

Cette milice était assez peu contraignante mais très impopulaire à cause des abus qu'en faisaient les agents du roi et de son caractère inégalitaire : seuls étaient astreints à servir les paysans et manouvriers pauvres. Elle est réprouvée dans son principe par les cahiers de doléances de 1789 et abolie.

Mais le 11 juillet 1792, effrayée par la menace d'invasion étrangère, l'Assemblée législative proclame la « Patrie en danger » et lance un vibrant appel aux volontaires, avec un résultat très relatif. Aux côtés des vétérans de l'ancienne armée royale, les nouveaux engagés remportent la victoire de Valmy. Toutefois, ils ne suffisent pas à apporter la paix...

Comme le pays est désormais menacé par une première coalition européenne et que les bonnes volontés s'épuisent, la Convention nationale recourt le 24 février 1793 à la « levée en masse » de 300 000 hommes, recrutés parmi les célibataires et veufs de 18 à 45 ans par les départements de la manière qui leur convient (tirage au sort, désignation...).

Ce retour à grande échelle de l'ancienne milice débouche sur des désertions en nombre et des soulèvements. Les paysans renâclent et, pire que tout, les Vendéens se soulèvent ! La Révolution n'en est pas moins sauvée une nouvelle fois l'année suivante, en juin 1794, par la victoire de Fleurus.

La conscription entre dans les moeurs

Avec l'avènement du Directoire, la Révolution s'engage dans des guerres de conquêtes.

C'est alors que la loi Jourdan oblige tous les jeunes gens entre 20 et 25 ans à s'inscrire sur les registres communaux pour faire face à la menace d'une deuxième coalition européenne. Cette « conscription » a pour objet de faciliter une levée en masse. Les citoyens sont appelés sous les drapeaux sur ordre ou par tirage au sort, avec possibilité pour les plus fortunés de se trouver un remplaçant.

Les conscrits se disposent à un service de cinq ans. Ils sont répartis en 5 classes et chaque année sont appelées une ou plusieurs classes en fonction des besoins militaires. La loi Jourdan suscite encore plus de réticences que la levée en masse de 93. Il y a beaucoup de réfractaires et le Directoire a le plus grand mal à recruter les effectifs souhaités.

Après la paix d'Amiens, en 1802, le Premier Consul Napoléon Bonaparte se garde d'abroger la loi Jourdan et quand reprend la guerre, il prend l'habitude d'y recourir pour compléter les effectifs de la Grande Armée. C'est seulement à la chute de l'Empire, avec le retour à la stabilité et à la paix que la loi Jourdan est abolie par le roi Louis XVIII, au grand soulagement de l'opinion.

Le bel avenir de la conscription

Au cours du XIXe siècle, les besoins militaires imposent le recours à une conscription allégée, laissant une grande place aux dispenses de tous ordres, au tirage au sort et aux remplacements, qui permettent aux enfants de la bourgeoisie de payer un jeune paysan pour qu'il parte à leur place.

Le 21 mars 1905, le gouvernement de Maurice Rouvier instaure un service militaire obligatoire de deux ans pour tous les citoyens mâles, sur le modèle allemand. Il n'est plus question de dispenses ou de tirage au sort. En pleine guerre religieuse, l'opinion républicaine se réjouit de voir les « curés sac au dos ». En compensation, à effectifs constants, la durée du service actif est ramenée de trois à deux ans. À noter que les élèves des grandes écoles accomplissent la première année dans le rang, la deuxième comme sous-lieutenant. Pendant la Grande Guerre, ces jeunes gens majoritairement issus de la bourgeoisie paieront cher ce « privilège » car ils seront en première ligne dans les assauts.

Mais après l'affaire d'Agadir, le ciel européen se couvre à nouveau de nuages et la menace d'une agression allemande réapparaît. Le président Raymond Poincaré obtient, le 19 juillet 1913, que les députés votent l'allongement à trois ans du service actif.

Quand éclate la Grande Guerre de 1914-1918, les généraux de tous les bords, qui disposent avec la conscription d'armées nombreuses et de soldats non professionnels, sont incités à multiplier les offensives meurtrières.

Cette tragédie entraîne certains officiers à repenser le service militaire. En 1934, le colonel Charles de Gaulle dénonce les effets nocifs de la conscription et préconise la création d'une armée mécanisée et formée de professionnels éprouvés (Vers l'armée de métier, Berger-Levrault).

Au XXe siècle, seules les deux principales démocraties du monde, le Royaume-Uni et les États-Unis, persistent à ignorer la conscription permanente : elles n'instaurent le service militaire obligatoire qu'à titre provisoire, pendant les grandes crises internationales. À l'encontre des idées convenues qui voient dans les armées de conscrits un rempart contre la tyrannie, toutes les dictatures, de Lénine à Pinochet, s'appuient sur de telles armées.

Publié ou mis à jour le : 2019-09-04 18:07:12

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