Le 14 juillet 1790, à Paris, les Français commémorent en grande pompe le premier anniversaire de la prise de la Bastille.
Pour des motifs divers, chacun dans le pays est alors désireux de clore la Révolution entamée de façon pacifique avec l'ouverture des états généraux. Les députés, qui se sont depuis lors érigés en assemblée nationale constituante, ont beaucoup légiféré, modernisé les structures administratives et mis sur pied un projet de monarchie constitutionnelle. Le roi Louis XVI, son épouse Marie-Antoinette et la cour s'en accommodent contraints et forcés. Il s'agit de célébrer ce grand moment d'unité retrouvée.
Depuis 1880, la Fête nationale du 14 juillet perpétue le double souvenir de la Fête de la Fédération et de la prise de la Bastille...
L'union nationale
Après la prise de la Bastille, dans le Dauphiné, autour de Grenoble, plusieurs localités avaient songé à se fédérer pour se défendre contre un éventuel retour de brigands ou de contre-révolutionnaires. Leurs représentants se réunirent à Étoile, près de Valence-sur-Rhône, le 28 novembre 1789, et jurèrent « de rester à jamais unis, de protéger la circulation des subsistances et de soutenir les lois émanées de l'Assemblée nationale ». Ce précédent fut imité dans tout le royaume et la multiplication de ces fêtes civiques spontanées inspira aux députés et au marquis de La Fayette, homme de confiance du roi, l'idée d'une grande fête d'union nationale.
Sa date est donc fixée au jour anniversaire de la prise de la Bastille (soit deux jours après le vote de la Constitution civile du Clergé qui se révélera si dommageable par la suite). Quinze mille délégués de tous les départements, élus par les gardes nationales, convergent vers la capitale. Sous le nom de « Fédérés », ils forment un immense cortège qui traverse la Seine et gagne le lieu prévu pour le rassemblement, la vaste esplanade du Champ-de-Mars, où se tient aujourd'hui la Tour Eiffel. En une semaine, un gigantesque amphithéâtre y a été érigé.
Dans les tribunes, sur les côtés de l'esplanade, on compte 260 000 Parisiens auxquels s'ajoutent les fédérés, rangés sous les bannières de leur département.
La tribune royale est située à une extrémité du Champ-de-Mars, sous une haute tente. À l'autre extrémité, un arc de triomphe. Au centre de l'esplanade, Talleyrand, évêque d'Autun (qui ne se cache pas d'être athée), célèbre la messe sur l'autel de la patrie, entouré de 300 prêtres en surplis de cérémonie.
Ensuite vient la prestation de serment. La Fayette prononce celui-ci le premier, au nom des gardes nationales fédérées : « Nous jurons de rester à jamais fidèles à la nation, à la loi et au roi, de maintenir de tout notre pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi et de protéger conformément aux lois la sûreté des personnes et des propriétés, la circulation des grains et des subsistances dans l'intérieur du royaume, la prescription des contributions publiques sous quelque forme qu'elle existe, et de demeurer unis à tous les Français par les liens indissolubles de la fraternité ».
Après La Fayette, c'est au tour du président de l'Assemblée de prêter serment au nom des députés et des électeurs.
Enfin, le roi prête à son tour serment de fidélité aux lois nouvelles : « Moi, roi des Français, je jure d'employer le pouvoir qui m'est délégué par la loi constitutionnelle de l'État, à maintenir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par moi et à faire exécuter les lois ». La reine, se levant et montrant le Dauphin : « Voilà mon fils, il s'unit, ainsi que moi, aux mêmes sentiments ».
Malgré la pluie qui clôture la journée, le public retourne ravi dans ses foyers.
Pour nombre d’historiens, à commencer par Michelet, la Révolution culmine avec cette « conjuration pour l’unité de la France », monumental rassemblement national, toutes les provinces représentées à Paris par les délégations des gardes nationales.
Jean Tulard écrit pour sa part : « Le serment de fidélité à la Nation marquait l'acte de naissance de la France. Jusqu'alors le royaume s'était constitué par annexion au domaine royal de provinces, de villes, de territoires achetés, conquis, hérités par les différents souverains qui s'étaient succédé, sans que l'on ait eu le souci de la volonté de leurs populations. Le 14 juillet 1790, c'est par un mouvement librement exprimé que ces provinces, villes et territoires exprimaient leur volonté d'être français » (Les Révolutions, Fayard, 1985).
L'Europe au diapason
À l'étranger, quelques privilégiés ont motif de se sentir lésés par la Révolution française, notamment les princes allemands qui ont perdu leurs possessions alsaciennes.
Mais dans l'ensemble, surtout en Allemagne et en Italie, la Révolution française est plutôt bien accueillie à ses débuts par la bourgeoisie urbaine. Il faut dire que la philosophie des « Lumières » (Voltaire, Rousseau, Montesquieu....) a profondément imprégné la pensée des Européens cultivés. D'autre part, des révolutions démocratiques ont déjà triomphé en Angleterre, aux États-Unis, en Hollande, tandis que l'Autriche est bouleversée par les réformes de l'empereur Joseph II, « despote éclairé ».
Comme en France, on plante ici et là des arbres de la Liberté.
En Angleterre, le Premier ministre William Pitt le Jeune voit lui-même avec faveur ce mouvement généreux... qui affaiblit l'ennemie héréditaire, la monarchie française. Son rival, le libéral Charles Fox, montre un enthousiasme plus franc. Ne déclare-t-il pas au Parlement de Westminster à propos des événements de 1789 : « On n'avait jamais fait un si grand pas pour l'affranchissement de l'humanité » ?
Et puis, pourquoi les Européens devraient-ils s'inquiéter ? Les députés de l'Assemblée constituante n'ont-ils pas proclamé dans un décret en date du 12 mai 1790 : « La nation française renonce à entreprendre aucune guerre dans le but de faire des conquêtes » ?
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BANDOLERO (26-10-2016 02:20:02)
C'est surtout la Fête de la force d'une Nation affirmée dans une union fraternelle qui s'impose à la monarchie
Anonyme (14-07-2014 11:42:39)
le 14 juillet est donc une fête nationale d'essence monarchiste constitutionnelle et non républicaine