Le 20 avril 1792, à Paris, sur une proposition du roi Louis XVI, l'Assemblée législative déclare officiellement la guerre au « roi de Bohême et de Hongrie », en fait l'archiduc d'Autriche François II de Habsbourg.
C'est l'aboutissement d'une crise internationale en germe depuis plusieurs mois... et le début d'une longue série de guerres entre la France et le reste de l'Europe qui vont bouleverser la carte du continent.
La tentation du pire
Dans leur enthousiasme, les députés de l'Assemblée constituante avaient proclamé par le décret du 22 mai 1790 : « La nation française renonce à entreprendre aucune guerre dans la vue de faire des conquêtes et elle n'emploiera jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple ». Mais cette généreuse déclaration de paix au monde est rapidement oubliée quand se fait jour l'opposition entre le roi et les représentants du peuple, après la fuite à Varennes, le 21 juin 1791. Louis XVI, beau-frère de l'empereur allemand, est alors suspendu de ses droits au grand scandale de toute l'Europe monarchique.
Le 27 août 1791, le roi de Prusse Frédéric-Guillaume II, l'empereur Léopold II et l'Électeur de Saxe ont une entrevue à Pillnitz, en Saxe. À la suite de celle-ci, l'empereur exige des révolutionnaires français qu'ils rétablissent le roi de France dans la plénitude de ses droits.
À l'Assemblée législative qui entre en fonction le 1er octobre suivant, le parti de la Montagne, dont les membres participent aussi au Club des Jacobins, se montre favorable à la guerre, sous l'influence de plusieurs députés du département de la Gironde, en premier lieu Jacques-Pierre Brissot de Warville (38 ans).
Démocrate sincère, cet avocat de la Charente s'est fait connaître avant la Révolution en fondant la société des Amis des Noirs.
Brissot et ses partisans, les Brissotins, que l'on appellera plus tard Girondins, craignent non sans raison que les émigrés rassemblés en armes à Coblence, aux frontières du pays, fomentent un complot contre-révolutionnaire avec les monarchies rivales de la France.
En décembre 1791, Brissot déclare devant l'Assemblée : « Il faut encore ou nous venger, en détruisant ce repaire de brigands [Coblence], ou consentir à voir se perpétuer, au milieu de nous, les factions, les conspirations, les incendies. Car d'où viennent les brandons qui les allument ? De Koblenz. (...) Voulez-vous détruire , d'un seul coup, aristocrates, mécontents, prêtres réfractaires ? Détruisez Koblenz. Koblenz détruit, tout est tranquille au-dehors, tout est tranquille au-dedans ».
Les Brissotins se disent que que si une guerre devait éclater, elle obligerait le roi à prendre parti pour ou contre la Révolution et, en cas de succès, permettrait d'étendre la Révolution au reste de l'Europe !
De son côté, Louis XVI, qui ne se résigne pas à un rôle de figurant, pousse à la guerre en espérant que la victoire des souverains restaurera son pouvoir absolu. Il exige publiquement de l'Électeur de Trèves qu'il disperse avant le 15 janvier 1792 les rassemblements d'émigrés à Coblence, sur ses terres ; dans le même temps, il lui demande secrètement de résister à son ultimatum !
Isolé, Robespierre, au Club des Jacobins, est l'un des rares à appréhender la guerre et souhaiterait inverser les priorités : « Domptons d'abord nos ennemis du dedans et ensuite nous marcherons à tous les tyrans de la terre ». Il n'est pas écouté mais au plus fort de l'invasion, c'est à lui que l'on fera appel pour sauver le pays.
Le 1er mars 1792 survient la mort de l'empereur Léopold II, relativement conciliant. L'avènement de son fils François II, nettement plus agressif, renforce le camp de la guerre. Il faut dire que le nouvel archiduc d'Autriche est aussi le neveu de la reine de France Marie-Antoinette et se sent impliqué à titre personnel dans les tourments de la famille royale.
Un conflit mal engagé
Le 10 mars, le roi se sépare de son ministre des Finances, Narbonne, qui appartient comme les autres ministres au club des Feuillants, partisan loyal de la monarchie. Là-dessus, le ministre des Affaires étrangères Lessart est accusé de haute trahison par Brissot et soupçonné d'avoir négocié avec Léopold II. Tous les ministres démissionnent en signe de protestation.
Partisan de la politique du pire, le roi les remplace le 23 mars par autant de ministres liés à Brissot : Clavière aux Finances, Roland à l'Intérieur, Dumouriez aux Affaires étrangères, Servan à la Guerre...
Cette alliance contre nature entre Louis XVI et les ennemis de la monarchie débouche sur la déclaration de guerre au « roi de Bohême et de Hongrie ». Ce titre volontairement méprisant désigne rien moins que l'archiduc d'Autriche François II, qui n'a pas encore été couronné empereur d'Allemagne. Mais les choses se compliquent car le roi de Prusse se rapproche de l'archiduc.
Face à cette coalition qu'elle n'escomptait pas, la France fait piètre figure. Son armée est dans un état pitoyable. Du fait des désertions et de l'absence de ressources, les effectifs sont tombés de 150 000 à 80 000 hommes. Les deux tiers de ses 9 000 officiers ont d'autre part émigré.
Suite à la levée de volontaires nationaux décidée après la fuite du roi, on peut toutefois rajouter à ces effectifs 169 bataillons soit environ 100 000 hommes. Ces volontaires se distinguent par leur uniforme bleu des bataillons de ligne réguliers en uniforme blanc. Leur véritable baptême du feu aura lieu au pied du moulin de Valmy.
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Les souverains étrangers voyaient au départ la Révolution sans déplaisir. Mais après les dérapages du printemps 1792, ils s'inquiètent pour le roi et craignent une contagion révolutionnaire. Louis XVI, son entourage et les émigrés français les poussent à intervenir. De leur côté, les révolutionnaires rêvent d'en découdre avec les vieilles monarchies d'Europe... C'est ainsi que l'Assemblée et le roi déclarent la guerre à l'Autriche.
Les débuts sont désastreux et la France est sitôt envahie. La Convention proclame la « patrie en danger » et annonce la levée de 300 000 hommes, ce qui provoque des soulèvements en Vendée et ailleurs... Au prix d'un effort exceptionnel, le Comité de Salut public redresse la situation, arrête l'invasion et se fait à son tour offensif... C'est le début de deux décennies de guerres !
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