La reine Marie-Antoinette est guillotinée le 16 octobre 1793, dix mois après son mari Louis XVI et quatre ans après que la famille royale a dû quitter le palais de Versailles pour les Tuileries, sous la pression des Parisiennes.
Le procès du roi et sa condamnation à mort pouvaient s'expliquer par la volonté des républicains d'en finir avec le principe monarchique qu'il incarnait et de briser le lien affectif qui rattachait la masse des Français à la dynastie.
Le procès de la reine (38 ans) n'est quant à lui motivé par aucune nécessité politique mais il est provoqué par la Terreur qui, sous l'effet des menaces d'invasion et des soulèvements intérieurs, de septembre 1793 à juillet 1794, va jeter un voile sanglant sur la Révolution et tout emporter sur son passage.
Une reine mal-aimée
Le 1er août 1793, la Convention vote un décret qui met en jugement la reine déchue en même temps qu'il programme la destruction de tous les symboles de la royauté, sur proposition de Bertrand Barère, député et porte-parole du Comité de Salut public (le gouvernement révolutionnaire).
La reine Marie-Antoinette est le quinzième et avant-dernier enfant de l'impératrice Marie-Thérèse de Habsbourg et de son mari, François de Lorraine. Elle a été mariée au Dauphin Louis à 14 ans, en 1770, le roi Louis XV ayant souhaité rapprocher les deux grandes puissances rivales du continent européen, l'Autriche et la France.
Mais le mariage a été d'emblée critiqué par l'opinion publique. Celle-ci, sous la monarchie comme, plus tard, sous la République, a toujours rejeté la perspective d'une alliance avec Vienne, lui préférant l'amitié du roi de Prusse.
Pendant toute la durée de son règne, Marie-Antoinette est surnommée avec dédain l'« Autrichienne ». Elle doit faire face à l'impopularité et aux ragots. Sa réputation est atteinte par des affaires auxquelles elle n'a aucune part comme le vol d'un collier de diamants auquel Alexandre Dumas a consacré un roman célèbre : Le collier de la Reine.
Crime de haute trahison
Après le départ forcé de la famille royale de Versailles pour les Tuileries, le 6 octobre 1789, Marie-Antoinette prend la mesure du bouleversement en cours. Elle va dès lors montrer une énergie inattendue mais l'appliquer bien à tort à une cause perdue, le retour à l'Ancien Régime.
Attachée à ses prérogatives royales, elle use de son influence sur le faible Louis XVI pour entraver la marche vers une monarchie constitutionnelle, au grand dam de La Fayette, qu'elle déteste, et de Mirabeau, l'un des chefs de l'Assemblée constituante, qui, par intérêt financier, s'est en secret rallié au roi. Son entrevue avec la reine, le 3 juillet 1790, se solde par un échec.
Mirabeau étant mort le 2 avril 1791, le roi tombe plus que jamais sous la coupe de son épouse. Celle-ci reprend la suggestion de Mirabeau de fuir vers l'Est et de se placer sous la protection des armées fidèles à la monarchie. Elle reçoit pour cela l'aide de son fidèle ami, un beau Suédois du nom d'Axel de Fersen. Mais la fuite échoue piteusement au relais de poste de Varennes, dans l'Argonne, le 20 juin 1791.
La reine, dès lors, cache à peine son souhait d'une intervention militaire contre la France et en appelle à son frère l'empereur Léopold II puis à son neveu François II, qui règnent à Vienne. « Nous n'avons plus de ressources que dans les puissances étrangères ; il faut à tout prix qu'elles viennent à notre secours. Mais c'est à l'Empereur de se mettre à la tête de tous et à régler tout », écrit-elle à un confident en août 1791.
Il va sans dire que ces tractations plus ou moins secrètes avec l'ennemi, assimilables à un crime de haute trahison, pèseront lourd dans son procès. Elles vont conduire à une déclaration de guerre de la France au « roi de Bohême et de Hongrie » en bonne et due forme le 20 avril 1792.
Son refus de tout compromis avec les députés de l'Assemblée législative vaut à Marie-Antoinette un nouveau surnom, celui de Madame Veto. Survient la journée fatale du 10 août 1792, qui voit la prise des Tuileries et la chute de la monarchie.
Une si longue attente
La famille royale est enfermée dans l'enclos du Temple, une ancienne demeure des Templiers située à l'emplacement de l'actuelle mairie du 3e arrondissement de Paris. Dans cette ultime épreuve, Marie-Antoinette, qui n'a plus depuis longtemps de rapport charnel avec son mari, retrouve pour ce dernier estime et sympathie.
Dans la prison se retrouvent le couple royal, leurs deux enfants, le Dauphin Louis et sa jeune soeur Marie-Thérèse, surnommée « Charlotte » et plus tard « Madame Royale », ainsi que la soeur de Louis XVI, Madame Élisabeth.
Après l'exécution du roi, le 21 janvier 1793, la Révolution s'emballe sous l'effet des menaces tant intérieures (soulèvements monarchistes dans les provinces) qu'extérieures (menaces d'invasion par les armées de la première coalition). Le 10 mars 1793 a été décrétée une levée en masse de 300 000 hommes et la création d'un Tribunal criminel extraordinaire ou Tribunal révolutionnaire pour « juger sans appel et sans recours les conspirateurs et les contre-révolutionnaires ».
Marie-Antoinette a la douleur d'être séparée de son fils, le petit Louis XVII (8 ans). Il est confié à un cordonnier, le citoyen Simon, pour être élevé en domestique et en sans-culotte (il mourra deux ans plus tard dans des conditions sordides).
Le 1er août 1793, la reine est aussi arrachée à sa fille et à sa belle-soeur et transférée à la Conciergerie, sur l'île de la Cité. Dans cette prison sordide aux cellules puantes et obscures, les prévenus attendent d'être déférés devant le Tribunal révolutionnaire. Celui-ci siège tout à côté, dans une salle de l'ancien Parlement où le roi tenait autrefois ses lits de justice.
La « veuve Capet » va devoir patienter dix longues semaines à la Conciergerie, cependant que la presse sans-culotte et en particulier Le Père Duchesne d'Hébert se déchaînent contre elle.
Son geôlier la montre telle un animal de foire à diverses personnes dont il veut gagner les faveurs. Parmi celles-ci, il y a l'inspecteur des prisons Jean-Baptiste Michonis et Alexandre Gonsse de Rougeville, ancien chevalier de la maison du roi (Alexandre Dumas en fera le héros de son roman : Le Chevalier de Maison Rouge). Le 28 août, dans la cellule de la reine, le chevalier laisse négligemment tomber deux oeillets de sa boutonnière. Après son départ, la reine peut y découvrir un billet avec ces mots : « J’ai des hommes et de l’argent ». Ils lui laissent espérer une évasion prochaine. Prévue dans la nuit du 2 au 3 septembre, la tentative échoue grâce à la vigilance d'un garde. Elle vaut à Marie-Antoinette d'être déplacée dans une autre cellule, sous une surveillance renforcée.
Infâmes accusations
Les tensions s'aggravent. Le 17 septembre, sur proposition de Philippe-Antoine Merlin de Douai et Jean-Jacques Régis de Cambacérès, les députés de la Convention votent la loi des suspects qui permet l'arrestation de ceux qui « n'ayant rien fait contre la Liberté, n'ont rien fait pour elle ». Autant dire que tout le monde est menacé.
Le 3 octobre, Jacques Billaud-Varenne, membre du Comité de Salut public et redoutable propagandiste de la Terreur, demande à la Convention de juger enfin la « putain couronnée », comme la surnomme Hébert.
Le 12 octobre, elle est extraite de sa cellule et soumise à un premier interrogatoire devant le président du tribunal Martial Joseph Armand Herman et l'accusateur public Antoine Fouquier-Tinville. Arrive enfin le procès officiel, le 14 octobre 1793. Il sera bouclé en deux jours.
Trois chefs d’accusation principaux visent Marie-Antoinette, qui ne sont pas - loin de là - dénués de fondement :
• Elle aurait dilapidé le Trésor de la Nation,
• Elle aurait entretenu des relations avec les ennemis de la République,
• Elle aurait soutenu les rébellions intérieures.
Prodigue et légère du temps de sa splendeur, Marie-Antoinette va témoigner de courage et de fermeté devant le tribunal révolutionnaire que préside .
Elle fait face avec dignité à d'infâmes accusations d'inceste sur la personne de son fils, présentées par le substitut du procureur général, le polémiste et jacobin Jacques Hébert. Robespierre lui-même déplore ces accusations nauséeuses qui affectent l'image de la Révolution.
Après la déposition d'Hébert, le président Hermann interpelle l'accusée : « Qu'avez-vous à répondre à la déposition du témoin ? » D'une voix tremblante, elle répond : « Je n'ai aucune connaissance des faits dont parle Hébert».
Hébert reprend la parole et accuse la reine et Madame Elisabeth d'avoir traité l'enfant en roi en lui donnant en toutes occasions la préséance. Marie-Antoinette se tourne vers Hébert et demande : « L'avez-vous vu ? »
Hébert : « Je ne l'ai point vu, mais la Municipalité le certifiera », puis il coupe court à l'aparté et, changeant de sujet, il se lance sur une autre affaire.
Un juré dont on n'a pas le nom se lève et demande : « Citoyen-Président, je vous invite à vouloir bien faire observer à l'accusée qu'elle n'a pas répondu sur le fait dont a parlé le citoyen Hébert à l'égard de ce qui s'est passé entre elle et son fils ». Le président répète la question et la reine se lève - « vivement émue » affirme le procès verbal - : « Si je n'ai pas répondu, c'est que la nature se refuse à une pareille inculpation faite à une mère ». Elle se tourne vers la foule : « J'en appelle à toutes celles qui peuvent se trouver ici ».
Deux témoins, les frères Humbert, rapportent qu'un courant passe dans la foule, même les tricoteuses se sentent remuées. L'audience est suspendue quelques minutes et la reine, se penchant vers son avocat Chauveau-Lagarde, lui demande à voix basse : « N'ai-je pas mis trop de dignité dans ma réponse ? »
– Madame, soyez vous-même et vous serez toujours bien ; mais pourquoi cette question ?
– C'est que j'ai entendu une femme du peuple dire à sa voisine : vois-tu comme elle est fière !
Épilogue
Quoi qu'il en soit, la reine n'échappe pas à la condamnation à mort.
Arrachée à sa cellule de la Conciergerie, elle monte sur une charrette. Le jour de l'exécution, vers onze heures, elle quitte la Conciergerie, les mains entravées dans le dos, et monte sur une charrette, assistée par un abbé et maintenue au bout d'une corde par le bourreau Henri Sanson. La charrette traverse le pont au Change et emprunte lentement la rue de la Mégisserie. Il lui faut une heure pour arriver à la place de la Révolution (actuelle place de la Concorde).
La reine est conduite au pied de l'échafaud, au milieu d'une foule vociférante. Elle monte dignement vers la guillotine et la légende veut qu'elle ait marché sur le pied du bourreau et se soit excusée en femme du monde : « Monsieur, je vous demande pardon, je ne l'ai pas fait exprès ». Elle a 38 ans.
Sa belle-sœur, Madame Élisabeth (29 ans), est à son tour guillotinée le 10 mai 1794. Sa fille Marie-Thérèse (« Charlotte ») aura plus de chance. Elle fera l'objet d'un échange contre des prisonniers français et quittera la France pour l'Autriche le 19 décembre 1795, le jour de ses 17 ans. Elle mourra en 1851 dans son pays d'adoption.
Le 21 janvier 1815, les restes de la reine Marie-Antoinette seront transférés avec ceux de Louis XVI dans la basilique Saint-Denis, traditionnelle nécropole des rois de France. Sur l'emplacement du cimetière de la Madeleine où ont été exhumés leurs restes présumés (aujourd'hui, 29 rue Pasquier 9e arrondissement), le roi Louis XVIII fera ériger une chapelle expiatoire. Une façon de se faire pardonner de n'avoir rien fait pour sauver son frère et sa belle-soeur dans son exil à Coblence.
Vos réactions à cet article
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Reine Claude (15-10-2017 18:41:18)
Assez d'accord avec MA, l'article n'est pas très bien rédigé et
comporte omissions et anomalies.
Je rappelle que la Cour a quitté Versailles le 6 octobre 1789 et
non le 5 octobre (après une nuit horrible au cours de laquelle la
Reine a failli périr). Quant à François II, c'était bien le frère de Marie-Antoinette et non son père, mort depuis longtemps. Et Louis XVI était dépressif depuis "L'Affaire du collier" et toutes les ignominies prononcées contre La Reine, bien avant. Il n'a pas pu arrêter la révolution, on le sait !
La révolution est une tache sur la FRANCE qu'on n'effacera jamais.
Un grand merci à HERODOTE pour TOUT !
Jean-Claude PETERS (18-12-2016 12:21:26)
Marie-Thérèse d'Autriche n'était pas Impératrice d'Allemagne, mais "seulement" l'épouse de l'Empereur.
michel (17-10-2016 19:57:21)
"en appelle à son frère l'empereur François II, qui règne à Vienne..." son frère ? cela ne serait pas plutôt son père ?
MAURICE (16-10-2016 10:52:46)
Tout à fait d'accord avec MA. En histoire on décrit et on explique à condition que l'on argumente au moyen de tous les documents disponibles que l'on doit d'abord analyser (c'est sur cette analyse que doivent éventuellement différer les explications des différents historiens) mais on ne juge pas.
MA (19-05-2007 13:31:39)
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec la rédaction de cet article. "le Procès du Roi et sa condamnation à mort pouvaient se justifier..." et le même "se justifier" plus loin. Non ! "Pouvaient s'expliquer", au plus, mais certainement pas "se justifier". Rien ne pouvait justifier ni ne pourra jamais justifier de pareilles ignominies qui font honte à l'humanité. Je ne reviendrai pas sur le fait que Louis XVI et Marie-Antoinette n'ont pas créé la monarchie française, qu'ils n'ont pas été éduqués correctement, qu'ils ont été lezs jouets d'une aristocratie intrigante et omnipotente et tout ce que l'on peut dire dans ce genre. Peu importe qu'ils aient, aux yeux de ceux-ci, été innocents, aux yeux de ceux-là , été coupables. Ceux qui les ont exécutés avaient encore besoin d'évoluer en matière de droits de l'Homme même si les progrès étaient en cours. Aujourd'hui, nous admettons que rien, pas même les plus monstrueux crimes de pédophilie, ne JUSTIFIE la peine de mort. Dans le passé, on a voulu justifier la peine de mort, mais nous savons aujourd'hui qu'il n'y avait pas de justification. Nous ne pouvons condamner ceux qui essayaient de justifier la peine de mort, car il fallait que la pensée évoluât jusqu'à nous et, malgré tout, ceux-là nous ont pavé le chemin, nous n'avons aucun mérite ni droit de les juger. Cependant, notre pensée plus évoluée nous retire aussi le droit d'imaginer que l'on puisse "justifier" d'une manière quelconque, même a posteriori, une condamnation à mort et une exécution. Nous pouvons seulement les EXPLIQUER.
Barthès (21-07-2006 19:27:33)
Merci pour ces reproductions.